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Au CEA, 20 % des publications scientifiques de 2020 ne sont pas en accès ouvert

La science libérée, mais pas délivrée

Au CEA, 20 % des publications scientifiques de 2020 ne sont pas en accès ouvert

Le 04 février 2022 à 14h30

Au CEA, 80 % des publications scientifiques de 2020 sont librement accessibles, un record. Si on prend l’ensemble des articles depuis 2013, on tombe par contre à 65,9 % seulement d’accès ouvert ; preuve s’il en était besoin qu’il reste beaucoup de travail. Toutes les disciplines ne sont pas non plus égales devant l’ouverte des publications… loin de là.

Depuis cette année, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation (MESRI) propose, aux établissements et instituts de recherche qui le souhaitent, « une déclinaison du baromètre français de la science ouverte » sur la base de leurs publications. Le CEA y participe et dévoile ses résultats.

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives revendique un taux d’ouverture de 80 % pour ses publications de 2020… ce qui laisse donc une publication sur cinq en accès fermé. Ce chiffre est en progression de 12 points par rapport à l'ouverture des publications 2019 telle que mesurée en 2020, qui était alors de 68 %.

Cette hausse, proche de celle de l’ensemble des publications françaises qui est passée de 52 % en 2020 à 62 % en 2021. Elle cache par contre d’importantes disparités.

Le taux d‘articles en accès ouvert augmente chaque année

Le Commissariat propose un graphique intéressant : l’évolution de l’ouverture des publications scientifiques au fil des années. On peut ainsi avoir le pourcentage d’articles de 2013 dont l’accès est ouvert en 2018, en 2019, en 2020 et en 2021. Il permet de mettre en évidence une évolution des mentalités ces dernières années.

Il y a plusieurs façons d’aborder ce graphique et donc plusieurs conclusions à en tirer. Tout d’abord, le passage des années n’a que peu d’influence sur l’ouverture des anciennes publications scientifiques, hormis une marche entre 2018 et 2019, quand l’ouverture des publications de 2013 à 2017 a gagné environ 5 points. 

En 2013, il y en a eu 5 456 publications scientifiques au CEA. 2 708 étaient ouvertes en 2018, soit un peu moins de 50 %. On est passé à 54 % en 2019 (2 960 publications librement accessibles) et on est ensuite resté à 54 % en 2020 (2 964) et 2021 (2 978). Actuellement, il reste donc 2 478 articles de 2013 qui ne sont toujours pas en accès ouvert. Durant les années 2014 à 2018, le principe est resté plus ou moins le même, mais avec une hausse régulière des pourcentages.

Une cassure importante arrive avec les publications de 2019. Au bout d’un an (en 2020 donc), 68 % des 5 670 articles étaient accessibles librement ; rien d’exceptionnel pour le moment, c’était dans la lignée de la courbe de progression des années précédentes. Ce qui est remarquable par contre, c’est de passer à plus de 77 % de publications ouvertes en 2021 (9 points de plus), soit 4 395 articles.

L’accélération se confirme avec les articles de 2020 : sur les 5 375 publications scientifiques, 4 286 étaient ouvertes l’année dernière, soit 80 %. La hausse est donc de 12 points entre 2019 et 2020 alors qu’elle n’était que de 5 points en moyenne les années précédentes. 

CEA science ouverte 2022

Les manières d’ouvrir l’accès aux publications

Le CEA rappelle que la mise à disposition des publications peut se faire de plusieurs façons : « la publication nativement en accès ouvert par l'éditeur sur une plateforme de publication (accès sans abonnement) ou le dépôt par l'auteur dans une archive ouverte, tel que HAL ou ArXiv. Ces deux voies ne sont pas exclusives, une publication pouvant être à la fois disponible sur une archive ouverte et sur la plateforme de publication de l'éditeur ». 

« Comme pour l'ensemble des publications françaises, HAL est la première plateforme de dépôt des textes intégraux des articles scientifiques du CEA (2125 en 2020). HAL-CEA est l'archive institutionnelle du CEA. À ce titre, la Charte du CEA pour une science ouverte fournit les recommandations pour une mise à disposition des publications, en accès ouvert », ajoute le Commissariat.

