Le Sénat vient de signifier « le coup d'envoi au gigantesque chantier de la carte Vitale biométrique », titrent Les Échos :
« La droite a réussi à faire voter dans le projet de loi de Finances rectificative une première enveloppe de 20 millions d'euros pour l'instauration de la carte Vitale biométrique. Une de ses vieilles revendications pour lutter contre la fraude sociale. »
Le Parlement avait pourtant déjà rejeté une proposition de loi sénatoriale il y a deux ans, invoquant « la protection de la vie privée et des données personnelles », mais Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Palais du Luxembourg, « avait fait de cette mesure une condition pour voter le projet de loi de Finances rectificative » :
« Marotte de la droite et de l'extrême droite depuis une dizaine d'années, au programme de Marine Le Pen lors des trois dernières élections présidentielles, la mise en place de la carte Vitale biométrique serait pour ses partisans un moyen essentiel de lutter contre la fraude sociale. »
Les Échos soulignent qu'il est « difficile pour autant de chiffrer la fraude sociale » : Retailleau avançait en effet que « plus de 7 millions de cartes Vitale en circulation de plus qu'il n'y a de Français », mais le chiffre a été démenti par les autorités.
La commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale de 2020, s'appuyant sur un rapport de la Cour des comptes, évoquait de son côté à « 1,8 à 2 millions » le nombre de cartes Vitale surnuméraires en France, alors que nombre de doublons ne seraient « pas liés à des fraudes (carte perdue puis retrouvée par exemple) ».
La CNAM avait, de plus, estimé que le renouvellement des cartes pourrait prendre 20 ans, et coûter 900 millions d'euros, le coût de la carte biométrique passant à 15 euros, contre 4,40 pour une carte classique.
« Le Sénat gaspille 20 millions pour une mesure inutile et passéiste qui peut faire perdre du temps médical », a d'ailleurs commenté sur Twitter Philippe Besset, président de la Fédération des pharmaciens d'officine, avec un émoji très énervé.
« En 30 ans de pratique, je n’ai jamais vu de fraude à la carte Vitale », précise-t-il à Public Sénat, estimant qu'il aurait plutôt fallu lutter contre la « fraude qui concerne les fausses ordonnances pour des médicaments très chers qui sont ensuite exportés », que la carte Vitale biométrique n'empêchera aucunement : « on se trompe de réponse à un vrai combat ».
Agnès Giannotti, présidente de MG France, premier syndicat de médecins généralistes, déplore : « c'est de l'affichage politique [...] la fraude sociale est souvent mise au premier plan alors que l'essentiel du problème n'est pas là, il est dans le ciblage de la pertinence des dépenses de santé ».
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