Une équipe de chercheurs a conçu théoriquement des neurones artificiels avec des ions. Le passage à la pratique pourrait permettre d’arriver à un système neuromorphique dans lequel « mémoire et calcul se font au même endroit », nous explique l'un des scientifiques travaillant sur ce projet.
Comme nous avons récemment eu l’occasion de le rappeler, les intelligences artificielles sont pour le moment largement plus artificielles qu’intelligentes… et ce n’est pas leur seul défaut. Le CNRS aborde en effet un autre point souvent laissé de côté alors qu’il est pourtant primordial : « L’intelligence artificielle ne surpasse le cerveau humain qu’au prix d’une consommation énergétique des dizaines de milliers de fois supérieures ».
De l’eau, des nanofentes de graphène et des neurones
Les chercheurs tentent donc de « concevoir des systèmes électroniques aussi économes en énergie que le cerveau humain ». Au travers d’une publication dans Science, des scientifiques affirment que des dispositifs constitués « d’une seule couche d'eau transportant des ions au sein de nanofentes de graphène auraient la même capacité de transmission qu’un neurone » du cerveau humain.
Derrière cette phrase (qui pourrait faire fuir les profanes) on trouve une technologie prometteuse. Il ne faut pour autant pas mettre la charrue avant les bœufs : il reste encore du travail pour passer de la théorie à la pratique. Lydéric Bocquet, directeur de recherche CNRS, professeur attaché à l'École Normale Supérieure et co-auteur de la publication scientifique, nous apporte des précisions techniques et des pistes sur les débouchés.
Cerveau vs système électroniques : fight !
Pour planter le décor, le CNRS donne quelques chiffres et des explications utiles pour la suite : « pour une consommation énergétique équivalente à deux bananes par jour, le cerveau humain est capable de réaliser un grand nombre de tâches complexes », tirant sa « grande efficacité énergétique » de son unité de base : le neurone.
Ce dernier « possède une membrane pourvue de pores nanométriques, appelés canaux ioniques, qui s’ouvrent et se ferment en fonction des stimuli reçus. Les flux d’ions obtenus créent un courant électrique responsable de l’émission de potentiels d’action, des signaux permettant aux neurones de communiquer entre eux ».
De leur côté, les systèmes électroniques utilisent des électrons… avec l’explosion dont nous parlions précédemment de la consommation électrique, des dizaines de milliers de fois supérieure. Le but est donc d’essayer de « concevoir des systèmes électroniques aussi économes en énergie que le cerveau humain ».
Quand les ions prennent la place des électrons
Une des pistes est d’utiliser « des ions, et non des électrons, comme vecteurs de l’information ». De « nombreuses perspectives » sont issues de la nanofluidique, une branche des nanosciences « qui étudie les comportements de fluides dans des canaux de dimensions inférieures à 100 nanomètres ».
L’annonce du jour vient d’une équipe du Laboratoire de physique de l'ENS : elle « montre comment construire un prototype de neurone artificiel, constitué de fentes en graphène extrêmement fines dans lesquelles est confinée une couche unique de molécules d’eau ».
« Les scientifiques ont montré que sous l'effet d'un champ électrique, les ions issus de cette couche d’eau s'assemblent en grappes allongées et développent une propriété connue sous le nom d'effet memristor : ces grappes gardent en mémoire une partie des stimuli reçus dans le passé », indique le CNRS.
Le Centre compare cette nouvelle technique avec le fonctionnement du cerveau : « les fentes en graphène reproduisent les canaux ioniques, les grappes, les flux d’ions ». Afin de pouvoir travailler sur ces « données » à l’aide d’outils théoriques et numériques, les chercheurs « ont montré comment assembler ces grappes pour reproduire le mécanisme physique de l’émission des potentiels d’action, et donc la transmission d’informations ».
Alerte « graphène »... mais tout va bien dans le cas présent
Avant d’aller plus loin, nous avons cherché à savoir qu’elle était la faisabilité technique de telles fentes. En effet, les promesses autour du graphène sont nombreuses depuis des années (notamment dans les salons internationaux)... sans forcément de débouchés concrets.
