Mesure exposition aux ondes

Inspection à domicile

Mesurer son exposition aux ondes : à la découverte du dispositif gratuit de l’ANFR

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[Rediff Mag #4] Nous vivons baignés dans les ondes depuis la nuit des temps. Certaines nous viennent de l’autre bout de l’Univers, d’autres de notre Soleil et certaines directement de la Terre. Puis est arrivé le temps pour l’être humain de domestiquer les ondes avec la radio, la télévision les fours à micro-onde, les talkies-walkies, les appareils médicaux, le Wi-Fi et le Bluetooth pour ne citer que ces exemples. Les différentes générations de téléphonie mobile se sont également greffées au fil des années, puis la multitude d’objets connectés... et cela n’est pour le moment pas près de s’arrêter.

En France et un peu partout dans le monde, il existe un cadre légal définissant les valeurs limites d’exposition du public aux ondes. Avant d’entrer dans le vif du sujet, un rappel de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) : « Le volt par mètre est une unité de mesure de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Les valeurs limites d’exposition définies dans la réglementation française sont fondées sur les recommandations des instances internationales et européennes ».

En France, ces limites sont entre 28 et 87 V/m suivant la fréquence. L’ANFR veille au grain en effectuant des relevés réguliers.

Comment faire mesurer son exposition aux ondes

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2014, un dispositif assez peu connu du grand public – pourtant fort utile et gratuit – a été mis en place par cette Agence : « Toute personne peut faire mesurer l’exposition aux ondes électromagnétiques aussi bien dans les locaux d’habitation que dans des lieux accessibles au public (parcs, commerces, établissement recevant du public…). Cette démarche est gratuite » pour les demandeurs, que ce soit des particuliers ou des collectivités.

Pour profiter de ce dispositif, il faut simplement remplir un formulaire avec ses coordonnées, le lieu de la mesure et des précisions concernant votre demande : est-ce que vous voulez simplement un niveau global, un détail de l’exposition par fréquence, une étude particulière d’un compteur communiquant type Linky, etc.

Il est possible de combiner une mesure globale avec une autre ciblée afin de réaliser les deux lors de la même visite. Attention, le formulaire doit impérativement être signé par un organisme habilité (décret n° 2013-1162 du 14 décembre 2013) tels qu’une collectivité locale (commune, groupement de communes...), une agence régionale de santé, le ministère de la Santé, une association agréée par le ministère de l’Environnement, etc. C’est notamment le cas de l’UFC-Que Choisir.

De manière générale, cette étape est plus une formalité qu’autre chose. Il existe une limitation : ce dispositif « n’est pas applicable pour les ondes émises par les lignes électriques, notamment les lignes à haute tension », alias les « 50 Hz ». Pour ces dernières, il existe un autre dispositif géré directement par RTE, mais la demande ne peut visiblement être faite que par des maires, pas par un particulier.

Un service « gratuit » financé via une taxe sur les opérateurs

Une fois validée par un organisme habilité, la demande de mesure du niveau d’exposition aux ondes est transmise à l’ANFR, « qui dépêche un laboratoire accrédité et indépendant ». Les résultats sont par la suite communiqués au demandeur, mais aussi « rendus publics par l’Agence sur le site www.cartoradio.fr ». Tout le monde peut ainsi y accéder. Comme nous vous le disions, ce service est gratuit : « Le financement des mesures repose sur un fonds public alimenté par une taxe payée par les opérateurs de téléphonie mobile. Ce fonds est géré par l’Agence nationale des fréquences, qui rémunère les laboratoires accrédités », explique l’ANFR.

Ce ne sont donc pas directement les opérateurs qui payent, comme nous le précise Benoît Agnani, directeur adjoint de la stratégie à l’ANFR : « Au départ, il y a très longtemps, les mesures étaient payées par les opérateurs, mais les associations ont dit ça n’allait pas parce qu’ils étaient partis pris. On a donc instauré une taxe additionnelle à la taxe IFER [Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ndlr] qui permettait de payer ces mesures, et on a une simplification de toutes ces petites taxes au niveau de l’état. Aujourd’hui le budget arrive directement sur le budget de l’Agence. Les demandes sont globalisées et il y a toujours cette taxe IFER, mais on est plus relié directement à elle. »

Nous lui demandons si le budget est suffisant pour assurer le bon fonctionnement de ce service. Il nous affirme que oui : « On n’a jamais dû restreindre le nombre de mesures parce qu’on n’avait plus de budget », ajoute notre interlocuteur.

