Surdité, aphasie : un état des lieux contrasté pour les opérateurs de téléphonie mobile
Le téléphone pleure
Le 09 mars 2021 à 15h44
6 min
Société numérique
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Le bilan des services proposés aux personnes malentendantes et aphasiques par les opérateurs est mitigé. L’utilisation est en hausse, mais des indicateurs de qualité sont en dessous des minimums requis. La transcription textuelle automatique, mise en place en 2020, prend de l’importance.
Depuis le 8 octobre 2018 (article 105 de la loi 2016 - 1321 pour une République numérique), les opérateurs de
communication électronique ont l’obligation « de fournir une offre de services de communications électroniques accessible aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques permettant d’émettre et de recevoir des appels téléphoniques ». Afin de vérifier le bon fonctionnement de ce service, ils sont également tenus « de mesurer et de transmettre à l’Arcep les indicateurs d’utilisation et de qualité ».
Comme pour les autres observatoires, le régulateur des télécoms publie un bilan régulier. Le dernier a récemment été mis en ligne, avec des données de fin 2020. Il concerne les clients Bouygues Telecom, Euro-Information Telecom, Free, Free mobile, La Poste Mobile, Outremer Telecom, Orange, Orange Caraïbes, SFR et SRR.
Selon les chiffres, le quatrième trimestre 2020 signe un « record d’utilisation », notamment sous l’impulsion de la transcription textuelle automatique (TTA), disponible depuis le 1er juillet : « Le recours important à cette modalité, qui ne requiert pas la participation d’un interprète à la conversation des utilisateurs sourds et malentendants, semble avoir contribué à ce que l’ensemble des solutions mise à la disposition de ces utilisateurs » soit en hausse.
« Cette modalité a partiellement pris le relais de transcription textuelle humaine (TTH) que certains opérateurs avaient mis en place et est désormais privilégiée pour la prise en charge des appels entrants, qui, cependant, demeurent minoritaires », ajoute le régulateur.
Plus de 3 000 utilisateurs et 1 000 heures par mois
En l’espace de trois mois, le nombre moyen de souscripteurs qui ont utilisé ce service (appels émis ou reçus) est en hausse, quelle que soit la technologie utilisée :+ 9,5 % en LSF (langue des signes française),+ 6,3 % en LPC (langage parlé complété),+ 91 % en TTH et + 10 % en TTA. Le nombre moyen d’appels émis et reçus ainsi que la durée totale des appels suivent les mêmes tendances à la hausse, avec une forte augmentation dans le cas du TTH.
La LSF reste le principal vecteur d’utilisation avec plus de 960 heures d’utilisation par mois tous appels confondus, en hausse de 8,5 % sur trois mois et de 40 % en un an. Pour rappel, lors de la publication du premier observatoire en 2019, le total était de plus de 520 heures.
De son côté, le langage parlé complété est à 3h40 de moyenne par mois seulement, contre 20h26 pour la transcription textuelle humaine et 77h28 pour la version automatisée, qui augmente de 25,9 % sur trois mois.
Le gendarme des télécoms en profite pour établir un planning de la charge des services (voir ci-dessous) : vert pour le premier tiers peu chargé, jaune pour le second tiers avec une charge moyenne et rouge pour le dernier tiers le plus chargé. Pour résumer, le service est le moins chargé entre 8h30 et 9h00, 12 h et 13 h puis à partir de 17h30.
Pour rappel, et jusqu’au 30 septembre 2021, les services doivent être accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques au minimum du lundi au vendredi de 8 h 30 à 19 h, hors jours fériés. Deux renforcements sont déjà programmés : le 1er octobre 2021 avec une ouverture jusqu’à 21 h en semaine et de 8h30 à 13 h le samedi, puis le 12 octobre 2026 avec une disponibilité 24 h/24 et 7j/7.
Les clients peuvent bénéficier gratuitement d'un « usage raisonnable » d’au moins une heure maximum par mois depuis octobre 2018, puis cette limite passera à 3 heures à partir d’octobre 2021 et enfin de 5 heures dès octobre 2026.
La LSF à la ramasse sur les délais de réponse
Passons aux indicateurs de performances, avec le taux de prise en charge. Comme indiqué au Journal officiel, et « compte tenu des incertitudes concernant la demande des utilisateurs et la disponibilité des opérateurs relais, l'Autorité a choisi de fixer ce seuil à 70 %, pour toutes les modalités de traitement ».
Dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. En moins de trois minutes, au moins 80 % des appels en LPC et TTH sont pris en charge, et le score monte même à 100 % dans le cas de la transcription textuelle automatique (TTA). La LSF est par contre bien en dessous de la limite de 70 % avec seulement… 36 %.
