Le nouveau classement Top 500 des supercalculateurs ne réserve pas de grosse surprise. La France se hisse en 11e position avec Pangea III de Total, tandis que Tera-1000-2 du CEA perd deux places (18e). Si les Chinois dominent outrageusement en nombre de machines, les États-Unis gardent la couronne sur la puissance de calcul total, notamment grâce à Summit.
Le Top 500 des supercalculateurs dans le monde est mis à jour deux fois par an, en juin et en octobre. Cette 53e édition est particulière pour les responsables : c'est la première fois que l'ensemble des machines dispose d'une puissance de calcul d'au moins 1 pétaflops. Toutes fonctionnent sous Linux.
Pour rappel, les tests sont effectués via le benchmark LINPACK, de plus amples informations sur celui-ci étant disponibles dans cette foire aux questions. Il en ressort un score en pétaflops (Rmax) servant à établir le classement. Nous retrouvons également Rpeak qui correspond à la puissance maximale théorique et Power (consommation en kW).
Summit indétrônable avec près de 150 pétaflops
Entre le classement de juin de cette année et celui d'octobre 2018, le Top 3 reste inchangé. Summit est toujours en tête (depuis son arrivé en juin dernier) avec 148,6 pétaflops, soit un peu plus qu'au précédent classement où il était question de 143,5 pétaflops. C'est le seul supercalculateur actuel à dépasser les 100 pétaflops.
Le département de l'Énergie des États-Unis occupe également la seconde position avec Sierra à 94,640 pétaflops, tandis que le chinois Sunway TaihuLight (une machine avec plus de 10 millions de cœurs) est toujours en troisième avec 93,014 pétaflops. Summit se paye en plus le luxe d'être en troisième position de la liste Green500 classant les supercalculateurs en fonction de leur efficacité énergétique, avec 14,719 gigaflops par watt.
La première place de ce classement est occupée par le japonais Shoubou system B avec 17,604 gigaflops/watts, mais pour une puissance de calcul de seulement 1,063 pétaflops (il est 472e du Top 500). La seconde place revient à NVIDIA avec son DGX SaturnV Volta (1,070 pétaflops, en 470e position sur la puissance brute).
Frontera (Texas) entre directement en 5e position avec 23,5 pétaflops
La Chine est de nouveau en quatrième position du Top 500 avec Tianhe-2A qui affiche 61,445 pétaflops, soit plus de 30 pétaflops de moins que le numéro 3. Un nouveau venu prend directement la cinquième position : Frontera du Texas Advanced Computing Center. Il est animé par des Xeon Platinum 8280 (28C/56T) avec une puissance de 23,5 pétaflops.
Entre le premier supercalculateur et le cinquième, il y a donc un rapport de 1 à 6. Le premier européen, Piz Daint en Suisse, descend d'une place et se classe donc 6e. Le SuperMUC-NG allemand glisse lui aussi d'une place, mais se maintient toujours dans le Top 10 (il est en 9e position).
Total 11e, le CEA 18e, le CNRS 42e
Grâce à son nouveau supercalculateur Pangea III, Total, et donc la France, se hisse à la 11e place du Top 500. Le supercalculateur exploite des CPU IBM Power9 (18C/36T) et des GPU NVIDIA Volta GV100 pour une valeur Rmax de 17,860 pétaflops et 25,025 pétaflops théoriques.
Une position dont le groupe pétrolier se réjouit : Pangea III « devient le premier calculateur de l’industrie mondiale ». Cette puissance de calcul servira notamment à l'imagerie sismique et au développement de modèles de production. Bien évidemment, il est aussi question d'IA en testant « de nouveaux algorithmes plus complexes pour faciliter le développement de solutions en intelligence artificielle ».
Pangea premier du nom est toujours en activité et se place en 38e position avec 5,283 pétaflops. Pangea III est 7e de la liste Green500 avec 13,065 gigaflops/watt, alors que Pangea n'est que 172e avec 1,273 gigaflops/watt. L'efficacité a donc été multipliée par onze en six ans.
Le CEA se retrouve en 18e position (en baisse de deux places) avec son Tera-1000-2 dont la puissance n'a pas bougé d'un iota : 11,965 pétaflops. Ensuite, nous avons nouveau Jean Zay du CNRS en 42e et Joliot-Curie du GENCI en 47e position. Cinq supercalculateurs français sont ainsi présents dans le Top 50.
Si les États-Unis occupent les deux premières places depuis plusieurs mois, les chinois mènent largement les débats sur le nombre de machines : 219 supercalculateurs dans le Top 500. 116 sont américains et 29 japonais. La France se classe quatrième position avec 19 supercalculateurs, suivie par le Royaume-Uni (18) et l'Allemagne (14).
L'Europe compte bien passer la seconde et la Commission a récemment dévoilé les huit nouveaux sites qui accueilleront des supercalculateurs, dont trois avec des « précurseurs de machines exaflopiques ». Ces derniers ont l'ambition de venir se placer dans le Top 5 mondial.
À l'heure actuelle, il faudrait au moins 93 pétaflops pour prendre la troisième place.
