[MàJ] La fin du roaming en Europe pour 2014, une possibilité, non une réalité
Roaming Schneider
Le 20 juin 2013 à 06h42
13 min
Société numérique
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Depuis une semaine, la planète mobile s'agite. Il faut dire que d'après un papier du Telegraph publié jeudi 13 juin dernier, les 27 commissaires européens ont voté pour une accélération du calendrier afin de mettre en place la mort du roaming dès le 1er juillet 2014. Une information erronée, puisqu'aucun vote n'a eu lieu. Explications et état des lieux.
Les tarifs de roaming (ici chez Orange) vont-ils disparaitre l'an prochain pour l'Europe ?
La priorité de Neelie Kroes
Ces derniers mois, l'idée d'un marché unique européen pour le mobile a refait surface. Poussée par la commissaire européenne Neelie Kroes, le concept est notamment de mettre fin au roaming, ces coûts d'itinérance si élevés et imposés aux citoyens européens dès qu'ils dépassent la frontière de leur pays. Mais si l'idée est belle et est souhaitée depuis des années par diverses associations des consommateurs (un peu moins par les opérateurs), elle est encore bien loin d'être concrétisée, quand bien même Neelie Kroes en fait sa priorité des priorités.
Tout a réellement commencé en ce mois de mars. Suite à un Conseil européen, les présidents et premiers ministres du continent ont ainsi demandé à la Commission européenne de présenter en octobre 2013 un projet incluant « des mesures concrètes pour établir dès que possible le marché unique des technologies de l'information et de la communication ». Le but était de laisser le temps à la Commission d'étudier comment mettre en place ce marché unique et les implications de la mort du roaming. Mais du fait de l'approche des élections européennes, qui auront lieu fin mai 2014, une accélération du calendrier a été engagée par Neelie Kroes.
En avril dernier, la commissaire européenne confiait au Financial Times : « Nous accélérons nos efforts. C'est essentiel pour le secteur et l'économie dans son ensemble. (...) Ma priorité numéro un en 2013 est de m'assurer que nous sommes d'accord avec les gouvernements quant aux éléments nécessaires pour offrir un véritable marché unique. » Des propos confirmés le mois suivant par cette même Neelie Kroes : « Je suis du même âge qu'Alex Ferguson (entraineur de Manchester United fraichement retraité, ndlr), mais je n'ai pas l'intention de prendre ma retraite avant d'avoir mis fin à tous les obstacles au marché unique. (...) Il s'agit de la priorité majeure pour le reste de mon mandat. »
Prochaine étape en septembre 2013
Du fait de l'accélération du calendrier, il a d'abord été imaginé que le projet soit présenté dès le mois de juin. Un laps de temps bien trop court, tous les intervenants concernés n'ayant pas été interrogés sur le sujet. Qui plus est, selon nos informations, le projet ne concernera pas uniquement la fin du roaming, mais aussi la neutralité du Net, la coordination des attributions de fréquences mobiles en Europe, etc. Des sujets brulants qui peuvent impliquer des changements importants dans la vie des Européens, que ce soit pour leurs forfaits fixes et mobiles.
Contactée par nos soins, Linda Cain, attachée de presse de Neelie Kroes, nous a affirmé que le collège des membres de la Commission européenne tiendra au début du mois de septembre prochain une réunion afin d'aborder ce lourd projet. Une information qui nous a été confirmée par plusieurs sources proches du dossier et reliées au monde politique et des télécoms. Madame Cain nous a de plus assuré que l'article du Telegraph est inexact, aucun vote sur le sujet n'ayant été réalisé pour le moment. Certes, ces derniers jours, une réunion entre commissaires européens a bien eu lieu afin de discuter du calendrier sur ce projet de réforme télécom. Neelie Kroes a ainsi répété lors de ce débat son souhait de voir ce projet être adopté par les députés européens et le Conseil de l'Union européenne avant la fin du mandat des commissaires, soit avant mai 2014. Des propos qui nous ont été réaffirmés par Linda Cain.