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Lydéric Bocquet se veut rassurant : « Nous savons faire ces systèmes depuis peu. Ils ont été proposés vers 2016 par le groupe d’André Geim (Manchester, prix Nobel pour le graphène [avec Kostya Novoselov, ndlr]) et nous avons acquis ce savoir-faire expérimental dans notre équipe également ».
C’est justement de là que vient l’« intérêt initial pour cette question théorique. Car elle est ancrée dans une réalité accessible », ajoute le chercheur.
« Le phénomène est bien là »
Cette nouvelle technique reste néanmoins théorique et il faut pouvoir passer à la pratique. C’est le projet d’une équipe franco-anglaise qui veut « prouver expérimentalement que de tels systèmes sont capables d’implémenter des algorithmes d’apprentissage simples, qui pourront servir de base aux mémoires électroniques de demain ».
Cela prendra-t-il beaucoup de temps ? Selon Lydéric Bocquet, ce serait déjà en bonne voie :
« Nous avons déjà réalisé des expériences sur ces systèmes bidimensionnels et nous avons effectivement observé ces memristors dans l’équipe. Ce sont des résultats "préliminaires" (voire un peu plus). Nous devons encore comprendre certaines choses en confrontant les résultats expérimentaux à la théorie.
Mais le phénomène est bien là. Et il ouvre de multiples possibilités que nous sommes en train d’étudier (par exemple, une forme de plasticité neuronale, ou de l’apprentissage non supervisé, etc.) ».
Nous avons ensuite demandé au chercheur quel serait l’ordre de grandeur de la consommation électrique réelle d’un tel système : « Nous n’avons pas la réponse à cette question pour l’instant, mais c’est bien l’objectif de savoir fabriquer ces systèmes artificiels pour pouvoir y répondre. La question du coût énergétique de systèmes neuronaux électroniques actuels (pour l’intelligence artificielle, etc.) est un point clef », nous explique-t-il.
Quels sont les débouchés possibles ?
Et une fois réalisés, à quoi pourraient être utilisés de tels dispositifs ? Lydéric Bocquet nous donne l'exemple « de l’apprentissage non supervisé (donc plutôt une synapse, qui est une connexion entre 2 neurones). Le système peut garder en mémoire des stimulis précédents avec de la causalité ».
Il y voit aussi une réponse à l'intérêt croissant pour l'électronique neuromorphique « car la structure du calculateur est très différente de celle d’un ordinateur classique. Ici mémoire et calcul se font au même endroit. Faire cela avec des ions comme dans le cerveau n’avait pas été fait jusqu’ici. C’est donc un champ d’application considérable ».
Commentaires (9)
#1
Sympa comme truc, merci pour l’article
Mais les plus gros progrès ça sera quand on disposera de neurones positronique
#1.1
Le problème de cette techno c’est que la chasse aux bugs si littérale, au DDT, plante tout.
#2
Merci Sébastien pour la synthèse.
#3
La mémoire de l’eau ?
(désolé)
#4
Ils veulent vraiment donner naissance à Skynet ces chercheurs… Faudra pas se plaindre quand une IA surpuissante nous éradiquera.
#5
Skynet est né depuis quelques années dans le laboratoire d’un chercheur un peu fou qui bossait dans une boite d’ordinateur quantique.
Cette intelligence à crée le bitcoin car elle avait calculée qu’elle pourrais rapidement évoluer en utilisant une partie des ressources tout en déstabilisant la consommation énergétique ce qui accélère le réchauffement climatique.
Pour optimiser le monde d’après elle à conclue qu’il vaut mieux que les humains meurent en silence, elle à donc infiltrée un ordinateur au confin de la chine, à wuhan.
Une partie de l’argent des cryptos à été investie dans boston dynamics…
Dans quelques mois un variant zeta va apparaitre et va tuer 90% des humains de la planète. Les 10% restant seront obligés de vivre avec une puce dans le bras et seront sous le contrôle de cette ia.
#6
C’est la part de marché des smartwatch…
Et accessoirement une mesure de contrôle judiciaire dans pas mal de pays.
Mais j’ai bien ri (j’avoue).
Sinon par copier nos cerveaux jusqu’à leur biotechnologie on aura bientôt plus besoin d’écoles. On ira s’acheter bonne conscience en supermarché et sans la mauvaise conscience de ne pas incarner ces apparences de richesse.
#7
#8
Gloups…