Hadopi : une étude remet en cause l’efficacité de la riposte graduée
De nouveaux travaux signés par le M@rsouin
Le 22 janvier 2014 à 07h45
7 min
Droit
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Alors que le futur d'Hadopi devrait se retrouver dans les mains du CSA d'ici un laps de temps encore bien incertain, une nouvelle étude du M@rsouin s'est intéressée aux comportements des internautes français accédant illégalement à des contenus numériques, ceci en présence du dispositif de riposte graduée. Et le bilan n'est pas forcément positif pour la Haute autorité.
Graphique issu d'une précédente étude du M@rsouin
Un sujet étudié depuis quatre ans
Allégée de son arme la plus tranchante, c'est-à-dire la suspension d'accès à internet, la riposte graduée est malgré tout encore vivante (plus que jamais). Et si son transfert de la Hadopi au CSA est bien engagé, cela n'a pas empêché Michael Arnold, Éric Darmon, Sylvain Dejean et Thierry Penard de publier une étude sur le comportement des internautes vis-à-vis de la riposte graduée. Le premier nommé, un économiste de l'Université du Delaware, nous est peut-être inconnu, mais les trois autres personnalités ont maintes fois retenu notre attention ces dernières années.
En 2010, Sylvain Dejean et Thierry Penard, chercheurs à l'Université de Rennes, avaient déjà créé un certain buzz en dévoilant « une première évaluation des effets de la loi Hadopi sur les pratiques des Internautes français, » ceci alors que la peinture de la riposte graduée était encore fraîche. À cette époque, leurs conclusions étaient les suivantes : si l'usage du P2P à des fins illégales a bien été réduit du fait de la présence d'Hadopi, les autres façons d'accéder illégalement à du contenu ont progressé, et notamment le streaming. « Bien que le nombre d’internautes fréquentant les réseaux Peer-to-Peer ait diminué, le nombre de « pirates numériques » a légèrement augmenté depuis le vote de la loi Hadopi » remarquaient-ils il y a près de quatre ans.
Des internautes parfois bien mal renseignés
Deux ans plus tard, en mai 2012, ces mêmes personnes ont remis le couvert en réalisant une étude similaire, mais avec bien plus de recul cette fois-ci. Et le bilan était sans appel, avec près d'un internaute sur deux ayant arrêté d'utiliser le P2P à des fins illégales, tandis que d'autres ont tout simplement réduit leur consommation via ce protocole. Mais surtout, Thierry Penard indiquait déjà à cette époque que l’enrichissement de l’offre légale et une baisse des prix étaient la meilleure réponse à apporter afin d'augmenter la consommation légale et donc réduire ce qui est vulgairement appelé le piratage.
Quelques mois plus tard, en juillet de la même année, Éric Darmon, Thierry Pénard, et Sylvain Dejean, accompagnés de Raphaël Suire, ont dévoilé deux nouvelles études. La première portait sur l'ignorance des internautes vis-à-vis des mécanismes de la riposte graduée, notamment sur les protocoles surveillés. Au point même que certaines personnes interrogées ont estimé « que l’Hadopi surveille les échanges de la main à la main (échange sur clé USB ou disque dur), » ce qui est bien évidemment faux et farfelu. Quant à la seconde étude, elle s'intéressait à l'importance de l'échange réalisé en main propre (le « piratage de proximité »), bien plus complexe à surveiller et à quantifier.
Des réactions différentes selon les individus
Suivant de près le dossier Hadopi depuis ses débuts et étudiant tout ce qui porte au partage depuis des années, les chercheurs Éric Darmon, Sylvain Dejean et Thierry Penard ont donc dévoilé il y a quelques jours une nouvelle étude sur le sujet. Concentré sur l'impact d'un dispositif de riposte graduée sur les internautes, le document présente précisément un modèle mathématique du comportement illégal en présence d'une politique publique telle qu'Hadopi. Si nous n'allons pas rentrer dans les détails de ce modèle, aux calculs mathématiques complexes, les conclusions de l'étude sont par contre intéressantes à plus d'un titre.
Tout d'abord, le modèle révèle que la probabilité d'être détecté par les radars de la riposte graduée « n'a pas d'impact sur la décision d'un individu à s'engager dans le piratage numérique ». Plus surprenant, en cas d'augmentation du risque d'être détecté, deux réactions opposées en découlent. La première, peu étonnante, est une baisse de l'incitation à la consommation illégale, ceci du fait du risque de punition. La seconde, par contre, implique une augmentation du piratage à court terme. Pourquoi ? Tout simplement parce que certains internautes se disent que consommer plus abondamment avant de recevoir un premier avertissement est plus judicieux, quitte ensuite à ralentir voire arrêter leurs actions en cas de punition possible. L'effet dissuasif est donc ici à double tranchant.
