Et voici les micronovae, « un nouveau type d’explosion stellaire »
C'est pas la taille qui compte !
Le 22 avril 2022 à 13h35
8 min
Sciences et espace
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On connaissait depuis longtemps les novae et supernovae ; on a maintenant les micronovae. Mais attention prévient le CNRS : « si une micronova est bien une petite nova, elle n’est en rien une "minuscule" supernova ». C'est l'occasion de revenir sur un vocabulaire parfois trompeur autour de ces explosions cataclysmiques.
Commençons donc par quelques bases, avec la définition d'une nova. Selon le Larousse, il s'agit d'une « étoile qui devient brusquement beaucoup plus lumineuse (semblant constituer une étoile nouvelle), puis reprend lentement son éclat primitif ».
Allez on décline : nova, novae...
Le nom nova est issu du latin, et signifie (roulement de tambours) nouveau. Petite digression : le mot venant du latin, on peut parler de novae ou de novas au pluriel.
Cette appellation vient du fait que les astronomes qui les découvraient pensaient (à tort) qu'il s'agissait de nouvelles étoiles. « On s’est ensuite rendu compte que ce n’était pas le cas, mais le terme est resté pour décrire toutes les explosions de matière accumulée à la surface d’une naine blanche », explique Jean-Pierre Lasota (directeur de recherche à l’Institut d’astrophysique de Paris).
Les novae se trouvent dans un système binaire, dont l’un des deux astres est une naine blanche. Cette dernière est très dense – imaginez la taille d'une planète comme la Terre avec la masse de notre Soleil – qui est arrivé au stade final de son évolution d'étoile de « petite » masse.
« Une naine blanche est si dense que sa gravité est capable d’aspirer la matière de son compagnon proche. Quand cette matière tombe sur la naine blanche, elle s’échauffe fortement ; elle rayonne une énergie si importante qu’elle déclenche une explosion thermonucléaire (1 000 km/s), "cataclysmique", provoquant une brutale augmentation de luminosité de l’étoile », explique l'Observatoire de Paris.
Les novae classiques peuvent se produire de manière récurrente (et elles ne s'en privent d'ailleurs pas), avec une période oscillant entre des dizaines et des centaines de milliers d'années ; le temps de récupérer de la matière à son compagnon de voyage qu'elle vampirise au fil des siècles.
...supernova, supernovae
Vous l'aurez certainement compris, une supernova est un phénomène encore plus puissant... et c'est peu de le dire : « À son maximum d'éclat, une supernova rayonne autant qu'une galaxie », indique l'Observatoire de Paris. Ce sont des phénomènes parmi les plus puissants de l'Univers, qui résultent « de l'explosion globale d'une étoile. Les supernovae sont donc très brillantes, puisque c'est toute l'énergie contenue dans l'étoile qui est libérée en une fois ».
Il existe deux types de supernovae :
- type I ; elles « résultent comme les novae d'un transfert de masse entre les deux composantes d'un système binaire ».
- type II : elles « correspondent à la fin de vie normale d'une étoile de masse supérieure à 9 masses solaires, dont le coeur s'effondre en une étoile à neutrons ou un trou noir, et dont les couches externes sont expulsées violemment ».
Et voici maintenant les micronovae... pas si « micro » que ça
Jusque-là rien de neuf dans l'Univers. Mais c'était sans compter sur les micronovae. N'allez pas croire qu'il s'agit de petites explosions : malgré leur nom, ce sont des événements massifs.
Des scientifiques de l'Observatoire Européen Austral (ESO) annoncent avoir observé ce nouveau type d'explosions stellaires : elles « se produisent à la surface de certaines étoiles et peuvent chacune brûler environ 3,5 milliards de Grandes Pyramides de Gizeh de matière stellaire en seulement quelques heures », soit environ 20 000 000 milliards de kg de matière. Excusez du peu !
Les micronovae sont donc des événements extrêmement massifs et puissants, mais plus petits à l'échelle astronomique et beaucoup moins énergétiques que les novae. Selon l'ESO, ces explosions ont environ « un millionième de la force d'une explosion de nova ». Micronovea et novae se produisent sur des naines blanches dans les deux cas, mais la différence de puissance nécessitait visiblement la création d'un nouveau nom pour différencier les deux phénomènes.
Une supernova se distingue « nettement des novae, et aujourd'hui des micronovae, qui elles n’entraînent pas la fin de leurs étoiles et recommencent au contraire à agréger de la matière », explique le CNRS. « Seule la comparaison entre nova et micronova semble donc pertinente », ajoute le Centre nationale de recherche, qui en profite pour tordre le cou à un vocabulaire aussi ancien que « trompeur ».
