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États-Unis : la Silicon Valley conservatrice s’organise pour pousser Trump au pouvoir

Virage à droite

États-Unis : la Silicon Valley conservatrice s’organise pour pousser Trump au pouvoir

Un réseau croissant d'entrepreneurs et de financiers de la tech se positionne en faveur du candidat Républicain, prenant à revers la tradition libérale de la Silicon Valley.

Le 23 juillet à 11h11

Mise à jour du 25 juillet : Elon Musk nie verser 45 millions de dollars par mois en faveur de Donald Trump.

Joe Biden n'est désormais plus dans la course à la présidentielle américaine. Mais face à la démocrate Kamala Harris, si elle est bien investie lors de la Convention démocrate mi-août, Donald Trump et J.D. Vance peuvent compter sur l’appui de toute une partie de la Silicon Valley.

Depuis la semaine dernière, les annonces de soutien au camp républicain se succèdent, de cadres de la tech ou de son financement. Si la Californie reste très démocrate dans ses votes, certains cadres de son industrie phare avancent, eux, une série de griefs contre le camp de Biden, sous lequel les critiques contre l’industrie technologiques se sont multipliées.

Le décret du Président sortant visant à cadrer le développement de l’intelligence artificielle a été mal reçu par toute une partie des cadres de la tech. De même, la directrice de la Federal Trade Commission (FTC), Lina Khan, s’est positionnée à de nombreuses reprises contre des tentatives d’acquisitions (dont, récemment, la fusion entre NVIDIA et Arm), l’un des processus qui permet aux financiers de la Silicon Valley d’empocher leur mise. En mars, Joe Biden annonçait un plan de taxation de 25 % des profits non réalisés pour les multimillionnaires (les 0,01 % de la population des États-Unis dont la richesse dépasse les 100 millions de dollars). À l’inverse, souligne le Washington Post, les brouillons de « Manhattan Project » taillés pour l’industrie de l’IA et de la défense par les alliés de Trump ont de quoi leur attirer les faveurs de plusieurs personnalités de l’industrie.

Si Elon Musk, dont le grand public a pu observer la très publique radicalisation à droite au fil des dernières années, fait figure de tête de proue de ce passage vers le camp Républicain, nombreux sont ceux qui s’activent, dans l’ombre, depuis parfois plus d’une décennie.

Les conservateurs de longue date

Ainsi de Peter Thiel, cofondateur de PayPal, de Palantir et du fonds de capital-risque Founders Fund. Soutien connu du camp républicain depuis au moins 2007 et son financement de la campagne de Ron Paul pour être candidat républicain à la présidentielle de 2008, il tient aussi le rôle d’intellectuel influent, notamment via la publication de son essai Zero to One.

Donateur régulier de divers candidats en accord avec ses idées libertariennes, Peter Thiel a directement soutenu Donald Trump en 2016, versant 1,25 million de dollars pour sa campagne et prononçant un discours lors de la convention nationale des républicains – une décision qui, à l’époque, tranchait avec la couleur quasi uniformément démocrate des cadres de l’industrie technologique.

En 2022, le financier a aussi versé 15 millions de dollars pour soutenir la candidature du très conservateur J.D. Vance au Sénat. Depuis, celui-ci est devenu colistier officiel de Donald Trump. Fin 2023, auprès de The Atlantic, Thiel a déclaré avoir perdu ses « illusions » politiques, et s’est engagé à ne financer personne pendant l’actuelle campagne présidentielle – c’est du moins de cette manière qu’il a expliqué son accord pour une rare interview avec le magazine.

Cela dit, même s’il n’a pas directement financé le candidat Républicain, son ombre plane. Derrière Vance, pour commencer : s’il s’est exprimé en faveur des mesures concurrentielles de la FTC, Vance est aussi un ancien investisseur en capital-risque qui jouit d’un large réseau parmi les plus grandes personnalités de l’industrie de la tech. D’après ses déclarations de 2022 rapportées par le Financial Times, Vance détenait des participations personnelles dans plus de cent sociétés, dont Anduril Industries, une société d’intelligence artificielle appliquée à la défense soutenue très tôt par Thiel, dans la plateforme vidéo Humble ou dans l’application de prières chrétiennes Hallo.

Peter Thiel a par ailleurs participé à un diner organisé par Elon Musk, où le magnat des médias Rupert Murdoch, le financier de la tech David Sacks, le cofondateur d’Uber Travis Kalanick et d’autres ont discuté de la meilleure manière de s’opposer au camp démocrate.

Derrière ce camp historiquement réactionnaire, la spécialiste des extrêmes Meg Ryan souligne aussi l’influence, a minima idéologique, de Curtis Yarvin. Informaticien et blogueur réactionnaire longtemps connu sous le pseudonyme de Mencius Modlbug, Yarvin a fondé le courant « néoréactionnaire » de la tech, parfois abrégé en NRx, voire surnommé « les Lumières sombres » (Dark Enlightenment). Cité par le passé par Steve Bannon, plus récemment par Vance, Yarvin milite pour le retour d’une monarchie et d’une aristocratie… issue de l’industrie technologique.

De démocrates à républicains

Outre ces personnalités historiquement conservatrices, un nombre croissant de cadres de la tech, notamment de son financement, se déclare en faveur du candidat Trump.

