Copie privée : le maigre bilan des exonérations professionnelles
Pro et contra
Le 13 mars 2015 à 16h40
5 min
Droit
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Questionnée par le député Lionel Tardy, Fleur Pellerin a fourni des détails chiffrés sur le nombre d’entreprises qui peuvent aujourd’hui se faire exonérer du paiement de la copie privée. Fait tout aussi intéressant, la ministre reconnait que ce mécanisme existait avant même la loi du 20 décembre qui l’a organisé.
Avant la loi du 20 décembre 2012 sur la copie privée, certains professionnels n’avaient déjà pas à payer la copie privée sur les supports achetés pour leurs usages. Ce n’était pas le tout-venant, mais essentiellement les entreprises audiovisuelles, les éditeurs et les producteurs de disques ou de film qui pouvaient alors se faire rembourser (article L311-8-I du Code de la propriété intellectuelle).
Contraint par le droit européen, le législateur a ouvert les vannes à toutes les entreprises avec la loi du 20 décembre 2012. Selon ce texte, la redevance pour copie privée n'est pas davantage « due pour les supports d'enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée » (article L. 311-8-II). Cette définition est plus stricte que les textes européens puisqu’elle considère par défaut que tous les supports doivent être soumis à redevance, quelle que soit la personne qui achète, et il revient à celle-ci de renverser la présomption. Un confort qui se solde en millions pour les ayants droit, mais peu importe.
L’article L. 311-8-III du Code de la propriété intellectuelle prévoit désormais que les acquéreurs mentionnés au I (producteurs, éditeurs, etc.) ou au II (les autres entreprises) peuvent tous se faire rembourser ou passer une convention d’exonération. L’intérêt de cette dernière ? Ne pas avoir à payer Copie France, le collecteur des ayants droit, pour redemander ensuite le remboursement.
Des conventions d'exonération très libres
Seulement, Fleur Pellerin dans une réponse tout juste donnée à Lionel Tardy confirme qu’avant la loi en question, l’industrie (essentiellement culturelle) profitait déjà des conventions d’exonération. « La loi a ainsi étendu un mécanisme qui était déjà mis en œuvre par la société Copie France à destination des acquéreurs de supports mentionnés au I de l'article L. 311 - 8 » explique en ce sens la ministre.
Cela signifie donc qu’avant la loi du 20 décembre, alors que les textes ne prévoyaient que le remboursement, Copie France avait ébauché dans son coin un dispositif d’exonération pour décider qui étaient éligibles à ces achats sans redevance. Par la même occasion, se trouve confirmée l’information donnée ici même.
Des chiffres éloquents sur l'effet de la loi de 2012 sur la copie privée
Cette pratique s'est installée il y a très longtemps, si on en croit les chiffres donnés par Fleur Pellerin. Ainsi, avant l’entrée en vigueur de la loi, les ayants droit avaient signé :
- 2000 : 450 conventions d'exonération actives.
- 2003 : 1 000 conventions d’exonération actives.
- 2007 : 2 000 conventions d’exonération actives.
- 2011 : 1 728 conventions d’exonération actives.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, la ministre donne des variables dynamiques :
- 448 nouvelles conventions d'exonération conclues en 2012
- 172 nouvelles conventions conclues en 2013.
- 68 nouvelles conventions conclues entre janvier et juin 2014
Pourquoi ces variations ? Selon la ministre, c'est parce que « ces conventions sont conclues pour une durée déterminée et ne sont pas nécessairement immédiatement renouvelées par leur titulaire ». Elle assure - sans jauge volumétrique - que ces exonérations « bénéficient principalement à des entreprises et institutions telles que des banques, des collectivités locales, des centres hospitaliers, des universités ».
Cependant, entre l’entrée en vigueur de la loi et l’été 2014, on sait désormais que seules 735 conventions d’exonérations ont été conclues, qui s’ajoutent aux précédentes encore en vigueur. Au total, le nombre de ces contrats tourne encore et toujours autour de 1700.
Conclusion ? L’effet dynamique de la loi reste très fragile malgré ce qu’affirmait en mai 2014 Aurélie Filippetti : « Au 12 février 2014, la société Copie France dénombre 1 878 conventions d'exonération actives », « le dispositif d'exonération de la rémunération pour copie privée ouvert aux acquéreurs professionnels par la loi de 2011 s'avère efficace ».
Si on ajoute à ce maigre bilan, le niveau ridicule des remboursements effectifs , on constate que le dispositif français est loin de remplir sa pleine efficacité. Pour les ayants droit, c’est en tout cas le pactole puisque chaque euro non exonéré ou non remboursé est chaleureusement conservé.
Détail intéressant : lorsqu’une entreprise est sur la liste des exonérées, Fleur Pellerin précise qu’elle peut se servir de cette convention pour acheter des équipements sans redevance auprès des distributeurs. Ces détaillants « ont alors la faculté de se tourner vers Copie France pour demander le remboursement de la rémunération qu'ils ont eux-mêmes payée. »
Copie privée : le maigre bilan des exonérations professionnelles
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Des conventions d'exonération très libres
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Des chiffres éloquents sur l'effet de la loi de 2012 sur la copie privée
Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 13/03/2015 à 16h46
J’ai mis du temps à comprendre la dernière phrase. C’est une blague, hein ?
Le 13/03/2015 à 16h51
Un truc annoncé dans les pénombres d’une réponse parlementaire que seules quelques personnes liront (directement ou via cette actu).
Le 13/03/2015 à 16h52
C’est vraiment une usine à gaz, c’est à peine croyable autant de mauvaise foi de la part de copie France, pire que l’administration sauf que là,k ils en profitent clairement pour se remplir les fouilles.