L’Agence nationale des fréquences précise qu’une « opération de mesure dure entre une et trois heures. Plusieurs types de mesures sont possibles, selon que l’on souhaite connaître l’exposition globale résultant de l’ensemble des sources environnantes ou une analyse plus détaillée permettant de voir les contributions de ces différentes sources à l’exposition ».

Nous avons pu suivre le déroulement de l’opération dans une école de la région parisienne, un reportage photo que vous pouvez suivre dans une prochaine actualité.

Des mesures du niveau global… et plus si affinité

Une fois les mesures effectuées, il faut distinguer deux cas de figure. Si le niveau global est inférieur à 6 V/m, la procédure se termine ; il ne reste plus qu’à finaliser le compte rendu et le publier. Par contre, s’il est supérieur à 6 V/m, on entre dans une autre catégorie appelée « point atypique ».

C’est la terminologie employée lorsque le niveau global « est substantiellement au-dessus des niveaux habituellement mesurés ». Dans la grande majorité des cas, le niveau reste tout de même largement inférieur aux valeurs limites réglementaires, qui se situent pour rappel entre 28 et 87 V/m.

Sur les points atypiques, une mesure détaillée est obligatoirement effectuée (même si l’utilisateur n’en a pas fait la demande) afin de déterminer la « contribution de chaque émetteur (télévision,radio FM, téléphonie mobile, Wi-Fi) à l’exposition ». Le but étant de pouvoir « identifier sur quelle source agir en priorité pour réduire l’exposition ».

Et que se passe-t-il si la limite réglementaire est dépassée ? Ces cas sont « très rares », affirme l’ANFR, qui demande alors « un arrêt immédiat de l’émetteur radioélectrique en cause ». Selon les mesures de l’Agence, le niveau moyen en France est inférieur à 1 V/m, bien en dessous de la limite réglementaire, elle-même largement en deçà du seuil d’effets sanitaires qui est entre 198 et 615 V/m selon les fréquences.

Entre 2 600 et 4 000 demandes par an, principalement de particuliers

Afin d’en apprendre davantage sur ce dispositif, Jean-Benoît Agnani (directeur adjoint de la stratégie à l’ANFR) a répondu à nos questions. Nous lui demandons pour commencer s’il a une idée de la provenance des demandes : « On n’a pas de topologie très précise, on ne regarde pas qui est à l’origine des demandes. On pense que la majeure partie est des particuliers. »

Pour donner quelques chiffres, entre 2014 et 2021, l’Agence a eu entre 2 591 et 4 022 demandes. Le délai de traitement était très rapide lorsque nous en avons discuté en début d’année : « en ce moment, on met quelques jours pour la traiter. […] C’est pratiquement du flux tendu. Ça n’a pas toujours été le cas. On a eu des périodes plus que compliquées », reconnaît tout de même notre interlocuteur.

Un laboratoire agréé est alors saisi par l’ANFR. Il a 30 jours pour faire ses mesures sur site. En général, « au bout de quelques jours, il téléphone au particulier pour convenir d’un rendez-vous avec lui ». Il en est de même avec les institutions et les écoles. Dans ce dernier cas, le rendez-vous est pris lorsque les enfants ne sont pas présents. C’était le cas lors de notre déplacement dans les Yvelines pour suivre une campagne de mesure. Une fois le rapport terminé par le laboratoire, il est publié dans la foulée par l’ANFR.

Conformité et demandes abusives

Mais avant de mandater un laboratoire, l’Agence commence par vérifier la conformité des demandes, c’est-à-dire « qu’elles rentrent bien dans le domaine radioélectrique, par exemple, qu’il ne s’agit pas de lignes 50 Hz ». Il faut ensuite vérifier que ce n’est pas une demande « de mesures abusives ». C’est-à-dire de personnes qui « ont déjà fait une demande de mesures, qui ont eu des résultats et [dont] l’environnement radioélectrique n’a pas changé », mais « ces cas sont extrêmement rares », nous affirme le directeur adjoint.

Jean-Benoît Agnani nous précise tout de même qu’une personne « a le droit de faire une demande de mesure tous les ans », sans que cela soit jugé abusif. « On estime qu’au bout d’un an, l’environnement radioélectrique a changé », précise-t-il. Bien évidemment, « s’il y a eu une installation d’antennes, on peut tout de suite redemander une mesure ».

