Commission Copie privée : des déclarations d’intérêts à l’intérêt des déclarations
Opaque-men
Le 24 mai 2016 à 09h01
5 min
Droit
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La question de la publication des déclarations d’intérêts en Commission copie privée est sans doute une belle leçon pour qui veut s’initier, dans les règles de l’art, à une certaine stratégie d’opacité et d’intoxication.
L’an passé, dans sa « feuille de route », la rapporteuse Christine Maugüé avait dressé une liste de recommandations destinée à réactiver la commission copie privée. Il faut dire que trois années plus tôt, celle-ci avait volé en éclat avec la démission de la quasi-totalité des membres du collège des industriels, tous très agacés par les règles de fonctionnement de cette instance chargée de définir assiette et taux de la redevance.
Les préconisations du rapport Maugüé sur la copie privée
Particulièrement, la conseillère d’État avait demandé que l’ensemble des membres soit astreint d’adresser une déclaration d’intérêt. L’enjeu ? « Veiller à prévenir l’existence de conflits d’intérêts tenant par exemple à ce que des membres du collège des consommateurs ou des industriels se trouveraient par ailleurs eux-mêmes en situation de percevoir par ailleurs de la copie privée en qualité d’ayant droit ». Inutile de faire une recherche automatisée dans le PDF du ministère, les pages y ont été soigneusement scannées… On pourra néanmoins lire cette prose, page 7 :
Le renvoi au règlement intérieur
Dans ce sombre scénario, en effet, des membres auraient, comme les ayants droit, un certain intérêt à voir les rendements crapahuter à la hausse (230 millions d'euros en 2015). Et puisque les 12 ayants droit font face à 6 consommateurs et 6 industriels, quel plus beau levier pour leur accorder un avantage supplémentaire lors des votes ?
Très naturellement, lors de l’examen en première lecture du projet de loi Création à l’Assemblée nationale, Lionel Tardy (LR) avait déposé un amendement pour rendre l’obligation de déclarations d'intérêts bien effective.
Cependant, ce 25 septembre 2015, le député de Haute-Savoie s’est opposé à un mur socialiste. Patrick Bloche (PS), rapporteur et président de la Commission des affaires culturelles, lui avait soutenu victorieusement que « la mise en œuvre d’une telle proposition ne peut passer par la loi, elle relève de la commission pour copie privée, qui doit pour cela modifier son règlement intérieur ». Et celui-ci de claironner que « nous aurons annoncé ici que le législateur souhaite qu’elle le fasse ». L’argumentation a été suivie fidèlement par la ministre de la Culture d’alors, Fleur Pellerin.
Extrait des débats en séance sur le projet de loi Création
L'insistance du député Lionel Tardy et du sénateur Jean-Pierre Leleux
Si au Sénat, le rapporteur Jean-Pierre Leleux a activé malgré tout cette règle de transparence, le gouvernement l’a éradiquée une fois le texte de retour à l’Assemblée nationale. De fait, pour la Rue de Valois, seul le président de la Commission copie privée doit publier ces déclarations d’intérêts. Certes, le député Tardy était revenue à la charge avec son amendement AC375 en Commission des affaires culturelles puis le 119 en séance, mais l’un et l’autre ont été rejetés au profit de la version gouvernementale.
Le projet de loi est désormais en seconde lecture au Sénat. Pugnace, le sénateur Leleux a refait adopter son amendement, déjà adopté en Commission, visant toujours à élargir ces fameuses déclarations d'intérêts. Une obligation de transparence qu’en séance, David Assouline et l’ensemble des autres sénateurs socialistes tentent de couler dans un épais béton.
L’Assemblée nationale ayant le dernier mot dans la navette, le sort de ces déclarations d’intérêts est très incertain. Il reste en tout cas presque amusant de comparer les premiers propos du député Patick Bloche avec ceux glanés en Commission copie privée.
