NSO : le scandale Pegasus atteint les plus hautes sphères de l’État israélien
Loi de Murphy S2E42
Le 08 février 2022 à 09h15
6 min
Droit
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Pegasus, le logiciel espion du marchand d'armes de surveillance israélien NSO, a été utilisé par la police israélienne, sans mandat ni approbation judiciaire, pour espionner certains des plus hauts responsables de l'ancien gouvernement israélien, soupçonnés d'informer des journalistes.
Mi-janvier, Calcalist Tech, qui avait déjà publié plusieurs scoops au sujet du marchand d'armes de surveillance israélien NSO, révélait que des maires, figures de l'opposition politique à l'ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'anciens employés du gouvernement ont été espionnés par la police au moyen du logiciel espion Pegasus de NSO.
De plus, l'intrusion n'avait pas été effectuée sous la supervision d'un tribunal, et la police n'avait pas demandé de mandat de perquisition ou d'écoute pour effectuer la surveillance, tout en profitant d'un vide juridique. Il n'y a pas eu non plus de contrôle sur les données collectées, la façon dont la police les utilise et comment elle les distribue à d'autres agences d'enquête.
Calcalist vient de révéler que la police israélienne avait aussi utilisé le logiciel espion Pegasus pour espionner, sans mandat judiciaire, « certains des plus hauts responsables du gouvernement, dans certains cas pour déterminer si des activités telles que la fuite d'informations aux journalistes avaient eu lieu ».
Avait ainsi été ciblé Shai Badad, alors directeur général du ministère des Finances, soupçonné d'avoir divulgué des informations à des journalistes et dont le téléphone avait été piraté « afin de trouver des échanges incriminants ».
« Le fait qu'il occupait l'un des postes les plus puissants du pays et qu'il avait un lien politique fort avec les chefs de gouvernement ne l'a pas aidé », commente Calcalist, qui révèle également l'identité de deux autres directeurs généraux, dont celui du ministère de la Justice, qui était pourtant « en contact permanent avec la police ».
Le spectre des accusations de corruption visant l'ancien Premier Ministre
Pegasus a également été installé sur plusieurs acteurs et témoins de l'affaire des 4 000, ou « affaire Bezeq », qui avait entraîné la mise en examen de l'ancien premier ministre Benjamin Nethanyaou pour corruption, fraude et abus de confiance.
Il lui était en effet reproché d’avoir accordé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars au patron de la société de télécoms Bezeq, Shaul Elovich, en échange d’une couverture médiatique favorable d’un des médias du groupe, le site Walla.
Le directeur du ministère de la Culture avait aussi été espionné, ainsi que ceux du PDG adjoint de Bezeq, « non pas parce qu'il était soupçonné d'actes répréhensibles, mais plutôt pour évaluer la crédibilité du témoignage qu'il avait fourni », précise Calcalilst.
La police avait aussi piraté des téléphones pour vérifier si les deux principaux témoins qu'elle visait, l'ancien PDG de Walla Ilan Yeshua et l'ancien rédacteur en chef de Walla Aviram Elad, étaient mis sous pression.
Plusieurs autres témoins de l'affaire, responsables ministériels et journalistes, avaient eux aussi été espionnés afin de « déterminer la crédibilité de leurs témoignages et de s'assurer qu'ils ne cachaient aucune information supplémentaire ».
La famille de l'ancien Premier ministre Netanyahu et son entourage ont également été visés, notamment son fils Avner Netanyahu, ce qui avait permis à la police de découvrir que certains des SMS étaient écrits au féminin, « ce qui a amené la police à penser que le téléphone était utilisé par l'épouse de l'ancien Premier ministre, Sara Netanyahu ».
Pegasus utilisé pour anticiper des manifestations
Pegasus aurait également été installé dans les téléphones de colons de Cisjordanie à la veille d'évacuations, de plusieurs maires, du dirigeant d'un syndicat, ainsi que sur ceux de dirigeants d'ONG de défense des droits des personnes handicapées, qui réclamaient une augmentation des allocations, et des Israéliens d'origine éthiopienne, qui protestaient contre la façon dont ils étaient traités par la police.
Les chefs de police ont expliqué qu'ils avaient besoin d'informations précoces sur les plans des organisateurs de leurs manifestations, afin d'être en mesure d'empêcher le blocage des principaux carrefours aux heures de pointe, ou d'empêcher que les manifestations ne deviennent violentes, et « qu'il n'y ait pas de surprises ».
Pegasus aurait « tout collecté : le lieu des manifestations, le plan des manifestations, le nombre de personnes qui y assisteront et les jonctions qui pourraient être bloquées ».
Sans mandat ni approbation judiciaire
Or, d'après Calcalist, « tous ces piratages ont eu lieu dans le but d'acquérir des renseignements, sans aucun mandat ni approbation judiciaire, et les informations recueillies ont été transmises aux enquêteurs, sans révéler les moyens utilisés pour les obtenir. »
Le site d'information précise qu'« il est important de souligner que ces informations ne peuvent être utilisées devant un tribunal à moins qu'elles ne soient blanchies plus tard par différentes méthodes ».
La collecte d'informations de renseignement avait été effectuée alors que la police était dirigée par Roni Alsheikh, l'ancien chef adjoint du Service de sécurité intérieure israélien (Shin Bet, l'équivalent de la DGSI), et que son unité cyber-SIGINT était pilotée par deux anciens de l'unité 8200 (la NSA israélienne).
Le « terme fade » utilisé par la police pour ces activités était « police axée sur la technologie et les données », mais Calcalist révèle que l'utilisation de Pegasus n'était pas locale ou limitée à un petit nombre de cas.
Elle était même devenue « l'un des outils les plus utiles mis en œuvre par la police pour recueillir des renseignements ».
La police israélienne a déclaré en réponse que son personnel « coopère avec l'équipe d'examen du procureur général d'Israël ».
Une commission d'enquête gouvernementale
Le Premier ministre Naftali Bennett a déclaré ce lundi que l'utilisation par la police du logiciel espion NSO pour pirater les téléphones de responsables gouvernementaux, hommes d'affaires et associés de l'ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu « ne restera pas sans réponse », rapporte Haaretz :
« Les choses qui ont été rapportées, si elles sont vraies, sont très graves. Cet outil (Pegasus), et des outils similaires, sont très importants dans la guerre contre le terrorisme ainsi que contre les crimes graves, mais ils ne sont pas destinés à un "hameçonnage" généralisé des citoyens israéliens ou des personnalités publiques de l'État d'Israël, nous avons donc besoin pour savoir exactement ce qui s'est passé. »
Auparavant, le ministre de la Sécurité publique, Omer Bar-Lev, avait décidé de former une commission d'enquête gouvernementale pour enquêter sur l'affaire.
NSO : le scandale Pegasus atteint les plus hautes sphères de l’État israélien
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Pegasus utilisé pour anticiper des manifestations
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Sans mandat ni approbation judiciaire
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Une commission d'enquête gouvernementale
Commentaires (5)
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Abonnez-vousLe 08/02/2022 à 10h21
L’arroseur arrosé …
Le 08/02/2022 à 10h28
ça avait pris des proportions carrément inquiétantes !
Le 08/02/2022 à 12h43
Cela un tournant politique si cela permet à Netanyahu d’éviter la Justice.
Le 09/02/2022 à 09h57
Éviter ? Alors qu’il en était le commanditaire probable ? Ne pas oublier que certains de ses opposants politiques ont délibérément été ciblés.
Le 09/02/2022 à 10h57
J’avais compris l’article quoi ce n’est pas lui le commanditaire.
Mauvaise lecture de ma part??