En France, le Grand équipement national de calcul intensif (GENCI) vient d'inaugurer son supercalculateur Joliot-Curie qui était en 40e position en octobre dernier, et qui passe désormais en 47e position avec ce nouveau classement. Via l'ajout de processeurs AMD Epyc 7 nm (Rome), il compte atteindre 22 pétaflops (théorique) en 2020.
600 pétaflops aux États-Unis, 466 pétaflops en Chine
Si l'on agrège la puissance de calcul par pays, les États-Unis reprennent la tête avec 38,4 % (600 pétaflops) des performances totales qui sont de 1,56 exaflops pour ce 53e rapport, contre 1,41 exaflops il y a six mois. Le pays est grandement aidé par Summit et Sierra qui représentent à eux seuls 15,6 % du total.
La Chine n'atteint que 29,9 % de la puissance globale (466 pétaflops) alors que quasiment un supercalculateur sur deux est chinois. Les suivants sont loin derrière : le Japon est troisième avec 117 pétaflops, puis la France avec 67 pétaflops, l'Allemagne avec 60 pétaflops, le Royaume-Uni avec 40 pétaflops, etc.
Les fabricants de l'empire du Milieu doivent se frotter les mains puisque 173 des 500 supercalculateurs proviennent de chez Lenovo. Inspur et Sugon suivent avec respectivement 71 et 63 machines. 307 supercalculateurs sont donc issus de ces trois constructeurs chinois. On descend ensuite à 40 pour HPE, 39 pour Cray qui vient de se faire racheter par HPE, 21 pour Bull, 13 pour Fujitsu, 12 pour IBM. Ce dernier occupe par contre les deux premières places avec Summit et Sierra.
478 avec des processeurs Intel, 3 avec de l'AMD
Sans grande surprise, Intel domine outrageusement le choix des CPU en équipant 95,6 % des supercalculateurs. Sept utilisent les PowerPC d'IBM et seulement trois machines exploitent des puces AMD : deux avec des Opteron 6200 (ici et là), un avec des CPU Hygon Dhyana (basé sur l'architecture Zen) provenant d'une joint-venture d'AMD et le chinois Tianjin Haiguang Advanced Technology Investment Co (THATIC). Enfin, un seul utilise des puces ARM Cavium ThunderX2.
133 machines disposent d'« accélérateurs ou des coprocesseurs », dont 125 avec des GPU NVIDIA. La moitié exploite la dernière génération Volta, tandis que l'autre reste sur Pascal et Kepler. Le type d'interconnexion utilisé est également intéressant à analyser. Dans le Top 500, 54,2 % des supercalculateurs utilisent l'Ethernet, 25 % InfiniBand, 10,8 % un système maison et 9,8 % la technologie Omni-Path d'Intel.
Si l'on prend en compte uniquement les 50 supercalculateurs les plus rapides du classement, la répartition change drastiquement. Ethernet n'est plus présent que dans une seule machine, alors que les solutions maison prennent le dessus dans 40 % des cas. InfiniBande grimpe à 38 % et Omni-Path reste relativement stable à 10 %.
En plus de son classement, le site propose un générateur de sous listes avec de nombreux filtres par pays, fabricant, type d'architecture, génération de processeur, type d'interconnexion, etc.
Commentaires (6)
#1
Tous ces chiffres donnent le tournis
Aller, comparaison qui ne vaut rien du tout mais bon, 1,56 ExaFlops, c’est en une seconde plus d’opérations qu’il y a eu de secondes depuis le big bang (1.56e+18 contre 3.15e+17)
#2
“Dans le Top 500, 54,2 % des supercalculateurs utilisent l’Ethernet, 25 % InfiniBand, 10,8 % un système maison et 9,8 % la technologie Omni-Path d’Intel.”
C’est là que réside le problème de continuer à utiliser le LINPACK comme référence, il n’est pas particulièrement sensible à la latence et le débit de l’interconnect utilisé, et ça fait plusieurs années que les chinois et les US s’attellent à faire rentrer des grosses machines de fournisseurs cloud avec juste du gigabit, puis du 10GbE et maintenant du 40GbE, juste pour gonfler leurs stats alors que la grosse majorité de ces machines ne seront jamais utilisées pour faire du HPC… pour le délire, ça serait marrant que MS, Amazon ou Google fassent tourner HPL sur une partie de leurs infras et volent la 1ère place du classement
#3
Pour Jean Zay il y a en fait deux partitions, la partition GPU est 42e et la partition CPU est 72e.
#4
Et dire que Cray doit livrer en 2021 le supercalculateur Frontier qui fera à lui tout seul 1.5 exaflops …
#5
Devrait aussi y avoir Aurora en 2021 où Intel sous-traite à Cray, et qui devrait faire un peu plus d’un exaflops. D’ailleurs, ça ne me semble pas clair si c’est Frontier à Oak Ridge ou Aurora à Argonne qui arrivera la 1ère, étant donné qu’elles sont toutes les 2 prévues pour 2021.
#6
Impressionnant !