Le choix du laboratoire se fait via « un appel d’offres par région », avec le prix comme élément « déterminant ». Tous les laboratoires sont accrédités Cofrac (Comité français d’accréditation), puisque c’est le niveau minimum de qualité exigé afin de pouvoir candidater. « Aujourd’hui, sur la métropole, c’est le laboratoire Exem qui a remporté le marché, et qui vient d’être renouvelé d’ailleurs. On a un autre laboratoire pour l’outre-mer ». Jean-Benoît Agnani nous explique que certaines villes font des « campagnes mairies », avec un accompagnement de l’ANFR.

Le but de ces opérations est de proposer « un état des lieux de leur environnement et de [revenir] régulièrement sur ces points pour vérifier qu’il n’y a pas eu d’augmentation soudaine. Ça leur permet aussi de communiquer ».

Dans ce genre de situation, il s’agit d’un travail conjoint : « On sélectionne les points [de mesures] avec la mairie, on essaye de voir les lieux d’intérêt aussi avec eux. On regarde si techniquement ça a un intérêt. » Il y a aussi des mairies qui lancent leurs campagnes elles-mêmes, car, comme nous le rappelle Jean-Benoît Agnani, « elles sont habilitées à signer les demandes de mesure ».

L’ANFR reçoit la demande et dépêche sur place un laboratoire, via une procédure bien huilée. « Évidemment, on est quand même très attentif parce qu’on ne voudrait pas qu’il y ait des campagnes abusives. On n’a jamais eu le cas, mais on va quand même regarder combien de mesures il y a, car il s’agit de l’argent du contribuable. »

Comment se déroule une campagne de mesures ?

Lors des mesures in situ, la première action du laboratoire va être de trouver « le point chaud », c’est-à-dire l’endroit avec le niveau d’exposition maximal. La recherche de ce dernier est assez rapide et ne demande que quelques mesures. Les surprises sont rares : « Généralement, quand on voit une antenne c’est derrière la fenêtre en face de l’antenne, sur le balcon ou dans le jardin. »

Pour Linky, c’est encore plus simple : le point le plus exposé se trouve devant le compteur. Si elle le souhaite, la personne peut aussi demander que des mesures soient réalisées ailleurs. C’est un peu du cas par cas ou fonction du logement et/ou du demandeur.

Avant de se déplacer sur le terrain, le technicien « fait un état des lieux des émetteurs environnants ». Rappelons que l’implantation d’installations radioélectriques doit respecter certaines règles, qui permettent notamment à l’ANFR de connaître leur emplacement et puissance : « pour pouvoir émettre, toutes les antennes d’une puissance supérieure à 5 W doivent obtenir une autorisation de l’ANFR, les antennes d’une puissance comprise entre 1 et 5 W étant uniquement soumises à déclaration. Au cours de cette procédure, l’ANFR veille, en particulier, au respect des valeurs limites d’exposition du public et coordonne l’implantation des antennes ».

Bref, le technicien sait déjà plus ou moins où chercher le point chaud avant d’arriver sur place. Il réalise dans tous les cas des mesures sur des points intermédiaires, placés à différents endroits de la zone à analyser. Ces mesures se font à une hauteur fixe de 1,50 m. Elles sont très rapides, comme nous avons pu le constater sur le terrain. Le technicien se déplace avec son capteur installé sur un piquet mobile et mesure le niveau global en quelques secondes.

Une fois le point chaud identifié, il réalise des mesures plus précises avec trois hauteurs différentes « pour prendre en compte l’équivalent d’un corps humain » : 1,10, 1,50 et 1,70 m. C’est la moyenne des mesures qui apparaît sur le site Cartoradio, mais il est toujours possible de télécharger le rapport détaillé afin d’avoir les mesures intermédiaires.

Les points atypiques entrainent une mesure détaillée

Il s’agit de mesures large bande « prenant en compte toutes les émissions entre 100 kHz et 6 GHz ». Le directeur adjoint nous précise qu’il est possible de demander « des mesures détaillées en fréquence » et qu’elles deviennent de toute façon « obligatoires quand vous dépassez 6 V/m », c’est-à-dire en présence d’un point atypique. On n’est pas forcément au-dessus de la limite réglementaire (et même généralement bien en dessous), mais le niveau d’exposition est significativement au-dessus de la moyenne nationale.

L’Agence nationale des fréquences propose un observatoire annuel de ces points atypiques et tente, dans la mesure du possible, de les résorber. Il y en avait 51 en 2020, soit bien plus que les années précédentes : 29 en 2019, 33 en 2018 et 15 en 2017. 42 des 51 points concernaient de nouveaux lieux, tandis que les neuf restants étaient des points atypiques déjà recensés lors des précédentes campagnes, mais pas (encore ?) résorbés.

