Surveillance hertzienne : quand le gouvernement justifie la quasi-absence d’encadrement
Ici, l'onde
Le 11 octobre 2016 à 13h10
6 min
Droit
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Ce matin, le Conseil constitutionnel a audiencé la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la surveillante des communications hertziennes. Synthèse.
C’est un article issu de la loi de 1991 sur le secret des correspondances et repris par la loi Renseignement qui a été trainé devant le Conseil constitutionnel ce matin. À la manœuvre, les Exégètes, à savoir la Quadrature du Net, French Data Network, la Fédération FDN et l’association Igwan.net.
Et à l’index ? L’article L.811 - 5 du Code de la sécurité intérieur, au terme duquel « les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre, ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale ».
Par cette disposition, le législateur et le gouvernement ont écarté de tout encadrement la surveillance des communications hertziennes, aussi bien au regard du livre VIII du Code de la sécurité intérieure que de la sous-section du Code de procédure pénale relative aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques.
Plus pratiquement, dès lors que les pouvoirs publics veulent assurer « la défense des intérêts nationaux », les services échappent à toutes les tracasseries administratives normalement inévitables. Ainsi, par exemple, nul passage devant la Commission de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), nulle règle sur la conservation des données, nulle possibilité de saisir la justice comme le prévoit désormais l’esquivé livre VIII du code, etc.
Un nouveau cas d'incompétence négative, selon Me Spinosi
« Il ne faut pas être grand clerc pour découvrir le défaut constitutionnel » a asséné, un brin moqueur Me Patrice Spinosi devant les neuf membres du Conseil constitutionnel. Celui-ci flaire un cas flagrant d’incompétence négative, soit le fait pour le législateur de ne pas avoir consommé l’ensemble de ses prérogatives dévolues par la Constitution, spécialement l’arbitrage entre vie privée et intérêts de l’État.
Les cas d’incompétence négative pullulent dans la jurisprudence, notamment ces deux précédents, à savoir la censure de la surveillance internationale, mal cadrée dans la loi renseignement, et plus récemment, celle du sort des données saisies après une perquisition numérique administrative, qui étaient alors dans les mains du seul exécutif. « Mutatis Mutandis, notre affaire doit connaitre la même issue ! »
Avec cette #QPCHertz, hashtag accompagnant le sillage de cette procédure sur Twitter, « ce sont plusieurs milliards de données qui sont susceptibles d’être concernées » jauge l’avocat qui réclame une censure immédiate.
Quand le gouvernement se fait législateur
Contrairement à l'étape précédente devant le Conseil d'État, où il ne retenait que des arguments de procédure, cette fois le gouvernement est sorti du bois. Non sans peine, le secrétariat général a tenté de minimiser la portée des critiques émises par les Exégètes.
Cette disposition ne concernerait ainsi que la surveillance et le contrôle des transmissions hertziennes non couvertes par la loi. Nulle question de soustraire l’ensemble des correspondances empruntant la voie hertzienne à un quelconque encadrement.
Selon une grille de lecture inspirée par des travaux parlementaires et d’anciens rapports de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), cet article ne viserait que les fréquences non individualisables, non localisables, non quantifiables. Et ne vaudrait donc que pour les transmissions réalisées totalement ou essentiellement par voie hertzienne, jamais - c’est juré- celles empruntant la voie des airs à titre accessoire comme le téléphone, le Wi-Fi, la 3G ou encore le Bluetooth.
Dans la vraie vie, cela toucherait donc aux transmissions radio des sous-marins, des aéronefs, des intérêts militaires ou des fréquences de la police et des secours. Bref, tout un panel de transmissions « utilisées par des acteurs institutionnels comme l’armée, non des particuliers ». Mieux, selon l’avocat du gouvernement, le texte serait « étroitement circonscrit », « très faiblement intrusif », laissant intact l’équilibre des libertés et droits fondamentaux.