Toutefois, d'après une source de la Commission européenne, les chances qu'un tel dossier puisse se ficeler dès l'an prochain sont minces : « Bien que nous espérons finaliser un accord sur l'itinérance d'ici l'été 2014, il est plus susceptible que cela arrive en 2015 voire plus tard en fonction des réactions des gouvernements nationaux et des membres du Parlement européen. »
Ce que l'on sait concrètement sur ce paquet télécom
À ce jour, le projet qui sera présenté en septembre prochain reste flou et pourrait encore évoluer d'ici ces prochains mois. Il faut dire qu'il n'y a pas eu de consultations publiques et que les détails disponibles aujourd'hui sont encore très succincts. D'après Neelie Kroes et ses attachés de presse, le but de ce projet est de réduire au maximum les obstacles auxquels font face les opérateurs européens, ceci afin de mettre en place un véritable marché unique sur le continent. Créer un marché sans frontière, où les opérateurs (fixes et mobiles) ne penseront plus au niveau national mais continental, et où les citoyens européens pourront se déplacer et téléphoner sans se soucier du pays où il se trouve, est ainsi l'objectif numéro un.
Pour le moment, nous savons que le futur paquet télécom visera (sauf changement) à :
- Mettre fin au roaming (coût d'itinérance).
- Interdire aux opérateurs de bloquer ou de limiter des services ou protocoles, en échange de la possibilité de différencier (segmenter) leurs offres. (point sur la neutralité du Net qui fera débat)
- Permettre aux FAI d'accéder aux réseaux fixes des autres pays.
- Simplifier et unifier les règles en Europe pour les opérateurs télécoms.
- Coordonner l'attribution des spectres de fréquences en Europe.
- Sécuriser les réseaux européens.
« Ce ne sera pas facile » concède Ryan Heath, porte-parole pour la Stratégie Numérique en Europe. « Le temps n'est pas notre ami » rajoute-t-il, avant de préciser que si ce nouveau paquet télécom ne réglera pas tout en Europe, il n'en reste pas moins « ambitieux mais aussi réaliste ».
Toutefois, à l'origine, Neelie Kroes avait une ambition bien plus élevée. Elle souhaitait par exemple créer un régulateur européen ou encore pousser les géants des télécoms à fusionner, ceci afin de réduire les dizaines voire les centaines d'opérateurs européens à un nombre plus restreint, à l'instar de la Chine et des États-Unis. Mais face à l'opposition importante des ministres de chaque pays européen, de telles idées ont été abandonnées. Cela pourrait d'ailleurs aussi être le cas de certains points ci-dessus. Si le sujet des fréquences venait à faire coincer le paquet par exemple, il ne serait ainsi pas surprenant que des concessions soient réalisées. Or le temps étant l'ennemi de Neelie Kroes comme l'a si bien rappelé son porte-parole, elle ne pourra pas négocier ad vitam æternam avec ses opposants. Une position qui joue contre elle et son paquet, bien que ce dernier a aussi pour but de montrer patte blanche aux opérateurs, notamment sur le sujet si houleux qu'est la segmentation des forfaits.
La commissaire européenne n'a néanmoins pas caché ces derniers jours qu'elle fera tout son possible pour réduire à néant le roaming en Europe, sans pour autant abandonner son idée de paquet télécom : « Je l'ai dit dès mon premier jour dans ce métier que les frais d'itinérance devraient disparaître en 2015. Cela n'avait pas l'air possible lorsque nous avons négocié les dernières baisses de prix en 2012 (ndlr, voir ci-dessous). Maintenant, en tant que partie d'un ensemble plus large, cela semble possible et je vais le proposer. C'est très important de voir cela comme un paquet. Nous ne pouvons arriver à la fin des frais d'itinérance que si nous obtenons un soutien pour un véritable marché unique. »
Ce qu'il en est aujourd'hui
À ce jour, c'est-à-dire en prenant en compte uniquement ce qui a été voté dans le passé et non ce futur paquet télécom, la situation est simple. Aujourd'hui, les tarifs plafonds imposés par l'Europe aux opérateurs sont (hors TVA) de 29 cents d'euro par minute pour appeler, 8 cents par minute pour recevoir un appel, 9 cents pour envoyer un SMS et 70 cents par Mo. Des tarifs encore très élevés pour appeler et accéder à internet, mais qui diminueront dans quelques jours ainsi que l'an prochain :
- Les tarifs plafonds à partir du 1er juillet 2013 (hors TVA) :
- 24 cents par minute pour appeler (- 5 cts)
- 7 cents par minute pour recevoir un appel (- 1 ct)
- 8 cents pour envoyer un SMS (- 1 ct)
- 45 cents par Mo (- 25 cts)
- Les tarifs plafonds à partir du 1er juillet 2014 (hors TVA) :
- 19 cents par minute pour appeler (- 10 cts par rapport à 2012)
- 5 cents par minute pour recevoir un appel (- 3 cts)
- 6 cents pour envoyer un SMS (- 3 cts)
- 20 cents par Mo (- 50 cts)
Il est aussi important de préciser qu'à partir du 1er juillet 2014, il sera possible d’acheter un forfait spécial « roaming » chez un autre opérateur que le vôtre. Cela signifie donc que si vous vous rendez à l'étranger, vous pourrez utiliser les tarifs roaming d'un autre opérateur que le vôtre, tout en bénéficiant de votre téléphone, de votre puce, et donc du numéro qui est le vôtre en France. Le but de la Commission est ainsi d'engager une concurrence entre les opérateurs européens et de tirer les prix au maximum vers le bas.
