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Le plaidoyer du Conseil de l’UE pour une édition scientifique en accès ouvert à but non-lucratif sera-t-il efficace ?

« sans but lucratif » ?

Le plaidoyer du Conseil de l'UE pour une édition scientifique en accès ouvert à but non-lucratif sera-t-il efficace ?

Le 25 mai 2023 à 15h30

Mardi, le Conseil de l'Union européenne a publié une déclaration sur l'édition scientifique et a fait savoir sa volonté de la voir évoluer vers un « libre accès immédiat et sans restriction  ». Alors que les multinationales ont adapté très rapidement leurs modèles économiques à l'accès ouvert pour que leurs profits n'en subissent pas les conséquences, les gouvernements européens poussent maintenant au soutien de projets éditoriaux aux modèles « sans but lucratif ».

Les institutions, qui ont d'abord suivi le mouvement de l'accès ouvert aux publications scientifiques puis en ont pris les rênes, font face à un problème : alors que de plus en plus d'articles scientifiques sont accessibles à tous, elles payent toujours plus cher auprès des éditeurs et le coût devient exorbitant.

Pourtant, l’Initiative de Budapest pour l’Accès Ouvert, à l'origine du mouvement, espérait que ça serait aussi une « opportunité d’économiser des fonds ». Mais les multinationales de l'édition comme Springer-Nature ou Elsevier se sont adaptées et ont même vu leurs marges opérationnelles augmenter.

Dans cette déclaration [PDF] publiée mardi, le Conseil de l'Union Européenne essaye de peser de tout son poids pour corriger le tir en poussant pour que l'édition scientifique adopte un modèle économique  « sans but lucratif » et encourage ses états membres et la Commission à les financer.

Devenir « la norme »

L'accès ouvert aux publications scientifiques devient de plus en plus fréquent. Le Plan S, initiative lancée par une coalition de fonds de financement de la recherche (appelée coalition-S) et la Commission européenne imposant aux recherches qu'ils financent d'être accessibles gratuitement, a participé à ce mouvement.

Mais beaucoup d'articles restent derrière des « paywalls » et il est encore fréquent qu'il faille débourser 30 ou même parfois 100 euros pour y accéder.

Quand ils sont accessibles, c'est souvent parce que les auteurs des articles (la plupart du temps, de fait, leurs employeurs) ont payé des Frais de traitement (en anglais, Article Processing Charges, APC) qui peuvent aller jusqu'à 9 750 euros pour certaines revues comme Nature.

Et comme nous l'expliquions, en 7 ans, le total des APC pour les articles scientifiques français a triplé, passant de 11,3 millions à 30,1 millions d'euros.

Les institutions européennes commencent maintenant à réagir pour essayer d'inverser cette tendance. Dans son texte, le Conseil de l'UE « insiste sur le fait qu'un libre accès immédiat et sans restriction devrait être la norme pour la publication de recherches impliquant des fonds publics, avec une tarification transparente proportionnée aux services de publication et dans laquelle les coûts ne sont pas couverts par les auteurs ou les lecteurs individuels ».

Pour cela, il « encourage les États membres et la Commission à intensifier leur soutien à l'élaboration de politiques et de stratégies institutionnelles et de financement alignées en ce qui concerne les modèles de publication universitaire multiformats en libre accès et sans but lucratif en Europe, sans frais pour les auteurs ou les lecteurs, et à établir et à mettre en œuvre des feuilles de route ou des plans d'action en vue d'une expansion significative de ces modèles de publication ».

Réactions mitigées des institutions de recherche

Si certains fonds de financement de la recherche [PDF] (dont l'Agence nationale de la recherche française) ainsi que certaines universités qui se sont exprimées (la Ligue européenne des universités de recherche dont fait partie Sorbonne Université par exemple) accueillent bien volontiers ces déclarations de principe, leurs attentes d'actes concrets se font entendre.

À Science Business, le président de l'Université de technologie d'Eindhoven, Robert-Jan Smits – très actif au moment de la mise en place du plan S – a déclaré : « si les ministres européens de la recherche sont vraiment sérieux au sujet du libre accès, ils devraient se mettre d'accord sur des mesures qui permettront d'achever le travail une fois pour toutes ».

Toujours dans Science Business, Lidia Borrell-Damián, secrétaire générale de Science Europe (un regroupement de fonds de financement de la recherche), lance qu' « à mon avis, les gouvernements devraient tirer parti de cette prise de conscience du coût énorme de la publication et essayer d'encourager des méthodes plus efficaces d'utilisation de l'argent par le biais de plateformes de publication et de revues à but non lucratif, et encourager plus de modèles par le biais d'investissements et de politiques ».

À but non lucratif ?

Une autre question se pose. L'obligation par les institutions européennes de publier les articles scientifiques chez des éditeurs « sans but lucratif » (ou « à but non lucratif », ceci dépendant des traductions) pourrait ne pas être un frein pour certains gros éditeurs bien installés et qui font payer très cher la publication d'article en accès ouvert.

