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Quand deux trous noirs « interdits » fusionnent pour donner naissance à un trou noir « inédit »

Ou alors c’est autre chose…

Quand deux trous noirs « interdits » fusionnent pour donner naissance à un trou noir « inédit »

Le 08 septembre 2020 à 06h30

Une nouvelle détection de fusion de deux trous noirs par LIGO et Virgo permet d’observer pour la première fois un intermédiaire de 142 masses solaires. Il s’agit du premier représentant de son espèce, apportant ainsi quelques réponses, mais aussi un nouveau lot de questions…

Les trous noirs ont été au centre de plusieurs publications scientifiques marquantes ces dernières années. On pense évidemment à la fusion de deux d’entre eux ayant produit des ondes gravitationnelles qui ont directement été observées sur Terre. 

Un événement marquant, suivi par d‘autres détections depuis. L’année dernière, la toute première photo d’un trou noir était dévoilée : M87*. Il est situé à plus de 50 millions d’années-lumière de nous et sa masse représente la bagatelle de 6,5 milliards de fois celle du Soleil.

Jusqu’à présent, les trous noirs observés se classent dans deux catégories : les stellaires de première ou deuxième génération, ainsi que les supermassifs. Les premiers ont une masse de quelques dizaines de masses solaires, tandis que les seconds passent à une tout autre échelle : des millions ou des milliards de fois celle du Soleil.

Et entre les deux ? On parle de trous noirs « intermédiaires », qui n’avaient jamais été observés jusqu’à présent. Ce serait désormais le cas, selon les relevés de deux laboratoires, qui apporteraient « la première preuve directe de l’existence de trous noirs dits "de masse intermédiaire" ». L’emploi du conditionnel est important, car, comme le rappellent les chercheurs eux-mêmes dans leur article, d’autres phénomènes peuvent expliquer leurs mesures.

À la recherche du chainon manquant

Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques rappels importants sur les trous noirs. Un tel objet céleste n’est pas une zone « vide » de l’univers, bien au contraire. Il est si massif et si dense que même la lumière ne peut s’en échapper, à cause des forces gravitationnelles trop importantes, expliquant son nom.

Sur Terre, c’est loin d’être le cas. La vitesse de libération d’un objet – une fusée par exemple – pour s’arracher à l’attraction est de 11 200 m/s (environ 40 000 km/h), tandis qu’elle est de 617 500 m/s sur le Soleil. On est dans les deux cas bien loin d’un trou noir puisque la vitesse de la lumière est de 300 000 000 m/s. On estime actuellement que pour exister, un trou noir stellaire doit avoir une masse d’au moins trois à cinq fois celle du Soleil.

Les générations des trous noirs stellaires sont simples à comprendre : la première correspond à ceux issus de l’effondrement d’étoiles massives, la seconde à la fusion avec des trous noirs stellaires ; toujours dans la limite de quelques dizaines de masses solaires.

GW190521 Virgo

Reste une inconnue : l’existence des trous noirs supermassifs. « Pour expliquer la formation de ces derniers par coalescence, un chaînon manquait et on devait postuler l’existence d’une troisième population de trous noirs de masse intermédiaire, entre 100 et 100 000 masses solaires », explique le CNRS

Jusqu’à présent, aucun n’avait été observé. Les scientifiques parlaient d’ailleurs d’un « désert des trous noirs ». C’est là que le signal GW190521 enregistré le 21 mai 2019 par les instruments LIGO et Virgo prend toute son importance : il correspondrait à « deux trous noirs pesant respectivement 85 et 66 masses solaires et dont la fusion a formé un trou noir de 142 masses solaires », explique l’équipe en charge de Virgo.

Si vous faites le compte, il manque la bagatelle de neuf masses solaires (excusez du peu). Elle ne s’est pas perdue en route : elle a été convertie en énergie et ondes gravitationnelles, via la fameuse formule E = mc² (l’énergie est égale à la masse multipliée par la vitesse de la lumière dans le vide au carré).

Le signal GW190521 est à ce jour « le plus distant et donc le plus ancien » enregistré par les deux instruments : les ondes gravitationnelles ont mis 7 milliards d’années pour nous parvenir, la fusion des deux trous noirs a donc le même âge.

GW190521 Virgo

Les deux trous noirs initiaux sont dans une bande « interdite »

Cette découverte est importante à plus d’un titre : « Tant les deux trous noirs initiaux que celui issu de leur collision se trouvent dans une gamme de masses qui n'avait encore jamais été rencontrée, que ce soit en ondes gravitationnelles ou via des observations électromagnétiques [sauf via des détections indirectes, ndlr]. Le trou noir final est le plus massif jamais détecté en ondes gravitationnelles », et il se situe donc dans la classe des intermédiaires. 

