USA : les données de la riposte graduée bientôt utilisées pour des procès ?
Porn in the USA
Le 27 mai 2014 à 07h40
6 min
Droit
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Aux États-Unis, les données détenues par les fournisseurs d’accès à Internet au titre de la riposte graduée intéressent certains ayants droit. Malibu Media, société de production de films X coutumière des procès de masse et autres techniques visant à obtenir un maximum d’argent de prétendus « pirates », a ainsi saisi la justice afin qu’un opérateur participant au dispositif lui remette des informations sur deux de ses clients. Explications.
La riposte graduée en vigueur depuis maintenant plus d’un an aux États-Unis illustre bien la tradition libérale qui prévaut outre-Atlantique. Le dispositif résulte en effet d’un accord entre les ayants droits et les principaux fournisseurs d’accès à Internet du pays. Ni l’État, ni la justice ne viennent donc jamais y mettre leur nez, et n’apportent de la même manière aucune subvention publique.
Dans la pratique, ce « Copyright Alert System (CAS) » fonctionne de la manière suivante : après avoir repéré les adresses IP de personnes suspectées de téléchargement illégal sur les réseaux peer-to-peer, les ayants droit indiquent aux opérateurs participants (AT&T, Cablevision, Comcast, Time Warner Cable et Verizon) que la ligne d’un de leurs clients a servi pour pirater une oeuvre protégée. Les FAI prennent alors le relais, en identifiant et en adressant une notification à l’abonné concerné.
Si les pratiques reprochées ne cessent pas et que l’internaute n’entre pas en contact avec son FAI, ce dernier augmente progressivement la pression sur son client. Le nombre d’avertissements maximum est variable, allant de 4 à 6 notifications selon les opérateurs. Aucune amende ou coupure de l’accès à Internet n’est prévue, seulement des mesures de type réduction temporaire du débit Internet ou redirection vers une page d’attente, jusqu’à que l’abonné ait répondu à certaines questions ou regardé des vidéos « pédagogiques ».
Les ayants droit lorgnent sur les données détenues par les FAI
Outre le fait que les intermédiaires ont ainsi un rôle clé dans ce dispositif, ils ont surtout en leur possession des informations très intéressantes pour les ayants droit, puisqu’ils savent quels abonnés sont visés par les alertes et dans quelle mesure.
Du coup, certains commencent à lorgner sur ces précieuses données. Mais pour cela, il faut obtenir l'aval d'un juge. L’organisation « Fight Copyright Trolls » rapporte ainsi que Malibu Media, une société de production de films pornographiques, a engagé ces derniers jours au moins deux procédures devant la justice américaine afin que Comcast lui transmette des informations sur deux de ses clients.
Le juge est ainsi invité à ordonner au fournisseur d’accès à Internet de révéler différentes données, à commencer par celles relatives aux avertissements de la riposte graduée. Ces informations « pourraient prouver qu’il y a eu infraction ou signifier que l’atteinte [au copyright, ndlr] a toujours lieu, voire les deux » explique Malibu Media dans ses requêtes. En clair, l’entreprise pourrait estimer à partir de ces informations qu’il y a eu infraction de la part de l’abonné, et réclamer ensuite des dommages et intérêts devant la justice.
Malibu Media réclame des informations y compris sur la bande passante
Fait intéressant : Malibu Media voudrait également que Comcast révèle les usages de bande passante des abonnés mis en cause. « Les personnes qui utilisent beaucoup BitTorrent ont une bande passante significativement plus importante que celle des internautes normaux » fait ainsi valoir la société plaignante, quand bien même le logiciel peut servir au partage de contenus aussi bien illicites que licites... Là aussi, l’idée semble évidente : utiliser cet élément supplémentaire pour soutenir malgré tout que l’abonné est un « pirate », et glaner un maximum d’éléments à charge dans l’éventualité d’un procès.
Car Malibu Media n’est pas un ayant droit comme les autres. C’est également l’un des plus importants « copyright troll » aux États-Unis, c’est-à-dire une société qui attaque à tour de bras des utilisateurs de réseaux BitTorrent afin d’obtenir un maximum d’argent en retour, notamment grâce à des arrangements à l’amiable. Un business juteux qui peut cependant se retourner parfois contre ses instigateurs (voir notre article).
Restera maintenant à voir si les tribunaux chargés d’examiner ces deux requêtes y accèdent, et, si oui, dans quelle mesure. TorrentFreak rappelle néanmoins qu’en avril 2013, la justice américaine a déjà refusé une demande similaire visant cette fois l’opérateur Verizon.
Et en France ?
En France, les choses sont un peu différentes. Tout comme aux États-Unis, ce sont les ayants droit qui s’occupent de repérer les utilisateurs de réseaux peer-to-peer. Ils transmettent alors les adresses IP de ces « pirates » à la Hadopi, qui saisit à son tour les FAI après vérification. Sauf qu’avant d’envoyer les IP à la Rue du Texel, les ayants droit peuvent en mettre certaines de côté afin de les transmettre directement à la justice. L’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) extrait ainsi chaque jour de la semaine une adresse IP, celle du « plus gros partageur par session ». En gros, il s’agit de l’abonné ayant mis à disposition le plus d’œuvres dans une journée (voir nos explications). Le dossier est en principe transmis au Procureur, lequel peut engager une action en contrefaçon.
Les effets sont radicalement différents : d’un côté, l’abonné peut simplement être averti par la Hadopi, de l’autre, il peut être traîné devant le tribunal. En janvier 2013, un Amiénois de 31 ans a ainsi écopé de 90 jours-amende de 5 euros - soit un total de 450 euros - et a dû verser 2 200 euros de dommages et intérêts aux ayants droits du cinéma qui s’étaient portés parties civiles. Le tout pour avoir mis à disposition 18 films en peer-to-peer dans la même journée (voir notre article, plus le témoignage du condamné).
USA : les données de la riposte graduée bientôt utilisées pour des procès ?
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Les ayants droit lorgnent sur les données détenues par les FAI
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Malibu Media réclame des informations y compris sur la bande passante
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Et en France ?
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 27/05/2014 à 09h31
oh le sous titre
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Le 27/05/2014 à 10h29
Le 28/05/2014 à 07h53
jusqu’à que l’abonné ait répondu à certaines questions ou regardé des vidéos « pédagogiques ».
nous avons les moyens de vous faire parler !
Le 28/05/2014 à 09h25
Le 27/05/2014 à 08h01
Là aussi, l’idée semble évidente : utiliser cet élément supplémentaire pour soutenir malgré tout que l’abonné est un « pirate », et glaner un maximum d’éléments à charge dans l’éventualité d’un procès.
On se refait pas." />
Le 27/05/2014 à 08h03
IP : xxx.xxx.xxx.xxx
Adresse : bolochoieproxy.ru, 642, avenue de Sibérie, Magnitogorsk, Russie
On parie qu’ils vont avoir ce genre de surprise ?
Et deux clients, sur combien de signalements ?
Le 27/05/2014 à 08h05
hooooo c’était pas évident … mettre en place un système de flicage sans sanction puis une fois le système accepté, lancer les sanctions …