Une mesure détaillée (ou spectrale) permet de connaître les sources d’émissions des ondes, et ainsi de savoir qui est le principal contributeur : téléphonie mobile (et sur quelle bande de fréquence), TNT, etc. En cas de point atypique, l’ANFR sait donc à quelle porte aller toquer pour essayer de trouver une solution. Sans surprise, la téléphonie mobile est la principale pourvoyeuse de points atypiques au fil des années (entre 79 et 97 % selon les années), suivie par le duo bande FM et radio numérique terrestre avec seulement 3 à 18 % des cas.

Qu’en pensent les utilisateurs ?

Le directeur adjoint reconnaît enfin avoir « très, très peu de retour » après la campagne de mesures. « On a de temps en temps quelques personnes qui demandaient des renseignements techniques sur la mesure […] Maintenant, on sait qu’ils sont satisfaits d’avoir ce moyen, qui permet vraiment de connaître parfaitement le niveau d’exposition à son domicile. J’imagine que les gens sont très contents ; en tous les cas, on n’a pas de retours négatifs sur ces mesures », ajoute-t-il.

Nous lui demandons enfin si l’ANFR n’a pas la volonté de réaliser ses mesures en interne dans un futur proche : « Aujourd’hui, on préfère se focaliser plutôt sur les études pour les besoins en interne. » Il faut en effet mettre à jour les protocoles de mesures (qui seront suivis par les laboratoires) en tenant compte des nouveautés, comme la 5G il y a quelques années et la bande des 26 GHz qui arrivera prochainement.

Commentaires (10)


Merci pour cet article fort intéressant, j'ai hâte de voir si Flock va en sortir une idée pour samedi :fume:
Il n'existe pas la même chose pour mesurer la pollution de l'air ?
Je serais très intéressé :prof:
Si tu es sur Paris :
https://www.airparif.asso.fr/

Temps réel :
https://www.airparif.asso.fr/surveiller-la-pollution/la-pollution-en-direct-en-ile-de-france

Comment sont-elles réalisées ?
Cette chaîne de calcul utilise les données produites par différents modèles :
- ESMERALDA pour décrire les niveaux de concentration en situation de fond,
- Heaven pour caractériser les émissions de polluants générées par le trafic routier,
- ADMS-Urban pour décrire les concentrations des polluants générées par le trafic routier.
Modifié le 03/01/2024 à 13h57

nextdrOp

Si tu es sur Paris :
https://www.airparif.asso.fr/

Temps réel :
https://www.airparif.asso.fr/surveiller-la-pollution/la-pollution-en-direct-en-ile-de-france

Comment sont-elles réalisées ?
Cette chaîne de calcul utilise les données produites par différents modèles :
- ESMERALDA pour décrire les niveaux de concentration en situation de fond,
- Heaven pour caractériser les émissions de polluants générées par le trafic routier,
- ADMS-Urban pour décrire les concentrations des polluants générées par le trafic routier.
Merci pour le retour, je connais Airparif, mais je pensais plus au fait de pouvoir faire tester son environnement "personnel" comme le permet l'ANFR.
Airparif possède des stations de mesures fixes et peut procéder à des campagnes de mesures ponctuelles, comme pour de gros travaux, ou pour des collectivités, mais pas de mesures dans un environnement pour un particulier.
Pour mon cas perso, j'ai une entreprise de blanchisserie industrielle qui s'est installé juste à côté de chez moi et quand je vois la poussière et les effluves que ça engendre, je souhaiterais juste m'assurer que cette "pollution" est sans danger.
A Marseille on a ça : https://aircarto.fr/
Merci Sébastien pour l'article.

Est-ce que via le même formulaire on peut demander l'analyse des perturbations locales, notamment sur la bande FM classique ou la Radio Numérique Terrestre ? (pas mal de parasites)
Je suis très surpris de voir le Linky dans le graphique .Il n'émet pas d'ondes radio mais des ondes conduites, qui génèrent effectivement des ondes radios mais très très faiblement, noyées dans le bruit ambient (3,7 V/m de mémoire).
Oui, c'est bien ça.

Le graphique ne donne qu'un exemple : le linky peut être des ondes (certes très faiblement) dans la fréquence basse et indique que le max à cette fréquence est de 87v/m.
Il est effectivement assez mal fait et on pourrait interpréter la lecture d'un Linky qui emets justement 87v/m :)
Va falloir que je triple l'épaisseur de mon chapeau d'alu, je savais bien que Linky est surpuissant et nous pirate le cerveau :D
je pense que le vrai problème, c'est surtout que les gens du réseau nous cachent tout !
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