L’instauration de pétitions en ligne approuvée par l’Assemblée
Bon a-pétition !
Le 04 juin 2019 à 12h45
7 min
Droit
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Les députés viennent d'approuver le système de pétitions en ligne voulu par la majorité. Différents élus de l’opposition se sont toutefois élevés contre cette réforme, jugée trop verrouillée. Et pour cause : quel que soit le nombre de signatures recueillies, rien ne garantira qu’un débat ait lieu.
Alors que les consultations en ligne se multiplient depuis plusieurs années, les députés entendent « revivifier » le droit de pétition en vigueur depuis des décennies au Palais Bourbon. De l’aveu même de Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, la fameuse procédure est « tombée en désuétude ».
Depuis les élections de 2017, seules 36 pétitions ont ainsi été déposées à l’Assemblée. Aucune n’a été jugée suffisamment intéressante pour que les députés ouvrent des débats.
Jugeant cette situation « particulièrement préoccupant[e] à l’heure où les citoyens sont légitimement demandeurs d’une association plus étroite à la vie de nos institutions », Richard Ferrand a donc souhaité procéder à un vaste dépoussiérage. Suivant les recommandations de sa collègue Paula Forteza (LREM), l’ancien chef de file des députés de la majorité a proposé que ces pétitions soient désormais entièrement dématérialisées.
Des modalités de mise en œuvre relativement floues
À ce jour, le règlement de l’Assemblée prévoit que des pétitions peuvent être adressées au Palais Bourbon. C’est la commission des lois qui est chargée de les examiner. Avec comme possibilité :
- Soit de classer purement et simplement la pétition
- Soit de renvoyer la pétition à une autre commission permanente (culture, affaires économiques...)
- Soit de renvoyer la pétition à un ministre
- Soit de soumettre la pétition à l’Assemblée (pour un débat en hémicycle)
Le projet de réforme de règlement présenté fin avril par Richard Ferrand prévoit ainsi que les pétitions ne pourront plus être adressées à l’Assemblée que « par voie électronique ». Des termes finalement assez flous, puisqu’ils laissent entrouvertes plusieurs possibilités : envoi de pétitions scannées par mail, transmission d’une pétition hébergée sur un site tiers tel que Change.org, etc.
La députée Paula Forteza avait ainsi proposé que le Palais Bourbon ouvre une plateforme dédiée aux pétitions. « Cela permettrait de maitriser tant la protection des données personnelles des citoyens qui y participent (les données d’opinion politique étant des données extrêmement sensibles et nécessitant une sécurisation importante des systèmes d’information), comme les mécanismes d’authentification et de validation des signatures qui viendront garantir la légitimité de la démarche », expliquait-elle au travers d’un amendement.
L’élue n’a cependant pas soutenu sa proposition, qui n’a donc pas été débattue en hémicycle.
Tout reste néanmoins encore possible. Le rapporteur, Sylvain Waserman (Modem), a fait adopter un amendement confiant au Bureau de l’Assemblée nationale le soin de définir « les conditions dans lesquelles les signatures sont recueillies, authentifiées et susceptibles d’être ajoutées ou retirées après leur enregistrement ainsi que les conditions de collecte et de conservation des informations communiquées à l’Assemblée par les pétitionnaires ».
En l’état, le projet de réforme impose uniquement que les pétitions comportent « les adresses électroniques et postales » des signataires.
Certains parlementaires souhaitaient pourtant que seules les personnes inscrites sur les listes électorales puissent soutenir des pétitions (à l’instar de ce qui est prévu pour les référendums d’initiative partagée). Sylvain Waserman s’est toutefois opposé à ce que cette condition soit inscrite dans le règlement de l’Assemblée nationale, ce qui aurait rendu ce nouveau dispositif « trop compliqué et trop rigide », selon lui. Le rapporteur a néanmoins laissé entendre que le Bureau de l’Assemblée pourrait décider d’ériger une telle barrière.
Des suites à géométrie variable
Le texte voté par les députés (en l’absence de la plupart des partis d’opposition, qui ont volontairement boycotté les débats) précise que dorénavant, les pétitions seront « mises en ligne » dès qu’elles auront été signées par plus de 100 000 personnes. Le président de l’Assemblée nationale saisira directement la commission compétente, et non plus la commission des lois. Celle-ci pourra alors décider, sur proposition d’un rapporteur :
- Soit de classer la pétition
- Soit de l’examiner
« Dans ce dernier cas, la commission publie un rapport reproduisant le texte de la pétition ainsi que le compte rendu de ses débats », est-il prévu. Les « premiers signataires de la pétition » pourront être « associ[és] » aux discussions, de même que des ministres.
