Quand des étiquettes RFID (passives) perturbent des antennes 3G et 4G
Le brouillage peut prendre tellement de formes
L’histoire est pour le moins surprenante : des étiquettes RFID (passives) arrivaient à perturber des antennes relais 3G et 4G. Elles recevaient en fait suffisamment de champ électromagnétique pour être activées en permanence et émettre de manière anarchique.
Le 14 novembre à 11h40
7 min
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Régulièrement, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) publie des comptes rendus (non sans une pointe d’humour) de ses enquêtes sur le terrain suite à des brouillages sur les ondes. Comme gardienne du spectre, la résolution des brouillages est une de ses prérogatives, en plus de ses campagnes de contrôle et de sensibilisation.
Perturbations dans la bande des 900 MHz
Les enquêtes commencent généralement de la même manière : l’ANFR « reçoit une demande d'instruction de brouillage ». Dans le cas présent (et comme souvent), elle est transmise par un opérateur de téléphonie mobile. En cause, une perturbation sur des « services de téléphonie et d’internet mobile 3G en bande 900 MHz, et plus précisément entre 899,9 et 904,9 MHz », dans la commune de Vendargues, près de Montpellier.
Sur les bandes dédiées à la téléphonie mobile, les opérateurs (qui ont déboursé des milliards d’euros pour les obtenir) ont un droit d’usage exclusif. Des émissions provenant d’autres sources sont ainsi « à coup sûr illégales ». Entre 899,9 et 904,9 MHz c’est la bande dite des 900 MHz attribuée à Free Mobile, selon ce tableau de l’Arcep (.pdf), avec Bouygues en bleu, Orange en orange, Free en gris et SFR en rouge (FDD pour Frequency-division duplexing, une méthode de duplexage dans le domaine des télécommunications sans fil et sur certains réseaux câblés).
Avant de se lancer à la poursuite des ondes perdues, les agents de l’ANFR vérifient s’il n’y a pas d’autres plaintes. Bingo. Un autre opérateur s’est plaint d’un brouillage sur deux bandes mobiles cette fois-ci : 800 MHz et 900 MHz, donc pour la 3G et la 4G.
Trois brouillages, une seule source
Premiers résultats de l’enquête sur le terrain : « les antennes relais perturbées sont assez proches l’une de l’autre […] Les caractéristiques du brouillage confirment ce qu’ils anticipaient : effectivement, une seule source perturbe les deux opérateurs ! ».
Leur enquête à bord d’un camion spécialement équipé pointe très vite l’origine des émissions illégales : une « société de vente en ligne d’équipements sportifs presque équidistante des deux antennes relais ». Les coupables sont tranquillement posés à l’extérieur sur un parking : une centaine de palettes plastiques. « En examinant l’un des conteneurs sous toutes les coutures, ils finissent par discerner ce qui pourrait être une étiquette RFID collée sous une plaque de plastique ».
Des étiquettes RFID… Mais comment ?
Des mesures sont réalisées en isolant l’objet et confirment les suppositions : la source des perturbations est bien identifiée. Un des responsables de l’entreprise d’e-commerce vient donner le coup de grâce : « la date de mise en service de ces palettes high-tech […] correspond effectivement avec le début de la dégradation des réseaux des opérateurs de téléphonie mobile ».
Fin de l’histoire ? Non, normalement, un détail devrait vous chagriner : les étiquettes RFID sont passives et fonctionnent sans batterie. Comment peuvent-elles alors perturber des signaux en 3G et 4G ?
L’ANFR rappelle leur principe de fonctionnement : « Pour les utiliser, un appareil spécial (souvent un portique à la sortie des commerces) émet localement une fréquence permanente, qui transmet suffisamment d’énergie à l’étiquette pour activer son électronique. Sur une autre fréquence, le portique envoie une question, à laquelle l’étiquette peut alors répondre en envoyant son identifiant numérique ».
Bandes de fréquences pour la RFID, vous avez les bases ?
Plusieurs bandes de fréquences sont disponibles pour les applications de radio-identification (RFID) :
- 119 à 148.5 kHz : couplage inductif, courte portée et débit faible ;
- 400 à 600 kHz : couplage inductif, courte portée et débit faible/moyen ;
- 13,553 à 13,567 MHz : couplage inductif, courte portée et débit faible/moyen ;
- 433,05 à 434,79 MHz : couplage électrique, longue portée et débit moyen/rapide ;
- 865 à 868 MHz : couplage électrique, moyenne portée, débit rapide, 2 W p.a.r. de puissance max ;
- 916,1 à 918,9 MHz : couplage électrique, moyenne portée, débit rapide, 4 W p.a.r. de puissance max ;
- 2 446 à 2 454 MHz : couplage électrique, courte/moyenne portée, débit très rapide et 500 mW p.i.r.e. de puissance max.
Dans le cas de la bande 800 et 900 MHz, « l’utilisation pour les interrogateurs RFID » est limitée à des canaux bien précis, indique l’ANFR : 865,6 - 865,8 MHz, 866,2 - 866,4 MHz, 866,8 - 867,0 MHz, 867,4 - 867,6 MHz, 916,1 - 916,5 MHz, 917,3 - 917,7 MHz et 918,5 - 918,9 MHz.
