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La France rejoint SKAO, qui va étudier « la formation des toutes premières étoiles et galaxies »

Un élan mondial vers « l’inconnu »

La France rejoint SKAO, qui va étudier « la formation des toutes premières étoiles et galaxies »

Le 08 février 2021 à 14h02

SKA, le radiotélescope « le plus sensible jamais conçu », est conçu pour capter les ondes radio et ainsi obtenir des informations sur une bonne partie des astres de l’Univers. Les attentes et débouchés scientifiques sont nombreux, et la France va devenir membre de l’organisation intergouvernementale chargée de ce projet.

SKA est l’acronyme de Square Kilometer Array. Comme son nom l’indique, ce radiotélescope disposera d’une surface collectrice d’un kilomètre carré afin de capter des signaux – aussi bien sur des fréquences moyennes et basses – venant du fin fond de notre Univers.

Un projet qui a déjà plusieurs (dizaines) d’années

Ces données permettront alors « d’étudier la formation des toutes premières étoiles et galaxies peu de temps après le Big Bang ». Il sera implanté sur deux sites en Afrique du Sud et en Australie, tandis que son siège se trouve au Royaume-Uni. D’autres pays sont impliqués. 

Ce projet d’envergure n’est pas nouveau, loin de là même puisque les études préparatoires remontent aux années 2000. La France était partie prenante depuis des années avec le consortium MSF, mais le pays vient de passer la seconde en s’impliquant davantage.

« Je me réjouis de la décision de la France de devenir membre de SKAO pour relever une multitude de défis : défis en astronomie, défis numériques et défis technologiques qui allient chercheurs académiques et industriels […] Notre organisme a fortement soutenu l’idée de rejoindre SKA, motivé par ces défis, avec le soutien des partenaires de la Maison SKA-France »,  explique le PDG du CNRS (Antoine Petit).

Vers des « avancées primordiales » dans plusieurs domaines

Dans le même temps, SKA passe une étape importante pour sa mise en œuvre : la première réunion du Conseil de SKA Observatory (ou SKAO) vient d’avoir lieu. Il s’agit pour rappel de la « deuxième organisation intergouvernementale au monde à se consacrer à l’astronomie », après l’European Southern Observatory (ESO).

Les ambitions sont grandes : une fois en place, ce radiotélescope « devrait permettre des avancées primordiales pour des questions comme la formation des toutes premières étoiles et galaxies peu de temps après le Big Bang, l’origine des champs magnétiques dans l’Univers, ou encore des tests très poussés de la relativité générale d’Einstein ».

De la Maison SKA-France au SKA Observatory

En juillet 2018, le consortium Maison SKA-France (MSF) devenait le 12e membre de la SKA Observatory, c’est-à-dire l'organisation « chargée de l’étude de faisabilité du projet ». Il était coordonné par le CNRS et regroupait notamment l’Observatoire de Paris-PSL et de la Côte d’Azur, des universités, ainsi que des industriels comme Air Liquide, ATOS-Bull et Kalray.

La signature de la Convention internationale pour la création de l’Observatoire SKA est arrivée en mars 2019, avec sept pays pour commencer : Afrique du Sud, Australie, Chine, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni. « L’Inde et la Suède étaient représentés et ils ont maintenu leur intention de signer rapidement la convention et de faire partie des membres fondateurs », rappelle SKA-France.

Le parlement des Pays-Bas était ensuite le premier à la ratifier officiellement en août 2019, puis d’autres pays se sont rapidement succédé. En décembre 2020, six avaient ratifié cette Convention : Italie, Pays-Bas, Portugal, Afrique du Sud, Australie et Royaume-Uni. La signature de ces trois derniers était indispensable, car ils sont les trois pays « hotes » du radiotélescope. En plus des six précédents, d’autres États ont également participé à phase de conception de ce radiotélescope : Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Espagne, Suède, Suisse, Japon et Corée du Sud.

La première réunion du Conseil de SKA Observatory (SKAO) s’est déroulée il y a quelques jours seulement (les 3 et 4 février), et la France y a exprimé « le souhait de devenir membre de cette organisation intergouvernementale dont le rôle est d’assurer la construction puis l’exploitation du futur radiotélescope géant, pour les 10 à 20 ans à venir », explique l’observatoire de Paris qui, avec le CNRS, se réjouit de cette année.

Une « capacité d’exploration de l’inconnu »

Les promesses autour du Square Kilometer Array sont à la hauteur des espérances des chercheurs : « SKA sera l’instrument de radioastronomie le plus sensible jamais conçu, sur une gamme d’ondes radio inégalée. Il sera 50 fois plus sensible que le plus grand des radiotélescopes actuels, le Very Large Array (VLA) localisé aux États-Unis ».

Ses deux principaux (et vastes) champs d’études sont les suivants : 

  • l’apparition des premières sources lumineuses dans l’Univers, la formation des toutes premières étoiles et galaxies, peu de temps après le Big Bang ;
  • l’impact des champs magnétiques sur les processus d’évolution des objets célestes, les tests des théories de la gravitation et de la relativité générale ou encore la détection d’ondes gravitationnelles.

Aussi bien du côté de l’Obervatoire de Paris que du CNRS, on affirme que « SKA est aussi attendu pour sa capacité d’exploration de l’inconnu », sans entrer dans les détails bien évidemment.

« Premier observatoire "Big Data" » deux-en-un

D’une même voix, les deux partenaires ajoutent que « le défi technologique le plus spectaculaire de SKA est posé par le flot de données qu’il produira, dépassant chaque année le trafic internet mondial d’aujourd’hui et les besoins de stockage actuels de Facebook par exemple ».