Le 13/03/2015 à 16h55
Si on ajoute à ce maigre bilan, le niveau ridicule des remboursements effectifs , on constate que le dispositif français est loin de remplir sa pleine efficacité. Pour les ayants droit, c’est en tout cas le pactole puisque chaque euro non exonéré ou non remboursé est chaleureusement conservé.
Et les Ayants-tous-les-droits veulent pas perdre ce pactole si honnêtement " /> acquis, ils mettent une pression d’enfer sur leur ministre préférée pour faire en sorte que ça ne bouge surtout pas en leur défaveur… " /> Rien qu’à voir l’acharnement sur le rapport Reda. " />
Le 13/03/2015 à 16h57
La vache, mieux ne vaut pas être revendeur de DVD à côté d’un CHU bien équipé en imagerie médicale, qui a une convention d’exonération en poche et un besoin urgent de refaire du stock.
Le 13/03/2015 à 17h02
ça peut être douloureux en effet.
Et ça fout une nouvelle charge sur la distribution qui va adorer :=)
Le 13/03/2015 à 17h08
C’est un peu comme “Nul n’est sensé ignorer la loi”, mais trop peu la connaissent ou n’ont pas le temps de suivre toutes les modifications.
Combien de gens n’ont pas connaissance d’avantages sociaux et vivent toujours à la limite du raisonnable (si on ne leur dit pas. Il y en a toujours des plus malins, eux n’ont aucun problème et en profitent)
C’est triste à dire, mais il y en a que ces situations ne gênent guère, et ils se goinfrent sans vergogne (intolérable)
Le 13/03/2015 à 17h15
Et on continue allègrement de spoiler les PME/PMI qui ne se lanceront jamais dans des procédures compliquées , revenant dans certains cas plus chères que les euros qu’elles auraient pu récupérer, aux bénéfices d’une entité privée qui fait payer ses coûts de fonctionnement par d’autres entreprises ou même par les deniers publics. Tout ça en parlant dans le même temps de choc de simplification économique censé aider ces mêmes petites entreprises.
Le 13/03/2015 à 19h52
Détail intéressant : lorsqu’une entreprise est sur la liste des exonérées, Fleur Pellerin précise qu’elle peut se servir de cette convention pour acheter des équipements sans redevance auprès des distributeurs. Ces détaillants « ont alors la faculté de se tourner vers Copie France pour demander le remboursement de la rémunération qu’ils ont eux-mêmes payée. »
" /> Là, on tient la cerise. " />
Bookmark direct pour fournir le lien, si besoin est, aux incrédules ! " />" />" />
Le 13/03/2015 à 20h25
" /> Le sous-titre contient un message subliminal.
Pro et contra … nostra à état ? " />
Le 13/03/2015 à 22h11
On peut m’éclairer ? ^^’ j’ai toujours pas compris le principe ou tout le quote quoi
Le 13/03/2015 à 22h45
C’est simple : l’entreprise A dispose d’une convention Copie France d’exonération, elle a besoin de 1000 DVD. Elle va voir un distributeur B et lui explique qu’elle va acheter 1000 DVD mais qu’elle n’a pas à payer la redevance copie privée (RCP).
Pour B c’est la panique pour faire la facturation et la comptabilité de façon à retrancher la RCP (déjà payée par elle) pour vendre à A et en plus elle va devoir se taper toute la paperasse Copie France pour espérer - peut-être - être remboursée d’une somme déjà collectée indûment par une société de droit privé avec la bénédiction de l’état.
C’est probablement plus rentable de faire un refus de vente sous un prétexte fallacieux que de subir cette usine à gaz.
Le 13/03/2015 à 22h51
hmmm , mais actuellement il n’y a pas déjà les grossistes ( B ) qui sont exonérés de copie france, et donc vendent déjà aux entreprises A sans RCP ?
Le 13/03/2015 à 22h56
Il paraît que cela pourrait exister (dixit la loi) mais la liste semble plus secrète que les clés de chiffrement des DVD…
Le 14/03/2015 à 07h44
Le 14/03/2015 à 07h50
En temps que PME, tu achetes tes DVD/HDD en italie comme ca tu paye HT et en plus tu paye pas la taxe sur la Copie privé.
Le 14/03/2015 à 16h24
Le 16/03/2015 à 08h45
En clair et à demi-avoué, le système es clairement conçu pour être le moins accessible possible afin que les remboursements soient presque inenvisageable et que les sociétés mafieuses de collecte gardent la main mise sur un max de ponctions.
2000 exonérées de taxe copie privée à l’échelle française, cela semble bien peu.
// bon sang, je viens de voir l’échange de tweets sur la news concernant les montants remboursés.
A la lecture ils sont totalement dans leur trip.
Le 16/03/2015 à 12h32
Le 16/03/2015 à 12h48
Celui ci
PC INpactFigurant dans cette news
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En même temps, vu la place de la personne en face, pour sur qu’il n’allait pas cracher sur son business model ^^
Le 16/03/2015 à 17h01
Comme nouvelle fraîche, elle sent le poisson " />
Ils étaient combien à ce moment là ? (par rapport à aujourd’hui)
Le 17/03/2015 à 07h06
On peut dire que c’est toujours d’actualité.
Son état d’esprit n’a pas du changer d’un iota depuis un an ^^
“merci les copieurs (%?) pour nous permettre de ponctionner tranquillement la totalité de la population”
(Qui au passage n’est pas forcement au courant du pourquoi du comment).
Le 17/03/2015 à 07h16
Après effectivement, ce n’est pas nouveau ^^’
Le 17/03/2015 à 16h41
Le 18/03/2015 à 08h32
Ça me rapelle ce sketch
YouTubeMais sans les premiers passages dans le cas présent ^^
Le 19/03/2015 à 11h48