Précisions que la bande des 915 à 920 MHz est disponible depuis longtemps aux États-Unis, mais ouverte seulement depuis 2021 en France, « avec des contraintes complémentaires, plus strictes, afin d'éviter de perturber les autres usagers de la bande de fréquences ».
Des « étiquettes globales » pour toutes les régions du monde
Afin de réduire les coûts des étiquettes RFID, elles « sont depuis peu construites avec une large bande passante entre 860 et 960 MHz, qui permet une utilisation dans toutes les régions. C’est ce qu’on appelle des "étiquettes globales" ».
Revenons à nos étiquettes perturbatrices du jour. Elles étaient « situées à quelques dizaines de mètres de deux antennes relais [et] recevaient assez de champ électromagnétique pour que leur électronique soit activée en permanence ».
Activées, elles étaient dans l’attente de recevoir des instructions pour retourner leur identifiant numérique, mais, faute d’un paramétrage adapté et surtout limité aux bandes autorisées en France, les étiquettes écoutaient des fréquences attribuées aux opérateurs mobiles.
Un précédent avec un lecteur de forfaits de ski
Ce n’est pas la première fois que les différentes bandes RFID autorisées dans le monde causent des perturbations. En février, un lecteur de forfait de ski émettait entre 902 et 928 MHz et empiétait donc allègrement sur les fréquences des opérateurs mobiles. Le coupable avait été identifié : « le module radio installé dans le lecteur RFID n’était pas le bon ! En effet, c’était un module radio destiné au territoire américain ».
Des « stimuli répétés » et les étiquettes RFID se mettent à « chanter »
Écouter est une chose, mais pour perturber il faut émettre des ondes. On y vient : « le fonctionnement des antennes relais créait un trafic soutenu sur cette fréquence. Bien sûr, il est probable qu’aucune des deux antennes relais n’ait envoyé des séquences de chiffres qui aient correspondu à une interrogation valide par le portique. Mais, probablement déformés par un produit d’intermodulation passive (PIM) interne aux étiquettes, ces stimuli répétés ont sans doute suffi à déclencher au fil des heures de nombreuses réponses de ces petits dispositifs ».
Résultat des courses, « ce babillage continu des étiquettes RFID était suffisant pour être capté par les antennes relais : ces signaux inattendus et répétés, qui n’avaient rien de commun avec ceux d’un téléphone portable, ont fortement perturbé les services des opérateurs de téléphonie mobile ».
Une bonne cage de Faraday et le tour est joué
La résolution du problème a été simple : déplacer les palettes dans un bâtiment métallique, créant ainsi un phénomène de cage de Faraday. Ainsi, « les étiquettes RFID ne reçoivent plus assez d’énergie pour émettre de manière anarchique ».
L’ANFR rappelle enfin les responsabilités : « Dans tous les cas, le détenteur d’un équipement RFID, interrogateur ou étiquette, même une étiquette passive, est garant de l’utilisation conforme des fréquences et est responsable si son équipement est à l’origine d’un brouillage ».
Les conséquences peuvent être lourdes. L’utilisation illicite de fréquences et le brouillage d’ondes réservées sont deux délits passibles d’une « sanction pénale qui peut aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ».
Quand des étiquettes RFID (passives) perturbent des antennes 3G et 4G
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Commentaires (6)
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Abonnez-vousHier à 12h59
Hier à 13h13
cependant remonter la source de la responsabilité peut être compliqué et long j'imagine
sauf si le prestataire a été choisi sciemment en ignorant les risques de brouillages
je doute qu'il puisse y avoir une réponse simple, c'est forcément au cas par cas pour le jugement à mon avis
Modifié le 14/11/2024 à 15h41
- Y'a pas mort d'homme.
Ensuite:
- Toutes les boites de logistique ne sont équipées avec des goniomètres (aucune en fait).
Enfin:
- clairement ici, la société n'avait aucune intention de nuire ou de perturber quoi que ce soit.
Donc:
- Tu penses vraiment que la justice en France va considérer ce type de dossier ?
Evidemment que non, affaire classée immédiatement sans suite (mais qu'ils appliquent les mesures correctives mentionnées ici sinon si ANFR devait passer encore une 2nde fois... là peut-être mais juste un p'tit coup de gueule... ça évite beaucoup de paperasserie inutile... pour un dépôt de plainte qui serait de toute façon bien inutile...)
car déjà pour des VRAIES plaintes, beaucoup finissent au placard...
Modifié le 14/11/2024 à 13h12
Hier à 14h05
Hier à 14h18
Quand à l'entreprise, j'espère qu'ils n'ont rien eu, il ont respecté la loi pour avoir laissé l'ANFR faire leur tests et ont ensuite pris les mesures qui s'imposaient quand ils ont eu les résultats.
Les amendes doivent être réservées à ceux sont conscient du problème qu'ils causent et ne font rien pour le corriger.