Il existe aussi Sci-Hub, une plateforme « pirate » lancée par Alexandra Elbakyan et proposant un « accès libre à des articles scientifiques obtenus par web scraping en contournant les paywalls ("péages") classiques des éditeurs académiques ». Elle est bloquée en France chez les quatre FAI nationaux, suite à une demande d’Elsevier et de Springer Nature.

En 2021, seuls 9 % des publications ouvertes sont disponibles sur la plateforme d’un éditeur, contre 26 % à n’être accessibles que sur une plateforme d’archive ouverte ; cela signifie que l’éditeur ne propose donc qu’une version payante mais qu’il n’a pas « bloqué » la publication ailleurs. Dans la majorité des cas néanmoins – 44 % des 80 % en accès ouverts – les articles sont accessibles via les deux voies (éditeurs et plateforme ouverte), ce qui est une bonne chose.

« Cette simultanéité, qui tend à s'accroître au cours du temps, est un facteur de résilience puisqu'il permet à la fois d'offrir la qualité éditoriale et de garantir la pérennité de l'accès aux publications scientifiques françaises », se réjouit le CEA. En effet, si un éditeur venait à changer sa politique (en fermant l‘accès aux publications) ou à mettre la clé sous la porte, des plateformes comme HAL ou ArXiv pourraient prendre le relai.

Des différences importantes suivant les disciplines

Cette relativement bonne ambiance générale ne doit par contre pas cacher une autre réalité : « Le taux d’accès ouverts des publications est fortement corrélé à la discipline ».

Les pourcentages dont nous allons parler doivent être remis dans leur contexte : le nombre d’articles dans les différentes disciplines varie énormément. On commence à 15 articles seulement en sciences sociales, 19 en mathématiques ; on passe ensuite à 772 en biologie fondamentale, 805 en science de la Terre et même jusqu’aux alentours de 2 400 en science physique et astronomie. 

Sur les 19 publications mathématiques, 18 sont ouvertes, soit 95 %. Mais attention, une de moins et le pourcentage tomberait à 89 % ; le taux peut donc varier fortement même si la tendance générale est à l‘ouverture. Même chose en sciences sociales : 11 articles sur 15 sont librement accessibles, soit 73 %, mais un de plus aurait ferait grimper le score à 80 %.  À contrario, il faut ± 20 publications pour faire bouger de seulement ± 1 % le score en sciences physiques et astronomie. 

Quoi qu’il en soit, les mathématiques, la biologie fondamentale et les sciences physiques sont largement en tête avec plus de 82 % d’accès ouverts. Ces disciplines dépassent donc la moyenne qui est à 80 % en 2020. En bas du classement, on retrouve l’ingénierie à 54 %, l’informatique et les sciences de l’information à 65 %, la chimie à 71 %, etc. Pour le CEA, le faible taux d’ouverture des sciences de l’ingénieur « est dû à un grand nombre de publications auprès d'éditeurs sous abonnement ». 

CEA science ouverte 2022

Depuis 2013, 65,9 % des publications en accès libre

Faisons maintenant les comptes depuis 2013. Au total sur les huit dernières années, 45 941 publications ont été réalisées par les chercheurs du CEA, dont 30 280 sont aujourd’hui en libre accès. Cela nous donne donc un total de 65,9 % « seulement » des articles en accès ouvert.

La situation s’améliore néanmoins largement ces dernières années et on espère que cela continuera dans les années à venir. Il reste néanmoins encore beaucoup de travail pour arriver à une pleine ouverture des connaissances, et on ne parle là que du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

L’importance de la relecture 

Rappelons enfin l’importance des relectures dans le cas des publications scientifiques… surtout en cette période de crise sanitaire. Dans le cas des plateformes ouvertes comme arXiv, mettre en ligne un article ne signifie pas qu’il a été relu par des pairs, qui ne peuvent donc pas attester de la qualité du travail et de la véracité des conclusions.