En effet, une bonne partie de l'édition scientifique s'appuie sur de vieilles sociétés savantes qui ont parfois dérivé vers des énormes regroupements d'édition scientifique. L'éditeur d'une des revues scientifiques les plus connues, Science, est, par exemple, l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS). Et en chimie, la plupart des revues sont éditées par la Société américaine de chimie (en anglais American Chemical Society, ACS).

Ces sociétés savantes sont généralement déclarées « sans but lucratif ». Mais ça ne les empêche pas de proposer des APC très élevés (4 500 dollars pour la revue Science, par exemple), de déclarer en 2020 des revenus nets de 6 millions de dollars pour l'AAAS et de plus de 179 millions de dollars pour l'ACS et de rémunérer grassement leurs directions (plus d'un million de dollars en 2020 pour le président d'ACS).

Si les institutions européennes veulent changer les choses dans ce milieu qui est devenu une industrie très rémunératrice, il est possible qu'elles aient à être un peu plus précises à propos des modèles qu'elles soutiennent et ceux qu'elles rejettent.

Commentaires (10)

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Ça ressemble à du bon sens, la recherche publique est financée par nos impôts, ce qu’elle produit doit être publiquement disponible.



Cela dit je me demande si ce faisant on ne va pas perdre la notion de “Facteur d’impact”, et donc inciter la publication d’études de mauvaises qualité.

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(reply:2134367:Daïmanu)


La tendance est plutôt inverse : c’est la course à l’impact factor, la prime à la publication et les classements internationaux qui prennent ça en considération, qui conduisent à la publication à tout prix, y compris de qualité très discutable.

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Il y a quelques années (2017-2018 ?), Les représentants du CNU nous ont gentiment expliqué qu’il ne faut pas publier dans certains “petits” journaux “open access” (pourtant avec un comité de revue tout ce qu’il y a de plus classique, mais pour lesquels la publication ne coute “que” 3 à 400€ et qui eux font un VRAI boulot d’édition, avec (re)mise en page en PDF et HTML)… parce que “sinon, on ne les compte pour vos demandes de PEDR” (renommée RIPEC désormais). Bref, tu veux faire ton dossier pour ta seule prime qu’on peut t’accorder, et bien, on t’explique gentiment qu’il faut publier là où ca coute (très) cher, et où c’est de l’argent publique qui part dans le privé.

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L’immense majorité des journaux tolère les copies : l’article est publié dans le journal (pas nécessairement en open-access) et une copie identique (ou légèrement modifiée) peut être mise en ligne sur hal ou sur researchgate.



En outre, si l’article est écrit avec LaTeX, j’estime qu’il est toujours possible de publier les sources tex (+ fichier biblio + les images) dans une forge publique sous licence libre, avec un petit fichier Makefile qui génère le PDF.



Ces deux options permettent de ne pas publier en open-access tout en mettant à disposition publiquement les articles.

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Attention: Researchgate appartient à un grand éditeur. On a donc pas l’autorisation de poster nos articles dessus. Hal ou Arxiv par contre sont des initiatives publiques donc c’est tout bon. (Certains auteurs ont eu des demandes de retraits sur researchgate)

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Ou bien, le législateur déclare ces grosses société de gatekeeper et déclarent illégale le fait de faire monnayer un article émanant d’un chercheur payé par des fonds publique. Avec des amendes salées pour l’éditeur du style 20% de son CA.



Ça pourrait contrer l’imagination débordant des éditeurs pour faire traquer tous le monde.

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Les éditeurs ne sont pour l’essentiels pas français. Au pire, ça les incitera à ne plus distribuer leurs journaux en France. Pas sûr que ce soit le but recherché.

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HAL est un éditeur scientifique public français (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, CNRS, INRIA et INRAE)

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AhLeBatord a dit:


L’immense majorité des journaux tolère les copies : l’article est publié dans le journal (pas nécessairement en open-access) et une copie identique (ou légèrement modifiée) peut être mise en ligne sur hal ou sur researchgate.


Non, ils ne tolèrent pas, mais le droit européen s’applique : cela leur a été imposé (pour HAL ou équivalent selon les pays).

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Ce qui est étrange c’est que ce système s’auto-alimente par les victimes :




  • Il faut lire les revues pour sa veille technologique

  • Publier dans une revue est un signe de reconnaissance



Donc le chercheur doit publier dans des revues prestigieuses pour être reconnu, en faisant ça il rogne sur son budget recherche déjà pas folichon. Car il paye pour publier et il paye pour lire ses pairs.
Ne pourrait-on pas avoir une revue publique européenne, qui recense toutes les publications européennes d’un domaine ? La publication y serait gratuite et obligatoire lorsque le chercheur à toucher des fonds publics. La revue serait vendue au prix de revient. Ça ne marche pas sur les platebandes des gros du milieu qui pourront continuer à facturer les chercheurs non-européen et piocher dans la revue publique pour publier les meilleurs articles.

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  • Devenir « la norme »

  • Réactions mitigées des institutions de recherche

  • À but non lucratif ?

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