L'effet dissuasif de la riposte graduée et d'Hadopi est faible
Plus étonnant encore, l'étude indique qu'une amélioration de l'accès légal aux contenus, que ce soit via des baisses de prix ou une plateforme plus conviviale, implique certes une croissance de la consommation légale, mais aussi de la consommation illégale. C'est tout du moins le cas pour les personnes pour qui l'accès légal a peu d'importance et qui n'ont pas encore reçu le tout premier avertissement. Pour les chercheurs, cela « soulève des questions intéressantes quant à savoir si la combinaison d'une politique de riposte graduée pour dissuader de la piraterie et une réduction des coûts pour augmenter l'accès légal peut générer des résultats inattendus » comme justement l'augmentation de l'accès illégal chez certains individus.
Les conclusions de l'étude ne s'arrêtent cependant pas là. Il est ainsi très clair aux yeux des quatre chercheurs que la riposte graduée n'est pas assez dissuasive pour les internautes s'adonnant de longue date au téléchargement illégal, que ce soit sur l'accès en lui-même ou sur son intensité. Qui plus est, parmi les individus comprenant le concept de la riposte graduée et plus précisément quels sont les protocoles surveillés par les prestataires de l'Hadopi, le P2P a été remplacé par d'autres moyens (streaming, téléchargement direct,...). À nouveau, « l'effet dissuasif de la loi Hadopi est encore affaibli » du fait de ne viser qu'un seul moyen d'accéder illégalement aux contenus. Un point noir qui décrédibilise le système en quelque sorte, et qui réduit par conséquent la sensation de crainte de l'internaute.
Pour conclure, le document estime que l'augmentation de la consommation légale ayant fait suite à la mise en place de la riposte graduée n'est probablement pas liée à cette dernière. En effet, dès lors que seule la réception du premier avertissement implique un réel impact sur les comportements des internautes, et que la plupart des individus n'ont pas reçu ledit avertissement, penser qu'Hadopi est directement responsable de la croissance des ventes légales est un raccourci, déclarent les chercheurs. « L'augmentation des achats légaux est probablement le résultat d'externalités éducatives positives générées par la publicité entourant la loi, et cela ne peut être attribué à un effet dissuasif ayant réduit le piratage numérique. »
Hadopi : une étude remet en cause l’efficacité de la riposte graduée
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Un sujet étudié depuis quatre ans
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Des internautes parfois bien mal renseignés
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Des réactions différentes selon les individus
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L'effet dissuasif de la riposte graduée et d'Hadopi est faible
Commentaires (36)
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Abonnez-vousLe 22/01/2014 à 08h05
Ah bon ? " />
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Le 22/01/2014 à 08h16
Une petite étude vite faite par un stagiaire aurait suffit " />
Le 22/01/2014 à 08h28
Je vais vraiment devenir allergique aux graphiques à pourcentages. " />
Là j’ai beau chercher je vois pas où est le total de 100 %.
C’est pas les 2 barres de même couleur additionnées (au hasard les mauves ça fait 113 %).
C’est pas un groupe de barres non plus…
Non vraiment je cherche et je comprend pas, il doit manquer une explication quelque part (ou que j’ai pas lue).
Le 22/01/2014 à 08h33
Le 22/01/2014 à 08h34
merci
Le 22/01/2014 à 08h48
J’ai fini de lire l’article et j’ai envie de dire que la conclusion parait évidente.
Même les gens que j’ai emmerdé en leur parlant de la Hadopi (dont ils n’avaient et n’ont encore que faire) ont pratiquement oublié son existence.
Et on paie la Hadopi des dizaines de millions.
Je crois que les FAI attendent toujours qu’on paie leur part du “travail” ?
Le 22/01/2014 à 08h58
Il y a quand même quelque chose de relativement intéressant et particulièrement nouveau :
l’étude indique qu’une amélioration de l’accès légal aux contenus, que ce soit via des baisses de prix ou une plateforme plus conviviale, implique certes une croissance de la consommation légale, mais aussi de la consommation illégale
L’argument (qui est souvent le mien) de dire qu’une amélioration de l’offre légale viendra de fait diminuer la consommation illégale “tombe” ici.