Des explosions localisées et plus courtes
De manière générale, les explosions thermonucléaires des novae se produisent partout sur l'étoile ; elles font « brûler et briller toute la surface de la naine blanche pendant plusieurs semaines », explique Nathalie Degenaa (astronome à l'Université d'Amsterdam et co-auteure de la publication dans Nature).
Avec les micronovae, on a des « explosions similaires, mais à plus petite échelle [elles sont localisées à certains endroits de la surface, ndlr] et plus rapides, ne durant que quelques heures ». De plus, elles ne se produisent que sur des naines blanches dotées de champs magnétiques puissants qui canalisent justement la matière vers les pôles magnétiques, entrainant des effets localisés comme nous venons de l'indiquer. La video ci-dessous met en image ce phénomène.
Jean-Pierre Lasota pointe du doigt une inconnue : « On ne sait pas vraiment d’où vient le champ magnétique des naines blanches [...] Ce sont des restes d’étoiles peu massives dont elles ont peut-être conservé le magnétisme, mais il se pourrait aussi qu’il soit apparu plus tard ».
L'ESO note une certaine ressemblance entre les micronovae et les sursauts X (gamma) : « Ces derniers se produisent à la surface des étoiles à neutrons, qui ont une masse similaire à celle des naines blanches, mais sont bien plus compactes. Le sursaut X est une brève et puissante explosion thermonucléaire, ne durant que quelques secondes, provoquée par l’accumulation d’hélium créé auparavant par la combustion, tranquille dans ce cas, de l’hydrogène ».
Encore une remise en question de notre compréhension
Simone Scaringi (Université de Durham, Royaume-Uni), l'astronome qui a dirigé l'étude publiée dans Nature, revient sur cette découverte et ses conséquences pour la communauté scientifique :
« Nous avons découvert et identifié pour la première fois ce que nous appelons une micronova [...] Le phénomène remet en question notre compréhension de la manière dont se produisent les explosions thermonucléaires dans les étoiles. Nous pensions le savoir, mais cette découverte propose une manière totalement nouvelle de les réaliser ».
Ces explosions stellaires pourraient être plus abondantes que ne le pensaient les scientifiques et montrent ainsi « à quel point l'Univers est dynamique. Ces événements peuvent en fait être assez courants, mais parce qu'ils sont si rapides, ils sont difficiles à saisir en action », ajoute-t-il.
De son côté, Jean-Pierre Lasota du CNRS est plus mesuré dans ses propos : « Cette découverte ne représente pas un bouleversement fondamental des modèles astrophysiques, mais elle nous éclaire sur un des processus les plus compliqués de la physique : les interactions entre les champs magnétiques et la matière ».
Une découverte presque « par hasard »
La mise en lumière des micronovae a débuté avec l'analyse de « mystérieuses micro-explosions » dans les données du satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA : « un flash lumineux de lumière optique qui a duré quelques heures. En cherchant plus loin, nous avons trouvé plusieurs signaux similaires », se souvient Nathalie Degenaar (astronome à l'Université d'Amsterdam). Les scientifiques n'aiment pas l'inconnu et cherchent toujours des événements similaires et surtout une explication (ou au moins des pistes).
Les chercheurs ont observé trois micronovae dans les données de TESS : « Deux provenaient de naines blanches connues, mais la troisième a nécessité des observations supplémentaires avec l'instrument X-shooter sur le VLT de l'ESO pour confirmer son statut de naine blanche ».
Cette découverte, un peu par hasard, montre pour Jean-Pierre Lasota toute la « beauté » de l’astronomie : « Si on s’intéresse à la physique des particules élémentaires, on doit construire une expérience précise qui ne permet que rarement de montrer autre chose que ce pourquoi elle a été conçue. Tandis que l’astrophysique est une science d’observation où l’on a toujours une chance de découvrir quelque chose d'inespéré... ».
Et voici les micronovae, « un nouveau type d’explosion stellaire »
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Allez on décline : nova, novae...
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...supernova, supernovae
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Et voici maintenant les micronovae... pas si « micro » que ça
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Des explosions localisées et plus courtes
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Encore une remise en question de notre compréhension
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Une découverte presque « par hasard »
Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 22/04/2022 à 14h39
Soit 2x10^16 kg, pour les gens plus familiers avec cette notation. À titre de comparaison, la planète naine Cérès, c’est 9x10^20 kg, et la Lune, c’est 7x10^22 kg.
À part ça, c’est toujours agréable ces news scientifiques, surtout en fin de semaine !
Le 23/04/2022 à 04h31
Il est trop tôt pour tout assimiler mais super article. Merci
Le 23/04/2022 à 05h44
Merci pour cet article
Le 25/04/2022 à 21h31
J’ai peu de mal avec l’utilisation des termes “bruler” et “combustion” quand il s’agit de fusion nucléaire.
Sinon, l’article est très intéressant.