Et pour tenter d’éviter une possible censure, il avance que cette soustraction au régime général du renseignement ne signifierait en rien absence de contrôle. Le texte n’a-t-il pas une finalité précise, à savoir la défense des intérêts nationaux ? La frontière entre cette exception et le droit commun n’est-elle pas soumise à interprétation de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement ? Enfin, les abus éventuels ne peuvent-ils pas être sanctionnés par le juge via le Code pénal ?
« Un cache misère artificiel »
« Un cache misère artificiel d’un trou législatif béant ! » a réagi Me Spinosi. « Vous rajoutez des choses qui ne sont pas dans la loi. Le secrétariat général du gouvernement ne nous dit pas la réalité du texte ! » Et pour cause, les filtres imaginés autrefois par la CNCIS, ou aujourd’hui par le gouvernement, ne se retrouvent pas dans le Code de la sécurité intérieure.
La lettre de cet article n’évoque en rien de quelconques restrictions, mais laisse un vaste champ décisionnel aux services pour surfer librement sur les ondes, les oreilles dressées. D’ailleurs, cela a été rappelé devant les neufs Sages, l’ancêtre de cette disposition avait déjà été utilisé par des agents du renseignement pour prendre connaissance des communications passées par un journaliste du Monde. « Il y a bien une absence de tout contrôle véritable de ces opérations de surveillance ! »
Si à titre principal, l'exécutif a sollicité le rejet de cette QPC, il a suggéré qu’une éventuelle censure soit déportée dans le temps pour permettre la rédaction d’une nouvelle loi. Questionné par un membre du Conseil, son avocat a proposé une improbable réserve d’interprétation selon laquelle l’article en cause ne viserait que les communications non individualisables, non identifiées et non quantifiables.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 21 octobre à 10 heures.
Surveillance hertzienne : quand le gouvernement justifie la quasi-absence d’encadrement
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Un nouveau cas d'incompétence négative, selon Me Spinosi
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Quand le gouvernement se fait législateur
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« Un cache misère artificiel »
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 11/10/2016 à 13h15
L’absence d’encadrement s’applique aux particuliers aussi ?
J’ai le droit d’espionner ma voisine en toute légalité ? " />
Le 11/10/2016 à 13h15
Va-t-on voir à nouveau circuler des camions blindés avec une antenne qui tourne dans les rues ?
Le 11/10/2016 à 13h20
Cela dit, j’avais, il y a pas mal d’années " /> une paire de Talkies Walkies US (rachetés à un pote… israélien).
Le “problème” était que ces bêtes portaient à plus de 7 Km avec l’antenne cochon, bien plus sur antenne ext. Et il y avait un scanner récepteur…
Je captais, à Paris, toutes les fréquences, y compris les avions de ligne au décollage. On m’avait prévenu : ne jamais appuyer sur le bouton d’émission. J’ai jamais osé, je me suis juste amusé sur des canaux “réglementaires”.
Le 11/10/2016 à 13h32
Pas encadré, donc sans aucun contrôle, mais assurément « très faiblement intrusif ».
Merci Maître. Difficile de croire qu’un État peut mentir, ne serait-ce que par omission. Cela ne s’est absolument jamais vérifié dans l’histoire " />
Le 11/10/2016 à 13h35
Ya un truc que je comprends pas:
Qu’est ce qui les empêche de le faire quand même ?
Juste ils pourront pas utiliser les données receuillies dans le cadre d’un procès, mais dans le cadre d’une surveillance de masse (“pêche au gros”), surtout si elle est +/- automatisée, derrière il n’y a aucun contrôle, et les cas qui arriveront devant les juges seront déjà “débroussaillés” , quand ce sera carrément pas arbitraire , comme pour le cas des fiches S.
Le matériel technique existe (et est suffisamment versatile pour ne pas être vendu en tant que tel) - reste surtout le traitement automatisé derrière - sans lequel la pêche au gros ne sert à rien - mais ce traitement peux lui aussi être financé en termes assez vagues (“traitement automatisé de données technique d’interception” , et hop ! XXX M€)
Le 11/10/2016 à 13h36
Tu vois le mal partout.
Le gentil avocat du gentil gouvernement te dit que tu peux avoir confiance et dormir sur tes 2 oreilles et tu ne lui fait pas confiance.