Cette logique a toutefois été adoptée par le Parlement européen l'an passé, ceci avant que Neelie Kroes ne change de braquet et tente de mettre à mort définitivement les coûts d'itinérances.
Ce qu'en pense l'ARCEP
Interrogée par PC INpact, l'Autorité de régulation des télécoms nous a redirigés vers le discours prononcé il y a quelques jours par Benoit Loutrel, directeur général de l’ARCEP, lors du forum des télécoms et du net organisé par Les Échos à Paris. Il a notamment déclaré être en faveur d'une politique télécom à l'échelle européenne : « S’il y a des acteurs qui commencent aujourd’hui à avoir une taille européenne, c’est grâce à l’ouverture à la concurrence des marchés européens. (...) Il y a de la place pour une politique industrielle européenne, notamment en termes de coordination des calendriers de mise sur le marché des fréquences. » Ce dernier point rejoint ainsi l'une des parties présentes dans le paquet qui devrait être présenté par Neelie Kroes à la rentrée.
Toutefois, une différence de philosophie semble exister entre Benoit Loutrel et la commissaire européenne. Le DG de l'ARCEP a en effet estimé lors de ce forum que « l’abolition du roaming en Europe doit être un résultat du marché unique, et non un moyen d’y parvenir ». En somme, cela doit plus ou moins se faire naturellement dès lors qu'une véritable concurrence au niveau européen se sera créée. Pour cela, il faut donc mettre en place certaines dispositions qui permettront la construction d'un marché unique européen des télécoms. Ensuite, le roaming disparaitra de lui-même. Or Neelie Kroes semble vouloir imposer la mort du roaming en même temps que le création du marché unique, voire avant même sa formation. En un sens, elle veut mettre la charrue avant les bœufs si l'on suit la logique de Benoit Loutrel.
Ce qu'en pensent les opérateurs télécoms français
La Fédération Français des Télécoms, qui regroupe la plupart des grands opérateurs du pays (hormis Free et Numericable), nous a avoué ne pas avoir encore de positions officielles sur ce projet de Neelie Kroes. Néanmoins, en prenant en compte les différentes actions passées de la Commission européenne, la FTT regrette la « vision consumériste » et non industrielle de l'Europe, entrainant des pertes de revenus pour les opérateurs, ceci dans un environnement mis en difficulté par la crise économique et l'arrivée de nouveaux concurrents. Un discours classique mais amer, sachant que les opérateurs cherchent en ce moment plutôt un soutien qu'un énième coup de poignard dans le dos.
Bouygues Telecom, de son côté, nous a expliqué être dans l'attente de plus d'informations, tout en regrettant la tournure que semble prendre les choses à la Commission européenne : « même si nous sommes favorables à l’harmonisation progressive des prix de roaming en Europe, nous avons été surpris par ces déclarations de Nelly Kroes, qui interviennent moins d’un an après les dispositions prises dans le cadre du règlement roaming, qui étaient déjà très contraignantes pour les opérateurs (encadrements tarifaires, investissements informatiques). Nous attendons la traduction concrète de ces déclarations. »
Une manœuvre politicienne ?
Au cours de nos différentes interviews ces derniers jours, une remarque est régulièrement revenue dans la bouche de nos interlocuteurs : le calendrier, cette précipitation diront certains, ressemble à s'y méprendre à une simple manœuvre politicienne. Son entêtement à vouloir la fin des coûts d'itinérance avant la fin de son mandat en mai 2014, ce qui n'était pas d'actualité il y a encore quelques mois, ne serait qu'une façon de mieux terminer que n'a commencé son mandat, dans le but d'être réélue.