SKA sera ainsi le « premier observatoire "Big Data" » à cause d’un point : les supercalculateurs pour le traitement de l’important flot de données sont une partie intégrante des télescopes « au même titre que les antennes ». 

Pour la partie française, via Maison SKA-France, la communauté de chercheurs devrait dépasser les 400, avec la participation de sept établissements publics (CNRS, Observatoire de Paris - PSL, Observatoire de la Côte d’Azur, Université de Bordeaux, Université d’Orléans, INRIA, CEA) et tout autant d’entreprises (Air Liquide, ATOSBull, Callisto, CNIM, FEDD, Kalray et Thalès).

Il s’agit donc non seulement d’un projet international d’envergure mélangeant privé et public, mais également à très long terme : « SKA est un projet qui sera utilisé pendant 20, 30, 50 ans », affirme une des scientifiques impliquées.

Deux sites (Australie et Afrique du sud) et deux phases

Deux sites sont retenus pour la construction de ce radiotélescope : l’un dans le désert australien pour les antennes basses fréquences, l'autre en Afrique du sud pour les hautes fréquences. Dans les deux cas, les environnements sont difficiles – secs et chauds – mais ont l’avantage d'être éloignés des villes et des ondes radio pouvant venir perturber les signaux.

De son côté, le siège du Square Kilometer Array est situé à Jodrell Bank au Royaume-Uni. En plus de l’éloignement géographique et des fuseaux horaires, un tel projet n’est pas simple : « c’est comme construire un puzzle, mais dont les pièces changent constamment ». Une carte du monde avec les différents pôles impliqués dans ce projet (et leurs travaux) est disponible par ici.

Le déploiement de SKA se déroule en deux phases. La première comprend SKA1, dont la construction débute cette année, et « sera la plus grande machine scientifique à jamais avoir été conçue et certainement la plus impressionnante en termes de débit de données et de ressources de calcul ».

La seconde phase est prévue à partir de 2030 avec SKA2, nous aurons donc largement le temps d’y revenir… d’autant que le calendrier est toujours susceptible d’évoluer pour ce genre de projet pharaonique, d’autant plus quand il comprend autant de partenaires dans le monde.

NenuFAR, le « précurseur officiel » de SKA construit en France

Avant de se lancer dans SKA, un « précurseur officiel » a été construit en France, avec la station de radioastronomie de Nançay, dans le Cher. Baptisé NenuFAR, il a été inauguré en 2019 – il n’était alors achevé qu’à 80 % – et, en plus d’améliorer nos connaissances sur les galaxies et les émissions radios des exoplanètes grâce aux mesures, il préparait « la communauté scientifique française à utiliser pleinement SKA ».

NenuFAR, pour New extension in Nançay upgrading LOFAR (LOFAR étant lui-même le petit nom de LOw Frequency ARray), est « optimisé pour la gamme de fréquences de 10 MHz à 85 MHz (longueur d’onde λ de 4 m à 30 m) ». L’ensemble comprend 1 938 antennes, réparties dans 102 sous-ensembles (ou mini-réseaux) de 19 antennes chacun. Ils sont « pilotés électroniquement pour orienter le faisceau du radiotélescope dans la direction de la source céleste étudiée ».

Sur les 1938 antennes, 1 824 sont rassemblées dans une zone de 400 m de diamètre, formant ainsi le « cœur » du radiotélescope. Les 114 restantes sont plus éloignées, jusqu’à 3 km du cœur. L’ensemble est relié par 180 km de câbles coaxiaux, et les récepteurs « traitent plus de 600 gigabits de données par seconde, pour produire des faisceaux très sensibles et des images ».

Notez que NenuFAR est loin d’être le seul « précurseur » de SKA. Nous pouvons citer MeerKat en Afrique du Sud avec 64 antennes de 13.5 m de diamètre, ASKAP (Australian SKA Precursor) en Australie avec 36 antennes de 12 m de diamètre, HERA (Hydrogen Epoch of Reionization Array) avec des antennes fixes de 14 m formant une structure hexagonale de 300 m de diamètre en Afrique du Sud, ou encore MWA (Murchison Widefield Array) en Australie avec 2048 antennes organisées en 128 structures.

Commentaires (3)

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Superbe article !
Pour ce qui est de la recherche de vie, Breakthrough Listen utilise Merkaat depuis 2018.

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Très bon article sur un sujet passionnant !

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On notera que le SKA a lancé son deuxième “Data Challenge” tout récemment : https://sdc2.astronomers.skatelescope.org/.




Our latest challenge will see participants analyse a simulated datacube 1 TB in size, in order to find and characterise the neutral hydrogen content of galaxies across a sky area of 20 square degrees.


En France, en plus du fait qu’il y a des équipes engagées dans le challenge, GENCI et le CNRS sont impliqués pour mettre à disposition des ressources de calcul sur le supercalculateur Jean Zay (actuellement la machine la plus puissante en France).

La France rejoint SKAO, qui va étudier « la formation des toutes premières étoiles et galaxies »

  • Un projet qui a déjà plusieurs (dizaines) d’années

  • Vers des « avancées primordiales » dans plusieurs domaines

  • De la Maison SKA-France au SKA Observatory

  • Une « capacité d’exploration de l’inconnu »

  • « Premier observatoire "Big Data" » deux-en-un

  • Deux sites (Australie et Afrique du sud) et deux phases

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