En plus du trou noir de 142 masses solaires résultant de la fusion, ceux de 66 et 85 intriguent aussi les scientifiques, car leurs masses « semblent exclure qu’ils soient de première génération. En effet, le modèle d’évolution stellaire communément admis prédit qu’en raison du phénomène quantique appelé « instabilité de paires », les étoiles dont la masse du noyau d’hélium se situe entre 65 et 130 masses solaires ne peuvent pas s’effondrer en trou noir mais finissent en une gigantesque supernova dispersant tout leur contenu dans l’espace ».

Si celui de 65 masses solaires est à la limite théorique, celui de 85 met les deux pieds dans le plat. La présence de ce trou noir quasiment au milieu de la bande « interdite », intrigue donc autant qu’il enthousiasme les astrophysiciens. 

Virgo GW190521

Des réponses... et toujours plus de questions

Plusieurs interrogations restent en suspens : « sont-ils issus de la fusion d’autres trous noirs ? S’agit-il de trous noirs primordiaux formés peu après le big bang ? Ou doit-on tout simplement revoir nos modèles d’évolution stellaire ? ». La réponse n’est pas encore connue. Dans tous les cas, « l’observation de GW190521 pose de nouvelles questions sur la formation des astres énigmatiques que sont les trous noirs ».

Les chercheurs affirment que « l'intérêt pour cette population de trous noirs est relié à l'une des questions ouvertes les plus fascinantes et les plus difficiles pour qui étudie le cosmos : l'origine des trous noirs supermassifs. Ces monstres gigantesques, des millions à des milliards de fois plus lourds que le Soleil et souvent situés au centre de galaxies, pourraient être issus de fusions successives de trous noirs de masse intermédiaire, plus "petits" ». 

« Comme toute grande découverte scientifique, GW190521 ouvre plus de nouvelles questions qu’il n’apporte de réponses fermes et définitives », lâche le CNRS en guise de conclusion. Ce dernier rappelle tout de même un point important qui pourrait faire s’effondrer toutes ces théories comme un château de cartes.

Le signal GW190521 est très court et difficile à analyser : « À cause de sa nature plus complexe, d'autres sources plus exotiques ont été envisagées pour l’expliquer, et ces possibilités sont décrites dans l’article publié par Astrophysical Journal Letters. Toutefois, la source la plus plausible de cette onde gravitationnelle reste la fusion de deux trous noirs ».

La relève est déjà en route avec LISA Pathfinder du CNES, mais il faudra attendre encore plusieurs années puisque son lancement est prévu pour 2034.

Commentaires (11)

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Cool :yes: je l’attendais avec impatience celui là :chinois:

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Super intéressant ! merci pour ces infos :chinois:

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Comme quoi l’astrophysique a encore de beau jour devant-elle.

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Un très bon article en anglais sur le sujet : https://cplberry.com/2020/09/02/gw190521-the-big-one/

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J’ai éclaté de rire au sous-titre.
Merci pour ces articles sur l’astro, ce sont ceux que je préfère :love:

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Merci pour l’article.

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Les sous-titres de NI… un délice

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Tout cela est très conditionnel, d’où le sous- titre :)



Deux petites remarques, histoire de passer pour un chieur:
-Il n’y a jamais eu d’observation directe d’onde gravitationnelle sur terre. On a mesuré une variation de distance entre 2 points, c’est tout.
-Il n’y a jamais eu de photo d’un trou noir, et il n’y en aura jamais. On ne peut imager ou voir ce qui n’émet pas de lumière. On a “photographié” la banlieue proche d’un trou noir.

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Avalin a dit:


Tout cela est très conditionnel, d’où le sous- titre :)



Deux petites remarques, histoire de passer pour un chieur: -Il n’y a jamais eu d’observation directe d’onde gravitationnelle sur terre. On a mesuré une variation de distance entre 2 points, c’est tout.


Dans ce cas là on a jamais rien mesuré du tout en physique…
Ce que l’on mesure c’est toujours les effets d’un phénomène jamais le phénomène en lui même.




-Il n’y a jamais eu de photo d’un trou noir, et il n’y en aura jamais. On ne peut imager ou voir ce qui n’émet pas de lumière. On a “photographié” la banlieue proche d’un trou noir.


Pareil, on a jamais pris en photo un objet noir alors…

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Il faudrait un sacré paquet de fusions de trous noirs pour passer de 145 masses solaires à plusieurs millions ou milliards quand même.



Une autre hypothèse est qu’un nuage de gaz très dense se serait effondré sur lui-même directement en trou noir. Un peu comme ce qui peut se passer avec une supernova.

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revker a dit:


Il faudrait un sacré paquet de fusions de trous noirs pour passer de 145 masses solaires à plusieurs millions ou milliards quand même.



Une autre hypothèse est qu’un nuage de gaz très dense se serait effondré sur lui-même directement en trou noir. Un peu comme ce qui peut se passer avec une supernova.


En plusieurs milliard d’années dans une zone très concentrée en matière.

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