De la loi au règlement, du règlement à la loi
Si on revient au tout début de l’épisode, Patrick Bloche soutenait à Lionel Tardy que le sujet relevait du règlement intérieur, l’assurant d’un soutien inflexible du législateur. En Commission copie privée, cette obligation est donc naturellement venue sur la table, pas plus tard que le 8 mars dernier. Mais... patatras : son président, Jean Musitelli, a été au regret de la repousser, puisque « l’obligation pour les membres de déposer une déclaration d’intérêt n’a pas été consacrée faute de base législative idoine ».
Extrait du compte rendu de la Commission copie privée
Le législateur est donc pour la publication de ces déclarations d’intérêts qu’il relègue au règlement intérieur. Et le règlement intérieur ne peut prévoir une telle obligation, faute de loi. Et pendant cette partie de ping-pong, le gouvernement œuvre pour que la loi ne la limite qu’au seul président... Le tout se passe en 2016 (après Jésus-Christ).
Commission Copie privée : des déclarations d’intérêts à l’intérêt des déclarations
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Les préconisations du rapport Maugüé sur la copie privée
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Le renvoi au règlement intérieur
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L'insistance du député Lionel Tardy et du sénateur Jean-Pierre Leleux
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De la loi au règlement, du règlement à la loi
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 24/05/2016 à 09h13
Pathétique, et vraiment nauséabond, tout cela !
Le 24/05/2016 à 09h22
« l’obligation pour les membres de déposer une déclaration d’intérêt n’a pas été consacrée faute de base législative idoine ».
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Le 24/05/2016 à 09h31
C’est vraiment toujours la même chose dans cette commission! Opacité, lobbying, on fait tout pour écarté à la logique et conserver cette ponction qu’on essaye d’étendre au maximum, avec le soutient de NOS ELUS.
Bande de vendus…
Le 24/05/2016 à 09h37
le sketch.
ça fait maintenant plus de 10 ans qu’on suit cette commission CP et c’est toujours pareil, rien ne bouge.
toujours les mêmes pratiques à la papa, les bidouilles et les magouilles de couloirs.
sus à la dictature de la transparence, hein. " />
Le 24/05/2016 à 09h48
“Le tout se passe en 2016 (après Jésus-Christ).”
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Un détail ? (simplement?)" />
Le 24/05/2016 à 09h49
j ‘ai plutôt l’impression qu’il y a écrit :
la loi ne veut pas obliger mais ne s’y oposera pas
le règlement ne veut pas le faire et la loi l’y oblige pas
en gros ça tourne pas du tout en rond… ça conforte la position de garder secret les intérêts de chacun.
Le 24/05/2016 à 09h53
Plus exactement Bloche estime que c’est du détail. Or, la loi fixe le général. Il repousse donc au règlement intérieur qui nous dit que ce n’est pas possible car la loi n’a pas fixé le général.
Le 24/05/2016 à 10h01
David Assouline et l’ensemble des autres sénateurs socialistes tentent de couler dans un épais béton.
Le sénateur, son amendement ou les 2? " />
Le 24/05/2016 à 10h02
Le 24/05/2016 à 10h39
Et dire que ce n’est que le showbiz qui est traité par NextInpact, imaginez que la mafia au pouvoir utilise les mêmes méthodes dans les autres domaines (BTP, énergie, éducation, santé, guerre…) " />
Le 24/05/2016 à 10h52
oui, a quand nextinpact au gouvernement ?
Le 24/05/2016 à 11h48
Pfff mauvaise langue, regarde la Loi sur le Travail : 1 aller-retour (49.3) et on évite ce genre de comportement… ;)
Le 24/05/2016 à 12h15
Le 24/05/2016 à 12h21
Bah c’est marque le senateur et l’ensemble des autres senateurs socialistes apres relecture " />
Le 24/05/2016 à 16h25
passé à la vape depuis quelques années, j’ai suivi avec + d’interet les lois et discussins autour du sujet
en fait, ailleurs c’est pire " />