Ça sent la radicalisation ça ! " />
Le 11/10/2016 à 13h36
Le 11/10/2016 à 13h37
Le 11/10/2016 à 13h39
Tout à fait, Echelon ce n’est qu’une légende urbaine ! Les USA ont juste réussi avec succès à cultiver d’immenses paraboles, ils sont sacrément bons les ricains ! On attend toujours la composition de l’engrais pour en faire pousser chez nous !
Le 11/10/2016 à 13h39
Oui la CB " />
Et son canal 20 et quelques je ne sais plus.
Par contre, c’était réglementé aussi. Enfin…. sauf les CB non autorisées (autres fréquences) et les amplificateurs de signal " />
Mais une radio avec canal d’urgence, c’est pas con, même de nos jours. Survivalistes, toussa " />
Le 11/10/2016 à 13h42
L’engrais je sais pas, mais le terrain a été désherbé au Round’up en premier lieu " />
Le 11/10/2016 à 13h46
Le 11/10/2016 à 13h57
Le 11/10/2016 à 14h15
Canal 19 pour les mobiles.
Sinon dans le commerce on trouve des récepteurs large bande (scanners) plutôt performants, l’écoute des émissions en clair à titre privé étant légale (parcontre l’enregistrement et la divulgation ne le sont pas).
A noter qu’avec une clé usb TNT à 15 ou 20€ on peut déjà écouter pas mal de choses (voir le projet rtl-sdr)
Le plus redoutable étant un analyseur de spectre équipé d’un démodulateur…
Le 11/10/2016 à 14h18
Oui mais je parlais du hertzien autonome : pas besoin de numérique ni de relais. De plus, il ne s’agit pas que de recevoir, mais d’émettre… (ce qui est soumis à permis).
Edit : j’ai déjà parlé à un gars qui était dans le Sahara et moi… en Bretagne, chez un ami radio amateur (et sa grosssssse antenne " />)
Maintenant ça parait dérisoire (téléphone satellite), mais la preuve que sans plus aucun moyen de communication “moderne”, la radio ça fonctionne très bien.
Le 11/10/2016 à 15h05
Vraie question : pourquoi devrait-on surveillé le hertzien ?
Et pourquoi devrait-on surveiller tout court ?
Le 11/10/2016 à 15h08
Le 11/10/2016 à 15h13
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Le 11/10/2016 à 16h35
Pour l’ordre et la sécurité voyons
Le 11/10/2016 à 17h36
Oui en ondes courtes c’est tout a fait faisable ;)
Le mieux étant la SSTV qui permet de recevoir des images du monde entier, et de la voir s’afficher lignes par lignes.
Le 11/10/2016 à 17h41
Le 11/10/2016 à 19h10
La réponse du gouvernement l’explique: pour espionner l’URSS, les USA, etc …
Wikipedia Wikipedia
Le souci est que ce qui ne posait peu de problèmes en 1970 (peu de personnes émettait en hertzien à part les radios libres et quelques radios amateurs) ne l’es plus en 2016: beaucoup d’objet émettent en hertzien et le législateur devrait maintenant borner cela. Cela évitera des dérives et des abus (des RG qui espionne du wifi en s’appuyant par ce texte alors que le gouvernement explique que c’est fait pour espionner les communications internationales).
Le 11/10/2016 à 19h17
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Je pensais que l’hypnotiseur de Kipling allait bien avec nos politiques soucieux de notre bien être et de la protection de nos données personnelles; y compris le gentil avocat qui les représente…
Le ferais plus, promis " />
Le 11/10/2016 à 19h24
Oops, je suis à la ramasse : un commentaire avec juste le " />, je pense immédiatement à une correction de fôte " />
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Le 12/10/2016 à 07h45
Oui c’est toujours utilisé par les radio-amateurs.
De même que le morse qu’on peut toujours entendre notamment vers 7 000 KHz avec un bon récepteur ondes courtes.
Le 12/10/2016 à 07h49
Le 12/10/2016 à 08h41