Une étape pourtant indispensable dans le monde de la recherche car le commun des mortels est généralement bien incapable de comprendre les fondements et de juger les enjeux ; encore moins d’avoir un esprit critique sur la qualité des travaux.

On se souviendra par exemple de la conjecture de Poincaré résolue en bout de course par le Russe Grigori Perelman en 2003 : « Il met sept ans pour rédiger une démonstration pleine d’ellipses et particulièrement difficile à appréhender pour ses relecteurs. Au moins quatre groupes s’attellent à la vérification, qui dure également sept ans ». 

Cette problématique a été propulsée au premier plan durant la pandémie mondiale de la Covid-19, comme l’avait longuement détaillé le Comité d'éthique du CNRS (COMETS) : « On recensait au début de l’année 2021 plus de 10 000 articles en lien avec le COVID-19 déposés sur le serveur medRxiv, créé en 2019 et dédié aux prépublications médicales, et près de 3000 prépublications sur celui de bioRxiv ».

Face à ce raz-de-marée, des dérives ont – sans surprise – été constatées : « Des résultats ont été communiqués au public par les médias, qui ont omis de signaler, tout au moins au début de la crise sanitaire, que les prépublications ne font pas l’objet d’une validation par les pairs ». 

Les éditeurs et les relecteurs ont donc un rôle important à jouer afin d’assurer une science de qualité, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’ouverture des publications. Plusieurs « plans » se sont succédés ces dernières années pour arriver à 100 % de publications en accès ouvert, mais il reste encore du travail pour changer les mentalités. 

Commentaires (9)

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Pour les relectures par les pairs, de nouvelles initiatives plus ouvertes émergent ces dernières années , comme PCI : https://peercommunityin.org/

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Je suis chercheur CEA et mes publications relus par les pairs sont toutes (systématiquement) accessibles librement sur le serveur HAL du CEA, via researchgate ou sur demande en me contactant directement.



Pour la dernière option je suis très content de répondre aux demandes car cela me permet de discuter avec le chercheur et initier éventuellement de nouvelles collaborations.



Il ne faut pas que les chercheurs hésitent à contacter

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La question à laquelle ne répond pas l’article est: qu’est ce qui empêche la publication systématique en libre.



La situation des revues pour lesquelles le auteurs doivent payer pour se faire déposséder et ou les lecteurs se font racketter en suite dépasse ma logique.



Il est assez simple pour autant de donner à une publication un niveau de vérification et faire en sorte que son contenu soit considéré comme source sûre, avec un modèle comme Wikipédia mais avec des intervenants dont la qualité de pair doit être elle-même validée et argumentée (quel parcours, conflit d’intérêts potentiels, liste des contributions)

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Pour compléter ce qui a été dit cette note est le fameux facteur d’impact. Plus la revue est prestigieuse plus la note de votre article est grande. Publier dans Nature est bien mieux que dans le journal local des gallinacés occitans. Cela donne beaucoup de pouvoirs aux grosses revues et ça permet aussi de relativiser un certain professeur aux 1000 publications par an dans la revue de sont pote

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Rappelons quand même que les relectures pour publication dans les revues à comité sont faites gratuitement par les pairs !

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wanou a dit:


La question à laquelle ne répond pas l’article est: qu’est ce qui empêche la publication systématique en libre.


Je suppose que comme partout, il doit exister des contrats d’exclusivité, des clauses de non-concurrence, et autres joyeusetés qui limitent la diffusion et l’accès.

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Absolument. Mais c’est comme les CGU, tout le monde s’en fiche :francais:



Normalement tu n’es pas sensé partager tes articles avec des confrères (chercheurs, doctorants, thésards…) directement (i.e., ils doivent payer l’éditeur). Mais en vrai, tout le monde s’en fout et on s’échange nos articles, figures et autres sans demander à l’éditeur son avis. En revanche, pour la publication de ce genre de choses, il y a des règles à respecter pour éviter de se faire accuser de plagiat, mais là c’est plus une question d’éthique (Hein Didi, hein !) et pour le coup, l’éditeur t’assure une sorte de “filet de sécurité” aussi bien pour celui qui a publié, que pour celui qui va publié.
Bon c’est en théorie hein.