Ce taux a drastiquement chuté l’année dernière, passant de 64 % (fin 2019) à 54 % au premier trimestre, 22 % au second, 34 % au troisième et désormais 36 %. On retrouve la même situation sur les taux de prise en charge en moins de 30 secondes. TTA est toujours à 100 %, suivi par LPC à 84 %. Par contre TTH est LSF sont en dessous du seuil de 70 % avec respectivement 68 et 21 %. Enfin, les derniers indicateurs correspondent au taux d’abandon des appels avant prise en charge par le service dédié : 21 % pour LSF, 18 % pour TTH, 9 % pour LPC et 0 % pour TTA.
L’Arcep revient ensuite sur la satisfaction des clients, avec une note globale allant de 1 à 5. La langue des signes française et le langage parlé complété caracolent en tête avec respectivement une moyenne de 4,5 et 4,7 sur 5, quasiment stable depuis plusieurs mois. La TTH est en hausse de 0,3 point pour arriver à 4 sur 5 (contre 3,4 il y a un an). La transcription textuelle automatique ferme la marche avec 3,7 points seulement (- 0,1 sur trois mois).
Mise en garde et demande de l’Arcep pour la suite
L’Arcep tient par contre à apporter plusieurs précisions. Tout d’abord, « une fraction très importante de la population sourde et malentendante française n’utilise pas du tout les services mis en place par les opérateurs ».
De plus, « la modalité la plus utilisée par les utilisateurs sourds et malentendants reste de loin la langue des signes française (LSF), pour laquelle les indicateurs de qualité traduisent l’impossibilité pour de nombreux abonnés à avoir accès au service dans des délais raisonnables ». En effet, 36 % seulement des demandes sont prise en charge en moins de trois minutes, loin derrière les autres modalités.
Enfin, le gendarme des télécoms regrette que « la mise en place d’une offre de services spécifiquement consacrés aux utilisateurs sourdaveugles et aphasiques ne soit toujours pas effective » et demande aux opérateurs que cela devienne « une priorité ».
Comment en profiter ? Via RogerVoice ou Relais téléphonique
Si vous ne savez pas comment profiter de tels services, un rappel : les membres de la Fédération Française des Télécoms (Bouygues Telecom, Orange et SFR) ainsi qu’Euro-Information Telecom ont choisi RogerVoice pour leur service de traduction. Free Mobile a décidé de faire bande à part avec son application Relais téléphonique.
- Télécharger RogerVoice sur Android
- Télécharger RogerVoice sur iOS
- Télécharger Relais téléphonique pour Android
- Télécharger Relais téléphonique pour iOS
Surdité, aphasie : un état des lieux contrasté pour les opérateurs de téléphonie mobile
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Plus de 3 000 utilisateurs et 1 000 heures par mois
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La LSF à la ramasse sur les délais de réponse
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Mise en garde et demande de l’Arcep pour la suite
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Comment en profiter ? Via RogerVoice ou Relais téléphonique
Commentaires (5)
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Abonnez-vousLe 09/03/2021 à 20h45
Merci pour ces précisions. Le rappel final est important car j’ai l’impression que beaucoup ignorent l’existence de ce service si j’en crois les constatations de l’ARCEP..
Sur les commentaires des utilisateurs de Rogervoice on peut aussi lire qu’il serait compliqué d’obtenir la prise en charge par l’Etat de l’abonnement nécessaire, autre piste de la faible adoption…
Le 09/03/2021 à 21h09
Super de faire un point sur ces sujets.
Dur de communiquer avec les amis sourds avec la fermeture des lieux où on se croise et se retrouve naturellement d’habitude.
Passer en coup de fil avec l’aide d’un interprète LSF, je n’ai même pas encore tenté :/
Le 10/03/2021 à 08h39
J’avais une amie sourde et je pouvais communiquer “normalement” avec elle avec un simple téléphone de mon coté et un transcripteur chez elle. Ca necessite de bien articuler et un petit equipement chez elle mais elle etait indépendente…et c’était il y a plus de 10 ans…
Le 13/03/2021 à 01h00
Je connais personnellement une jeune femme, sourde, appareillée d’un implant cochléaire, qui a ouvert une page FB et qui donne des conférences dans les entreprises pour sensibiliser ces dernières sur le handicap en général et la surdité en particulier.
Elle se prénomme Clara et sa page est ici:
Facebook
Si vous êtes intéressés par le développement de ce genre de conférence pour le handicap, quel qu’il soit, n’hésitez pas à la contacter pour voir (et entendre ) de quoi il s’agit …
Vin
Le 14/03/2021 à 23h15
Pourquoi “la prise en charge de l’État” ?
Le service doit être proposé par les opérateurs téléphoniques (voir les conditions exactes dans la loi), je ne comprends pas trop le lien avec avec une prise en charge par l’État. Il faut se rapprocher de son opérateur téléphonique pour connaitre les conditions pour obtenir le service si elles ne sont pas clairement disponibles.