La Cour pénale internationale de La Haye enquêtera aussi sur les cyberattaques
Des crimes de cyberguerre
Le 11 septembre 2023 à 15h38
6 min
Droit
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Le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI) vient d'indiquer que son bureau enquêterait et poursuivrait désormais tout crime de piratage informatique qui violerait le droit international, tout comme elle le fait pour les crimes de guerre commis dans le monde physique.
Le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, indique que le tribunal de La Haye poursuivra désormais tout crime de piratage informatique qui violerait le droit international, tout comme elle le fait pour les crimes de guerre commis dans le monde physique.
Cette déclaration, repérée par Wired, a fait l'objet d'un article passé inaperçu, publié le mois dernier dans la publication trimestrielle Foreign Policy Analytics :
« La cyberguerre ne se déroule pas dans l'abstrait. Au contraire, elle peut avoir un impact profond sur la vie des gens. Les tentatives d'impact sur les infrastructures critiques, telles que les installations médicales ou les systèmes de contrôle de la production d'électricité, peuvent avoir des conséquences immédiates pour de nombreuses personnes, en particulier les plus vulnérables. Par conséquent, dans le cadre de ses enquêtes, mon bureau recueillera et examinera les preuves de tels agissements. »
Interrogé par Wired, un porte-parole du bureau du procureur confirme qu'il s'agit bien de la position officielle du bureau, qui « considère que, dans des circonstances appropriées, un comportement dans le cyberespace peut potentiellement constituer un crime de guerre, un crime contre l'humanité, un génocide et/ou un crime d'agression, et qu'un tel comportement peut éventuellement faire l'objet de poursuites devant la Cour lorsque l'affaire est suffisamment grave. »
Le lourd passif des services de renseignement russes
Ni l'article de M. Khan ni la déclaration de son bureau à WIRED ne mentionnent la Russie ou l'Ukraine. Ces déclarations apparaissent alors qu'en mars de l'année dernière, le Centre des droits de l'homme de la faculté de droit de l'université de Berkeley avait adressé une demande officielle au bureau du procureur de la CPI, l'exhortant à envisager des poursuites pour crimes de guerre à l'encontre des pirates informatiques russes pour leurs cyberattaques en Ukraine.
Le document mentionnait explicitement un groupe russe connu sous le nom de Sandworm, une unité au sein de l'agence de renseignement militaire russe GRU. Sandworm est connu pour avoir mené une série de cyberattaques contre des infrastructures civiles essentielles en Ukraine, sans précédent dans l'histoire de l'Internet.
Il avait en effet déclenché, en 2015 et 2016, les deux seules pannes d'électricité jamais provoquées par des cyberattaques. On lui impute le logiciel malveillant destructeur de données NotPetya qui s'est propagé de l'Ukraine au reste du monde, provoquant plus de 10 milliards de dollars de dégâts, notamment aux réseaux hospitaliers ukrainien et états-unien. Il serait aussi auteur de la cyberattaque contre le réseau de modems satellites Viasat utilisé par l'armée ukrainienne. Celle-ci qui avait provoqué des pannes des modems satellites dans toute l'Europe au début de l'invasion russe en février 2022.
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Six pirates étatiques russes d'ores et déjà inculpés aux USA
« Le fait qu'il ne se contente pas de dire qu'il va faire cela en Ukraine, mais qu'il va le faire dans toutes les enquêtes est vraiment important », explique Lindsay Freeman, directrice de la technologie, du droit et de la politique au Berkeley Human Rights Center.
Le mandat de La Haye s'étend également non seulement aux pirates informatiques eux-mêmes, note en outre Lindsay Freeman, mais aussi à leur structure de commandement, ce qui ouvre la possibilité d'inculper des officiers supérieurs de l'armée russe, voire le président Vladimir Poutine lui-même.
Le gouvernement ukrainien, relève WIRED, a d'ores et déjà commencé à enquêter sur les crimes de guerre russes perpétrés par le biais de cyberattaques. Outre l'inculpation des pirates informatiques russes ou de leurs supérieurs devant son propre système judiciaire, les preuves issues de cette enquête pourraient désormais être communiquées aux procureurs de la CPI afin d'étayer toute plainte déposée par les procureurs de La Haye à l'encontre de la Russie.
Six des pirates de Sandworm sont par ailleurs déjà inculpés aux États-Unis pour des délits de piratage contre l'Ukraine et le réseau des Jeux olympiques d'hiver de 2018 à Pyeongchang, en Corée.
Joe Biden a déjà ordonné le partage des preuves à la CPI
En juillet, Joe Biden avait ordonné à son administration de commencer à partager avec la Cour pénale internationale (CPI) les preuves des crimes de guerre présumés de la Russie en Ukraine. Des parlementaires républicains et démocrates avaient en effet accusé le Pentagone de saper les poursuites engagées contre la Russie pour crimes de guerre en bloquant le partage des renseignements militaires américains avec la CPI.
Et ce, quand bien même les États-Unis ne sont pas membres de la CPI, au motif que cela risquerait d'entraver ses nombreuses opérations de « maintien de la paix et de la sécurité internationales » – domaine réservé au Conseil de sécurité –, ou encore de leur valoir d'être inculpés en raison de son camp de Guantanamo, des tortures effectuées à l'encontre de ses prisonniers, ou encore des opérations clandestines d'extraditions de ses « détenus extra-judiciaires ».
La CPI, tribunal permanent chargé de juger les crimes de guerre, avait de son côté délivré, en mars, un mandat d'arrêt à l'encontre du président russe Vladimir Poutine, soupçonné d'avoir déporté des enfants d'Ukraine.
La Russie, qui n'est pas membre de la CPI et rejette sa compétence, nie avoir commis des atrocités en Ukraine, et a elle-même émis un mandat d'arrêt à l'encontre du procureur de la CPI.
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Commentaires (2)
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Abonnez-vousLe 11/09/2023 à 17h29
Fin de la blague.
Le 11/09/2023 à 21h55
Merci pour ce passionnant article !
Je pense que rares, très rares sont les pays qui ne seraient pas condamnés / sanctionnés par ce tribunal international : …peut-être le Bouthan ? Et encore, on ne sait pas tout…