Une source issue du milieu des télécoms et qui souhaite aussi rester anonyme, note d'ailleurs que la commissaire européenne a créé la « surprise générale » en mettant sur la table il y a quelques mois ce sujet de la mort du roaming, « prenant tout le monde par surprise ». Un autre contact anonyme, toujours lié au milieu des télécoms, a même fait remarquer que pour l'instant, le projet de Neelie Kroes a été fait « à la va-vite » et que « tout est flou ».
Faute de contenus tangibles pour le moment, les personnes que nous avons contactées, qu'elles soient à Bruxelles ou en France, ont reconnu être dans l'expectative et attendre d'avoir plus de détails. Comme nous tous en fin de compte.
[MàJ] La fin du roaming en Europe pour 2014, une possibilité, non une réalité
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La priorité de Neelie Kroes
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 20/06/2013 à 06h54
Ok donc la fin du roaming et ses prix exorbitants c’est pas pour demain… " />
Le 20/06/2013 à 07h13
En attendant la fin du roaming l’idée d’avoir un forfait pour le pays avec ta propre puce peut être pas mal !
Le 20/06/2013 à 07h14
Je trouve cela hallucinant qu’un journal comme the telegraph et tous les autres journaux qui ont repris l’info puissent publier qu’un vote a eu lieu… alors qu’il n’a pas eu lieu.
Comment travaillent-ils ? Quelle crédibilité accorder aux médias après ce genre de chose ?
Le 20/06/2013 à 07h21
Le 20/06/2013 à 07h32
Ces derniers mois, l’idée d’un marché unique européen pour le mobile a refait surface. Poussée par la commissaire européenne Neelie Kroes, le concept est notamment de mettre fin au roaming, ces coûts d’itinérance si élevés et imposés aux citoyens européens dès qu’ils dépassent la frontière de leur pays.
Ça devient compliqué, accorder entre 2 phrases séparées, j’ai cherché le lien longtemps.
mais je n’ai pas l’intention de prendre ma retraite avant d’avoir mis fin à tous les obstacles au marché unique. (…) Il s’agit de la priorité majeure pour le reste de mon mandat. »
Ah il reste un espoir de voir la copie privée uniformisée en Europe ?
Le 20/06/2013 à 08h06
Precipité, baclée, un coup dans le dos des operateur au mauvais moment.
Et ca rale…
Et 8€/Mo de 3G en suisse pour orange … c’est pas du racket peut être.
Le 20/06/2013 à 08h20
C’est quoi ces exemples de tarifs où la connexion Wi-Fi est payante à 0.25 € / min !!
Le 20/06/2013 à 08h23
Heu dans la première image sur les tarifs d’orange, dernière ligne :
se connecter en wifi 0.25€/min " />" />
lapin compris
–arf je me suis fait vapoté par Marc4444
Le 20/06/2013 à 08h28
La fin du Roaming c’est très mal dit …
Le Roaming continuera d’exister et heureusement :) Ce qui risque de disparaitre c’est les surcouts.
Le 20/06/2013 à 08h38
Ha ha Roaming Schneider, excellent et osé. " />
Dommage qu’il n’y ait aucun rapport avec l’article … " />
Le 20/06/2013 à 08h46
pour le “se connecter en wifi 0.25€/min” dans l’illustration, je penses que c’est par rapport à la connexion aux hotspots payant comme on en trouve dans les aéroports. Truc qui te demande de payer par CB toussa…
Le 20/06/2013 à 09h56
Le 20/06/2013 à 12h23
Le 20/06/2013 à 12h54
Les operateurs bougent sur le roaming, l’UE peut les faire évoluer plus vite, mais comme dit lARCEP je pense aussi que les frais vont diminuer voire disparaitre par effet de concurence.
Mon operateur irlandais propose de recevoir les appels gratuitement lorsqu’on se trouve en dehors du pays, la plupart des operateurs propose des options “roaming” souvent a des prix plus avantageux que les plafonds imposés par l’Europe, etc.
Nous ne sommes pas encore a un niveau acceptable, mais ca progresse..
Le 20/06/2013 à 17h38
Une source issue du milieu des télécoms et qui souhaite aussi rester anonyme, note d’ailleurs que la commissaire européenne a créé la « surprise générale » en mettant sur la table il y a quelques mois ce sujet de la mort du roaming, « prenant tout le monde par surprise ».
Comprendre : on a pas compris, notre lobbying a pas fonctionné!" />
Pire, quelqu’un a aligné plus d’argent que nous!