C’est a nuancer, cet argument reste peut-être vrai si on s’intéresse aux parts de la consommation légale et de la consommation illégale (ce qui n’est pas précisé ici, du moins, dans l’article de Nil)
J’ai jeté un rapide coup d’œil à l’étude, je m’y pencherai un peu plus.
Le 22/01/2014 à 10h23
Le 22/01/2014 à 10h30
Le 22/01/2014 à 10h40
l’étude indique qu’une amélioration de l’accès légal aux contenus, que ce soit via des baisses de prix ou une plateforme plus conviviale, implique certes une croissance de la consommation légale, mais aussi de la consommation illégale
Surtout de séries télévisées, pour lesquelles l’offre légale n’existe pas.
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Le 22/01/2014 à 10h47
Le 22/01/2014 à 11h48
Le 22/01/2014 à 12h36
Le 22/01/2014 à 12h42
Le 22/01/2014 à 12h50
Yen a plein le cul de depenser notre fric a rien
Le 22/01/2014 à 14h06
Le 22/01/2014 à 15h20
Le 22/01/2014 à 15h58
Le 22/01/2014 à 16h13
Le 23/01/2014 à 07h57
Hadopi : une étude remet en cause l’efficacité de la riposte graduée
il aura fallu faire une étude pour ça ?? " />
Le 22/01/2014 à 09h18
Le 22/01/2014 à 09h22
Si je reprends mon poste #7 et plus particulièrement la citation :
l’étude indique qu’une amélioration de l’accès légal aux contenus, que ce soit via des baisses de prix ou une plateforme plus conviviale, implique certes une croissance de la consommation légale, mais aussi de la consommation illégale
Sans vouloir être particulièrement “chiant”, je ne comprends pas la même chose que Nil. Mais je peux tout à fait me planter…
On lit dans l’étude :
A further implication of the theoretical model is that efforts to reduce the cost of obtaining content through legal channels (by making legal distribution channels like iTunes more user-friendly or by simply reducing the price of legal downloads) also will increase the intensity of illegal content acquisition by individuals who choose to pirate.
Ici, je comprends qu’une amélioration de l’offre légale va aussi augmenter l’acquisition illégale de contenu par ceux qui piratent déjà (plutôt que récupérer 100 films par mois, ils en récupéreront 150, par exemple).
Comme leur modèle n’indique pas l’évolution de la consommation légale si l’offre concernée est amélioré (par ex : combien de “pirates” passeront du côté “légal”), il me paraît difficile d’indiquer que cela impliquera une croissance de la consommation illégal : on sait seulement que ceux qui se “gavent” se gaveront encore plus.
Non ? Je me plante peut-être totalement…
Le 22/01/2014 à 09h25
Le graphique est tout simplement énoooorme !
“Acquisition de films en fonction de la réception d’un avertissment hadopi”
C’est vraiment abusé, il y a pas quelque chose qui vous choque ?
Oui madame michu qui ne télécharge pas voir qui n’a meme pas de pc n’a pas reçu d’avertissement et ne télécharge pas, dont elle vient minorer les stats de droites !!!!
Yerk ca me fait gerber les stats orientées comme ça. " /> " />
Pourquoi se couper l’herbe sous le pied ? Un besoin de justifier le regroupement csa cnil hadopi ?
Un besoin de faire passer des lois/budget plus conséquents ?
Le 22/01/2014 à 09h31
Le 22/01/2014 à 09h35
Le 22/01/2014 à 09h35
Le 22/01/2014 à 09h43
Le 22/01/2014 à 09h48
Le 22/01/2014 à 09h51
Le 22/01/2014 à 10h02
Le 22/01/2014 à 10h03
De même le graph ne reponds a rien :
Donne moi les statistiques du % gens qui ont arreter de télécharger illégalement apres l’avertissement. (Aucune idée car il peuvent consommer legalement et continuer a pirater)
l’unique stat réel que ça donne c’est 69% des gens qui telechargeait en p2p avant ont changé de mode de téléchargement apres l’avertissement (31% continue en p2p). C’est la seule et l’unique stat tirable de ce graph , qui n’est pas si mauvaise que ça !" />
Le 22/01/2014 à 10h07
Le 22/01/2014 à 10h12
Le 22/01/2014 à 10h17
Le 22/01/2014 à 10h20
Le 22/01/2014 à 10h22