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wanou a dit:


La question à laquelle ne répond pas l’article est: qu’est ce qui empêche la publication systématique en libre.


La diffusion de tes recherches pour les chercheurs et ton embauche pour les post-docs. Quand tu es un post-doc est que tu cherches à rentrer au CNRS (je connais un peu ce système que les autres), tu es évalué par tes pairs (mais pars toujours dans ton domaine mais connexe à celui-ci. Par exemple si tu fais du plasma ionosphérique, tu vas tomber par exemple sur des gens qui font du plasma solaire). Sauf que l’évaluation implique de voir la qualité de tes travaux. Et l’une des façon de juger est de regarder les revues dans lesquelles tu as publié. Chaque revue ayant une sorte d’index qui permet de juger sa pertinence/exigence/qualité, ceci permet de donner “une note” à tes publications et donc de savoir si ce que tu publies est de la merde en barre ou non. Sauf que dans certains domaines, les publis open-source/access sont mal vus ou notés et par conséquent, si tu souhaites payer ton paquet de pâte il va falloir publier dans les revues payantes.
Note que ce n’est pas le seul critère mais il est l’un des plus important. Après tout, on embauche un chercheur pour 20-25 ans (ou plus selon l’age limite de la retraite :D )



Rajoute à ça que les “décideurs” sont très souvent des ignares et des sous-diplomés qui pour évaluer ton travail et le financement que tu demandes vont s’appuyer sur ce que leur cervelle a appris à ENA, HEC et Science Po : Les notes !!! Ils, par une magie Excellienne, convertissent des publis en une jolie note qui va leur permettre de savoir si tu es intéressant à financer ou non à partir de tes travaux précédents. Nuançons que ça dépend des sources de financement et des pays. Au US par exemple, tout mes financements ont été évalués par des pairs venant de domaine étrangers au mien (genre géologie martienne par exemple) mais c’était des hommes et des femmes de science. L’administration restait à sa place. En France, ce n’est pas toujours le cas et/ou la décision finale appartient à un des sous-diplomés qui pense mieux savoir que toi tes propres travaux.



Au final, si tu souhaites ne pas être un travailleur précaire (parce que c’est qu’est la recherche quand tu n’es pas poste permanent [Quoique que veut la question de la Recherche dans la présidentielle et l’augmentation des salaires, même être permanent va correspondre à du précaire]) pendant 10 ans, et bien tu dois accepter les règles du jeu qui sont lié à ton domaine.



Deux notes d’espoirs : 1. L’idée de l’open-source/access est favorisés au niveau national (peut-être même de l’UE). C’est qu’une question de temps pour les mentalités des sous-diplomés évoluent comme les critères d’évaluation. 2. Sci-hub + >

Stephane_A a dit:




Je suis chercheur CEA et mes publications relus par les pairs sont toutes (systématiquement) accessibles librement sur le serveur HAL du CEA, via researchgate ou sur demande en me contactant directement.


Pour le thème des recherches, tu es souvent lié à une communauté qui publie dans certains journaux. Si tu veux que tes travaux soient citer, massacrer ou valoriser par tes pairs eh bien il faut les publier là où ils publient. Et là aussi, il y a une certaine inertie, mais ça commence également à changer. (Après tout les “vieux professeurs” te disent de chercher leur papiers sur les journaux payants, les “jeunes” sur Sci-hub ^^).

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Merci à tous pour ces éclaircissements.

Au CEA, 20 % des publications scientifiques de 2020 ne sont pas en accès ouvert

  • Le taux d‘articles en accès ouvert augmente chaque année

  • Les manières d’ouvrir l’accès aux publications

  • Des différences importantes suivant les disciplines

  • Depuis 2013, 65,9 % des publications en accès libre

  • L’importance de la relecture 

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