Un site condamné en appel pour revente illicite de billets de concerts
Vieille loi, Vieilles Charrues
Le 20 novembre 2012 à 08h44
5 min
Droit
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Viagogo ne pourra pas vendre de billets pour le Festival des Vieilles Charrues. Du moins quand le prix de vente de ces billets n'est pas indiqué ou est supérieur à leur valeur faciale. C'est ce que vient de confirmer la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 6 novembre 2012.
Peut-on revendre à n'importe quel prix un billet de spectacle ? En juillet 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest répondait par la négative. À la demande des organisateurs du Festival des Vieilles Charrues, il ordonnait à la plateforme Viagogo.fr - basée outre-Manche - de purger une partie des petites annonces de son site. Pas toutes, uniquement celles ayant trait à ce Festival et « dont le prix ne serait pas indiqué ou dont le prix indiqué serait supérieur à la valeur faciale. »
Pourquoi ce ciblage ? En France, une loi du 27 juin 1919, promulguée par Raymond Poincaré, interdit les reventes de billets de spectacles, concerts, etc. subventionnés au-delà de leur valeur faciale. On peut revendre un billet au prix d’achat ou à un prix inférieur, non à un prix supérieur. La loi de 1919 part d’un principe simple : il n’est pas juste de réaliser des marges sur ces festivals. Ils sont aidés par les finances publiques afin d’être accessibles au plus grand nombre. Par contre, la revente des autres billets, non subventionnés, est bien libre.
Après cette condamnation, le porte-parole du Viagogo nous avait dit combien il était « surpris par la récente décision du TGI de Brest compte tenu notamment de la dernière décision du Conseil Constitutionnel soutenant la revente libre de billets ». Le Conseil constitutionnel avait censuré un article de la LOPPSI qui tentait d’instaurer une interdiction globale de la revente de billet. Les sages de la rue Montpensier avaient jugé que cette mesure avait mal été justifiée, reposant sur une simple évasive et éventuelle menace à l’ordre public.
Par ailleurs, la société nous indiquait que « même s’il est possible de trouver des exemples isolés de billets offerts à des prix élevés, il est peu probable que ces derniers ne puissent jamais trouver preneur. Dans les faits, la moitié des billets vendus sur Viagogo sont vendus à perte ou, au mieux, à leur valeur faciale : les fans ne vendent donc pas leurs billets à des prix trop élevés comme on pourrait le penser en jugeant hâtivement les seules annonces. »
Viagogo faisait donc appel de cette ordonnance que la cour d’appel de Rennes vient de confirmer (l’arrêt du 6 novembre 2011, chez Legalis.net). Les arguments étaient multiples.
Qu'est-ce qu'une subvention ?
La plateforme faisait d’abord valoir que l’association organisatrice des Vieilles Charrues n’avait pas justifié avoir reçu de subventions publiques pour son festival 2011. Les juges repousseront l’analyse. La loi de 1919 s’applique quel que soit l’avantage fourni par n'importe quelle collectivité publique. Or, en 2011, une commune a pris en charge 22 000 euros de travaux pour ce festival. Le Conseil général du Finistère a organisé des transports gratuits ou à un prix réduit. Le Conseil régional a quant à lui offert des places dans tous les trains express régionaux (TER) à un tarif unique avantageux. « La loi du 27 juin 1919 a en conséquence vocation à s’appliquer » tranche la cour d’appel de Rennes.
Même la tentative de vente est interdite
Viagogo décelait un autre problème de preuve. L’huissier s’est contenté de constater les prix proposés sans pousser ses diligences par l’acquisition d’un ou plusieurs billets. Du coup, on ne sait pas si ce prix correspond au prix du billet seul à l’exclusion de tout service annexe. Mais la cour va rejeter là encore l’analyse : « le procès-verbal de constat établit (…) que les offres, rédigées conformément aux conditions générales d’utilisation du site, se limitaient toutes à proposer la vente de billets ouvrant droit à l’entrée au Festival à une date ou pour une période déterminée sans aucune prestation complémentaire ». En outre, la loi de 1919 sanctionne la vente effective, comme la simple tentative de vente.