Le plus visible est certainement Elon Musk, qui a déclaré prévoir de verser 45 millions de dollars par mois à l’America PAC (une promesse qu'il a nié, depuis, avoir formulée), un « comité d’action politique », qui permet de récolter des dons en faveur d’un candidat, initié par Joe Lonsdale. Ce dernier, cofondateur de Palantir avec Peter Thiel, y aurait personnellement contribué à hauteur d’un million de dollars. Les jumeaux Winkevoss font aussi partie de la liste des milliardaires qui versent au pot, qui totalisait 8,7 millions de dollars le 16 juillet, selon le Financial Times, soit avant la promesse de Musk.

Ancien de la « mafia PayPal », co-fondateur du fonds Craft Ventures, David Sacks est aussi de ceux qui ont opéré un virage à 180 degrés. En 2021, ce dernier déclarait que le rôle joué par Donald Trump dans l’attaque du Capitole des États-Unis – non réélu, le Président sortant avait largement attisé le refus du résultat des élections et les appels à la violence – le disqualifiait d’office pour toute tentative de concourir à nouveau. En 2024, le voilà rangé derrière le businessman et candidat du camp Républicain pour lui organiser une campagne de levée de fonds.

Citons aussi les patrons d’Andreessen Horowitz, le fonds le plus connu de la Silicon Valley, qui annonçaient dès la fin 2023 qu’ils soutiendraient financièrement les candidats « techno-optimistes ». L’entreprise a d’abord versé 22 millions de dollars à Fairshake, un groupe d’action politique dont le but est de soutenir des politiciens favorables aux crypto-actifs. À la suite d’Elon Musk, ses patrons ont déclaré s’apprêter, chacun, à verser des fonds à la campagne du candidat républicain.

Globalement, rapporte le New-York Times, nombreux sont les cadres de la tech qui se déclarent insatisfaits d’un camp comme de l’autre. Si les financiers sont aussi nombreux parmi ceux qui se sont officiellement prononcés en faveur de Trump, c’est certainement qu’ils y courent moins de risques que des patrons d’entreprise exposés publiquement.

Quoi qu'il en soit, le camp démocrate garde nombre de soutiens dans l'industrie. Historiquement, Al Gore rejoignait l’entreprise de capital-risque Kleiner Perkins dès 2007, avant que les grandes plateformes ne débauchent d’anciens cadres du gouvernement d'Obama au fil de la décennie suivante. Côté capital-risque, les investisseurs Reid Hofman (aussi cofondateur de LinkedIn) ou Vinod Khosla sont et restent, quant à eux, des démocrates affirmés.

Commentaires (6)

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Il y a beaucoup de blé à se faire dans une grosse dictature pro-business. Le Projet 2025 aura énormément besoin de technologies pour organiser la répression.
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Cela n'a rien d'étonnant.

Quand le business prime sur tout: l'écologie, le social et la réglementation (pour éviter de faire n'importe quoi) sont des "freins" que certains veulent détruire.
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Prêts à sacrifier leur pays pour plus d'argent
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et pas forcément uniquement le leur...
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Ça t'étonne de la part des américains ?
On parle quand même des types qui approuvent la circulation des armes sur la base d'une règle de l'époque des premières colonies alors que ça fait plus de dégâts qu'autre chose aujourd'hui.
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Une journaliste d'Arte a examiné en détails le programme de Kamala Harris, tel que présenté pour la précédente investiture Démocrate qui l'opposait (rudement, elle n'y est pas allé avec des marshmallows !) à Joe Biden.

Et il s'avère que son programme (est-il toujours d'actualité ? Elle aurait tort d'en changer, puisque c'est ce qui lui a permis de s'imposer dans son parti) était / est très proche de ce que chez nous on appelle le Centre / Centre-Droit, en d'autres termes : contrairement à ce que croient ces pontes de la finances qui passent dans le camp Trump, elle n'est pas anti-business ni anti-finances, loin de là !

Le comble du summum de la plaisanterie politique serait qu'en examinant en détails le programme - supposé - de Trump, on lui trouve quelques points communs avec celui - tout aussi supposé - de Mme Harris ! Alors là je me gondolerais bien, façon Montgolfière ! :francais: :fume:

D'autres part, l'administration Biden a de bons résultats effectifs à mettre en avant (et ils ne vont pas s'en priver, z'allez voir ! J'en baille d'avance ! :embarassed: ) en matière... attention, mot super-bateau-valise-Arlésienne en approche ! ...de réindustrialisation.

(Je sais, je sais...)

Depuis que la politique existe (à peu de choses près...), soit depuis la préhistoire (à peu près...) on entends ce mot de "réindustrialisation" dans la bouche de gens de tous bords et de toutes couleurs politiques, mais parmi eux très très peu d'acteurs peuvent se vanter de l'avoir effectivement, concrètement, preuves à l'appui, fait. Construire un nombre significatif d'usines, ramener les gens aux boulot, toussa...

Tout ça pour dire : quel que soit le "côté" on l'on se situe - ou pas, pour les plus intelligents d'entre nous - les choses ne sont pas si claires et tranchées qu'on ne le croit généralement, méfions-nous des gros a-priori qui tâchent...

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