Si la pétition compte plus de 500 000 signataires domiciliés dans au moins 30 départements, l’objectif est qu’un débat ait lieu en hémicycle. L’organisation de ces discussions n’aura toutefois rien de systématique : l’inscription à l’ordre du jour dépendra en effet d’une décision de la conférence des présidents, tout en étant soumise à la demande préalable d’un président de groupe (LREM, PS, LR...) ou du président de la commission compétente.
« Il ne peut s’agir d’une simple option », a tenté de protester le député Stéphane Peu. Suivi par le groupe communiste, l’élu avait déposé un amendement pour que l’organisation d’un débat soit accordée de plein droit aux présidents de groupes et de commissions.
Les socialistes portaient la même revendication, accusant la majorité de poser « tous les verrous possibles et imaginables ». En raison du boycott des débats, leurs amendements n’ont pas été soutenus.
Le groupe Libertés et territoires plaidait de son côté pour que les seuils relatifs aux pétitions soient relevés : 500 000 signatures pour l’examen en commission, et 1,5 million pour celui en séance publique. Et pour cause. Sylvia Pinel, l’ancienne ministre de François Hollande, craint « un encombrement du travail parlementaire avec des pétitions qui ne seront pas forcément à la hauteur de l’intérêt général ».
« Personne ne peut être sûr de la façon dont vont se comporter nos concitoyens. Se saisiront-ils de cette possibilité ? Les seuils seront-ils trop hauts ou trop bas ? (...) Personne ne sait quel en sera l’impact réel » a rétorqué le rapporteur. Sylvain Waserman a ainsi insisté sur le fait que cette réforme visait à « faire revivre » le droit de pétition :
« Le jour où une pétition de plus de 500 000 signataires aura donné lieu à un échange en Conférence des présidents, que cet échange aura conduit à organiser un débat dans cet hémicycle, en donnant peut-être l’idée d’une niche parlementaire qui débouchera peut-être sur l’adoption d’une loi, les citoyens verront que leur voix est pleinement prise en compte à l’Assemblée, et ce sera là un grand succès ! Conserver ces seuils augmente nos chances qu’un tel scénario prenne corps. »
Le vote solennel sur l’ensemble du projet de règlement est prévu pour cet après-midi. Une fois le texte adopté, le Conseil constitutionnel sera saisi. La réforme est censée entrer en vigueur le 1er septembre.
Les députés n’ont par contre pas examiné les différents amendements visant à institutionnaliser (voire à généraliser) les consultations en ligne de citoyens. Il y a néanmoins de fortes chances pour que ces discussions reprennent dans le cadre de la réforme constitutionnelle.
L’instauration de pétitions en ligne approuvée par l’Assemblée
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Des modalités de mise en œuvre relativement floues
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Des suites à géométrie variable
Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 04/06/2019 à 13h18
Corrigez moi si je me trompe, mais j’aurais tendance à penser qu’une pétition qui va récolter assez de signature pour être débattu dans hémicycle à surement déjà été débattu dans ce même hémicycle, ou logiquement les types connaissent plus ou moins la position du peuple sur ce sujet et par conséquent, le résultat sera le même.
J’aurais aussi tendance à penser que si une pétition est signée c’est souvent uniquement suivis par les “hardcore” car eux seuls sont véritablement correctement informés et qui bien souvent feront peur à la population basique sur ce choix car totalement désinformés.
Le 05/06/2019 à 10h40
Cela permet de faire pression sur le gouvernement sur certaines thématiques/sujets (à tout hasard, le don la privatisation de l’aéroport de paris au profit de à Vinci).
Il ne peut ainsi plus argumenter que seul une poignée de “insérer un adjectif péjoratif ici” n’est pas d’accord et que donc tout va pour le mieux.
(même si ça ne les obliges pas à examiner ladite pétition…).
Pour le reste la population “basique” peut se montrer surprenante, surtout pour ceux dont la vision des autres est embourgeoisée " />
Le 05/06/2019 à 12h40
Mais pourquoi on n’a que 100 pétitions maintenant contre 200 ou 300 en 1970?
Le 05/06/2019 à 12h42
tient, je vois peut être le mal partout, mais ne pas imposer l’identification des participants (seulement, email et code postal) notre gouvernement ne s’offre t’il pas de futurs faux débats, issus de fausses pétitions, proposées par de faux participants ?
gérés par des services extérieurs, dont les données utilisateurs n’auront finalement ni d’origine fiable, ni de destination fiable.
Et à l’heure d’un gouvernement qui nous rabâche les incursions des méchants russes dans la vie politique européenne et française, n’est pas là un pont d’or pour de la manipulation de masse ?
ce qui, en plus, si ça marche ‘trop bien’, par surcharge du ‘système’, ce même système sera inutilisable, permettra d’en sortir n’importe quoi et apportera du grain au gouvernement, fiers d ‘annoncer que ‘ça marche’.
maaiiiis, je vois juste le mal partout hein !