Peu importe le statut
Enfin, Viagogo reprochait au juge de ne pas avoir qualifié son statut avant d’avoir préalablement qualifié la nature de son activité (hébergeur ou éditeur). La cour d’appel va répondre en deux temps. « En application de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, l’exploitant d’un site internet est tenu de retirer les données stockées ou de rendre leur accès impossible à partir du moment où il a connaissance de leur caractère manifestement illicite ou qu’une décision de justice le lui ordonne ». Ainsi, « dès lors qu’il constatait la violation d’une disposition législative à laquelle seul l’exploitant du site - quel que soit son statut - avait pouvoir et qualité de remédier, le juge des référés devait ordonner les mesures propres à mettre fin au trouble manifestement illicite qui en résultait ».
Les juges de Rennes estimeront l’ordonnance justifiée, même s’ils reconnaissent du bout des lèvres que « la rédaction, trop large, de l’injonction critiquée » aurait pu être revue « pour s’adapter plus précisément aux dispositions de la loi ».
Finalement, Viagogo sera condamné sous astreinte à purger les annonces Vieilles Charrues mises en ligne par des internautes, du moins quand le prix de vente est supérieur à la valeur faciale du billet. La société sera en outre condamnée à supporter les frais, mais non à verser, à titre de provision, d’indemnité à l’association comme l’avait ordonné le premier magistrat. Les juges d’appel ont rappelé que la contestation était « sérieuse » dans ce dossier, ce qui interdit ce type de versements.
Un site condamné en appel pour revente illicite de billets de concerts
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Qu'est-ce qu'une subvention ?
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 20/11/2012 à 08h47
mouahahaha sont forts ..
Dans les faits, la moitié des billets vendus sur Viagogo sont vendus à perte ou, au mieux, à leur valeur faciale : les fans ne vendent donc pas leurs billets à des prix trop élevés comme on pourrait le penser en jugeant hâtivement les seules annonces.
lire :
“dans les faits, la moitié des billets vendus sur viagogo sont vendus à des tarifs scandaleux. Les fansspéculateurs vendent donc bien leurs billets à des prix trop élevés comme on pourrait le penser en lisant nos déclarations foireuses”
Le 20/11/2012 à 08h51
Je trouve l’interdiction de faire du profit sur un spectacle subventionné normal. Par contre, on se trompe encore de cible : seul le site est “condamné” et pas les personnes ayant mis en vente ces billets " />
Le 20/11/2012 à 08h57
En même temps, si c’est la loi…
Le 20/11/2012 à 09h13
Le 20/11/2012 à 09h17
Le 20/11/2012 à 09h35
Le site gagne des thunes sur la revente de billets ?
Le 20/11/2012 à 09h36
En espérant que ce jugement fasse des petits.
Des fois, j’ai envie de répondre à ces annonces sur Leboncoin ou eBay, juste pour rencontrer le mec et lui casser la gueule. " /> Mais j’ai la flemme (et ces connards seraient capables de porter plainte).
Le 20/11/2012 à 09h56
billets offerts à des prix élevés
J’adore ce genre d’expression qui pour moi ne veut absolument rien dire. " />
Le 20/11/2012 à 09h57
Le 20/11/2012 à 10h05
Le 20/11/2012 à 10h11
Le 20/11/2012 à 10h33
Le 20/11/2012 à 11h12
Ils pourraient fermer eBay aussi…
Combien de fois j’ai voulu aller à un concert, quelques heures après plus de places disponibles, et les places vendues x2 sur ebay…
Le 20/11/2012 à 11h14
@indyiv: malheureusement je ne peux qu’approuver la citation de Coluche.
Concernant ta dernière phrase, je me souviens m’être bien foutu de la gueule d’un mec qui tentait vainement de revendre ses places à 20 minutes du début du show de Metallica au SdF. Je crois qu’il n’a pas apprécié. " />
Le 20/11/2012 à 12h01
Le 20/11/2012 à 12h09
Le 20/11/2012 à 12h16
Le 20/11/2012 à 13h03
Le 20/11/2012 à 13h11
C’est simple la revente de billet plus chère que l’achat devrait-être interdite point à la ligne. Il n’y a pas à polémiquer là-dessus. Les seuls qui seront contre sont les revendeurs.
C’est extrêmement énervant de voir des places liquidées en quelques minutes pour les voir revendues plus chère ailleurs par la suite.
Et quand je dis interdit je parle de tous types d’évènements, pas simplement ceux subventionnés.
Cela n’empêchera pas la vente sous le manteau mais au moins on limitera les dérives.
Le 20/11/2012 à 13h26
Le 20/11/2012 à 15h54
Le 20/11/2012 à 17h09
Le 20/11/2012 à 18h47
Et bien moi aussi, et en Pelouse Or, et au tarif normal. " />