Le plan très haut débit français ressemble parfois à une longue série d'engagements fluctuants, dont chaque mouvement est l'occasion de félicitations publiques. Même lorsque ce n'est pas justifié.
En 2011, Orange et SFR ont préempté le déploiement de la fibre dans les agglomérations moyennes (dites zones AMII), soit sur 12,7 millions de lignes. Ces lignes sont cofinancées par Bouygues Telecom et Free, qui y accèdent à hauteur de leur apport pécuniaire. Depuis l'époque, les deux opérateurs-déployeurs ont promis de couvrir ces villes avant fin 2020.
Malheureusement, les deux groupes ne se sont engagés auprès des collectivités locales que sur 60 % de ces millions de lignes, au dernier décompte, alors qu'ils devaient l'avoir fait en totalité il y a plus de deux ans. Pire encore, lesdites collectivités locales n'assurent que rarement le suivi de ces déploiements.
Surtout, depuis quelques années, Orange et SFR se déchirent sur le partage de ce travail. Suite au rachat de SFR par Numericable, Orange a de fait récupéré la responsabilité d'environ 90 % des lignes, lui conférant un avantage commercial certain. Depuis deux ans, SFR réclame un repartage,devant le gouvernement et les tribunaux, sans succès. En outre, les deux groupes se livrent une bataille sur environ trois millions de lignes, sans contrôle public.
Dans ce climat, les opérateurs et l'État pointent parfois vers un report de l'échéance de 2020 vers 2022, alors que l'autorité des télécoms (l'Arcep) s'inquiète du rythme de déploiement.
Hier, le ministère de la Cohésion des territoires s'est fendu d'un communiqué félicitant les deux opérateurs pour l'envoi de courriers, garantissant que les 12,7 millions de lignes auront accès à la fibre fin 2020. Soit ce à quoi ils se sont engagés il y a plus de six ans !
Ces déploiements sont désormais contrôlables par l'Arcep (via l'article L33-13 du CPCE, qui arme enfin le régulateur sur le sujet). Le gouvernement l'a saisie le 4 avril, pour obtenir son avis sur ces nouvelles promesses au fort goût de réchauffé. Dommage qu'il ait fallu attendre plus de six ans pour que ces déploiements soient sanctionnables.
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