Le gouvernement veut légiférer sur l’Open Data loin du Parlement
L'open est hardi
Le 18 juillet 2014 à 12h17
6 min
Droit
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Alors que le gouvernement avait laissé entendre qu’il transposerait la directive européenne relative à la réutilisation des informations du secteur public via le grand projet de loi sur le numérique, il s’avère que l’exécutif optera finalement pour une ordonnance. Un texte déposé mercredi par le ministre des Finances devant l’Assemblée nationale vise en effet à ce que le Parlement laisse les manettes au gouvernement sur ce dossier, au grand dam de l’association Regards Citoyens.
Dans un an jour pour jour, la France devra avoir transposé en droit national la directive du 26 juin 2013 relative à « la réutilisation des informations du secteur public ». Ce texte, qui vient modifier une précédente directive sur le même sujet, prévoit que chaque État membre sera tenu de veiller, à partir du 18 juillet 2015, à ce que les documents auxquels s’applique la directive « puissent être réutilisés à des fins commerciales ou non commerciales ». Les données publiques protégées par le secret défense ou le secret d’affaires seront notamment exclues de ce champ.
Il n’en demeure pas moins que d’une manière générale, les organismes du secteur public (ministères, collectivités territoriales,...) vont être incités à ouvrir davantage de données, et un plus grand nombre de documents devraient donc pouvoir être réutilisables par un tout un chacun. Pour autant, les administrations pourront continuer de réclamer des redevances au titre de ces réutilisations, mais dans la limite des « coûts marginaux de reproduction, de mise à disposition et de diffusion » des données publiques en question.
Autre chose. Le texte encourage les États à mettre leurs données à disposition du public « si possible et s’il y a lieu » dans un format « ouvert et lisible par machine, en les accompagnant de leurs métadonnées ». En clair, n’y a rien de juridiquement contraignant, puisque les administrations garderont in fine le choix du format - ouvert ou non, mais il a tout de même un encouragement relativement explicite.
Le Parlement invité à laisser le gouvernement légiférer
Mais comment la France va-t-elle transposer ce texte d’origine européenne ? Depuis plusieurs mois, l’exécutif envisageait de profiter du futur grand projet de loi sur le numérique pour sauter le pas. La ministre de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, avait ainsi confirmé cette piste devant le Sénat au mois d’avril. Il y a encore quelques semaines, la secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire laissait entendre dans ces colonnes que cette hypothèse tenait toujours la route, quand bien même elle n’envisageait pas de présentation de son texte devant le Parlement avant le premier semestre 2015.
Sauf que finalement, l’exécutif va opter pour une solution bien différente... Il va en effet en passer par voie d’ordonnance. Mercredi, un projet de loi « portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière » a ainsi été présenté en Conseil des ministres par Michel Sapin. Le gouvernement y explique qu’en raison d’une « activité législative européenne très soutenue au cours des derniers mois », il se voit contraint de demander au Parlement l’autorisation de rogner un peu sur ses prérogatives, comme le permet l’article 38 de la Constitution.
L'article 21 de ce projet de loi prévoit ainsi que l’exécutif sera habilité à légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer la fameuse directive 2013/37/UE sur la réutilisation des informations du secteur public. En clair, si le Parlement approuve ce texte, il ne débattra pas du contenu de l'ordonnance transposant cette directive. Il donne simplement son feu vert à l'exécutif, lui laissant le choix des mots à retenir ou, au contraire, à écarter. Députés et sénateurs devraient néanmoins ratifier cette ordonnance une fois le travail effectué par le gouvernement.
Un choix contesté alors que le projet de loi numérique semble en mauvaise posture
Cependant, alors que le grand projet de loi numérique s’annonçait comme une sérieuse opportunité d’avancer sur le sujet de l’Open Data, le choix de l’exécutif a pu surprendre, voire décevoir. L’association Regards Citoyens, qui milite activement pour l’ouverture des données publiques - notamment au travers de ses sites « NosDéputés.Fr » ou « La Fabrique de la Loi »- y voit ainsi une volonté d’esquiver le débat parlementaire, d’autant que la manœuvre a lieu en plein été...
#OpenData En plein été, le Gouv esquive le Parlement : il transposera a minima la directive PSI par ordonnance via un texte sur les banques…
— Regards Citoyens (@RegardsCitoyens) 15 Juillet 2014
Le secrétariat d’État au Numérique tente de calmer le jeu
Contacté par Next Inpact, le secrétariat d’État au Numérique joue la carte de la temporisation. « C'est une simple transposition, qui ne va pas changer grand-chose à ce qui existe aujourd'hui » nous a-t-on expliqué. D’autre part, Bercy assure que cela « ne remet pas en question » la volonté du gouvernement d’avancer sur les questions relatives à l’Open Data via le projet de loi numérique. « Il ne faut pas opposer la transposition de la directive avec le projet de loi numérique. C'est-à-dire qu'il faudra aller encore plus loin que ce que la directive demande. En tout cas c'est notre volonté » promet-on. Pour mémoire, Axelle Lemaire a montré sa détermination à ce que l'ouverture des données devienne la règle, et non plus l'exception, comme c'est le cas aujourd'hui.
Mais tout ceci n’est-il pas de mauvais augure pour le futur projet de loi numérique, sachant que le Conseil national du numérique n’a d’ailleurs toujours pas lancé sa grande concertation, promise il y a peu encore pour cet été ? « On n'y voit pas un signe avant coureur de quoi que ce soit » rétorquent les services d’Axelle Lemaire.
Henri Verdier, le directeur de la mission Etalab, s’est lui aussi voulu rassurant : « Ce n'est pas une baisse d'ambition sur la loi. Au contraire ! Ça nous permettra de travailler sur le fond, sans pression calendaire » a-t-il fait valoir auprès du Monde.
Le texte est désormais sur le bureau de la commission des finances de l’Assemblée nationale. A priori, il ne devrait pas être débattu en séance publique avant la rentrée de septembre. Le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance a par ailleurs été engagé dans le cadre d’une procédure d’urgence, ce qui signifie qu’il n’y aura en principe qu’une seule lecture par chambre. Ce n'est qu'une fois que le projet de loi aura été adopté par le Parlement que l’exécutif pourra dévoiler son ordonnance de transposition, laquelle devra ensuite être ratifiée par l'Assemblée nationale et le Sénat.
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Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 18/07/2014 à 12h20
" /> bref comme d’hab quoi, on se fout de notre gueule…
Le 18/07/2014 à 12h26
L’open est hardi
Avec Valls et Hollande dans les rôles principaux… " />
Le 18/07/2014 à 13h15
« C’est une simple transposition, qui ne va pas changer grand-chose à ce qui existe aujourd’hui » nous a-t-on expliqué
c’est justement quand on nous dit que ça change pas grand chose, qu’on se rends compte qu’au contraire, ça change un peu tout. ça a le dont d’être inquiétant " />
Le 18/07/2014 à 13h16
A part ca, on est en démocratie. LOL
Le 18/07/2014 à 13h46
Une loi/directive votée hors de nos frontières que l’on est obligée d’appliquer sur notre territoire dans les deux ans, et on va faire cela sans le parlement élu par le peuple… ça en devient beau à force.
Le 18/07/2014 à 17h24
Le 19/07/2014 à 07h22
Le 19/07/2014 à 07h33
Foutre le camp de cette Europe de merde ! VITE !