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Cartes de couverture et logo 5G : l’Arcep nous parle de ses recommandations aux opérateurs

Gare au name & shame

Cartes de couverture et logo 5G : l’Arcep nous parle de ses recommandations aux opérateurs

Le 13 octobre 2020 à 14h04

Si le lancement de la 5G n’est plus qu’une question de semaines, l’Arcep prévient les opérateurs : elle veut « une information loyale et claire », mais aussi « éviter des horreurs qui induisent le consommateur en erreur ». Principal sujet d’inquiétude : les cartes de couverture et le logo 5G sur les smartphones.

Vendredi, l’Arcep organisera une réunion avec les associations de consommateurs durant laquelle elle leur présentera ses recommandations en matière de cartes de couverture 5G publiées par les opérateurs. Ce groupe de travail n’est pas ouvert au public, mais un communiqué officiel suivra.

Logo 5G et couverture réelle : ce n'est pas la même chose

À cette occasion, nous avons pu échanger sur ce sujet délicat avec Sébastien Soriano (président de l’Arcep) et Guillaume Decorzent, chef de l’unité « Couverture et investissements mobiles ». L’Autorité nous explique s’être « tournée vers les associations pour voir quelles étaient leurs priorités ». Celle « qui s’est dégagée de ces échanges, c’est plutôt la question des cartes de couverture que celle des logos, qui sont deux réalités différentes ».

« Ça ne veut pas dire que la question du logo est sans intérêt », prévient le président de l’Autorité, simplement ce n’était pas le sujet principal jusqu’à présent. Elle a néanmoins déjà une position sur le sujet, nous y reviendrons.

Pour faire le point de la situation et des attentes, l’Arcep a réuni un groupe de travail comprenant opérateurs, associations de consommateurs et concepteurs d'outils de mesure comme nPerf, 5G Mark et OpenSignal : « un écosystème avec lequel on travaille régulièrement dans le cadre de notre politique de régulation par la data ».

Le message est clair : « on veut éviter des horreurs qui induisent le consommateur en erreur », prévient Sébastien Soriano. Plusieurs pistes sont sur le tapis ; les opérateurs pourront les suivre ou non, puisqu'il ne s'agit que de recommandations. Mais en cas de sortie de route, ils s’exposeront à la « colère » du régulateur.

Pas de cartes « exagérément généreuses sur le niveau de service » 

Selon Sébastien Soriano, la « principale crainte » remontée à ses services « serait que les opérateurs fournissent des cartes qui seraient exagérément généreuses sur le niveau de service. Poussant les consommateurs à non seulement prendre des abonnements 5G, mais aussi acheter des téléphones 5G et qui seraient ensuite déçus quand ils l’allument car ils n’auraient pas une réelle expérience 5G. C’est vraiment sur ça que nous avons travaillé ».

Ceux qui suivent l’histoire des télécoms le savent bien : cette crainte n’est pas sans fondement, elle est liée à « de mauvais souvenirs des lancements des technologies passées », comme nous le confirme l’Arcep. Nous l'avons vu par exemple au lancement de la 4G, avec des opérateurs qui dénigraient le réseau existant.

Le régulateur le reconnait : à l’époque du lancement de la 4G, il n’avait « pas beaucoup travaillé » sur la question des cartes. « C’est venu un peu plus tard, ça n’a pas accompagné le lancement. Là on est beaucoup plus proactif ». On se souvient par exemple de Free Mobile qui avait bloqué le niveau de zoom pour éviter à ses (futurs) clients d’avoir une vision sur une large zone, voire la France entière.

Morceau par morceau, nous avions alors nous-mêmes reconstitué la couverture nationale de l’opérateur.

L’Arcep dit ne pas vouloir « voir les opérateurs mettre sur une même carte l’ensemble des composantes de la technologie 5G. La 5G peut correspondre à des réalités assez différentes suivant la bande de fréquence utilisée ».

La bande de « cœur » est celle des 3,5 GHz dont les enchères sont presque terminées. Il s’agit d’une « bande large, peu couvrante [Les opérateurs évoquent une couverture équivalente à la 4G en 1 800 MHz, ndlr] et qui permet des débits très élevés, mais il y a d’autres bandes de fréquences qui permettent de fournir des services 5G ».

On pense évidemment à celles des 700 MHz avec une meilleure couverture, mais une « moins bonne expérience en termes de débit ». Il y a aussi des bandes intermédiaires comme les 1 800 MHz et 2100 MHz. Pour l’Arcep, il est « vraisemblable » que des opérateurs les utilisent pour de la 5G.

Dans un second temps il y aura les fréquences dites millimétriques – 26 GHz en Europe et en France – mais ce « n’est pas encore au cœur de notre actualité », nous précise l’Arcep, qui pourra affiner sa stratégie d'ici là.

Arcep 5GArcep 5G

Représenter le « camaïeu d’expériences 5G »

Bref, « il va y avoir tout un camaïeu d’expérience 5G qui va se conjuguer ». L’Arcep prend les devants, mais commence par rappeler un point important : « on n’est pas du tout dans une position de dire qu’il y aurait de la bonne ou de la mauvaise 5G, parce que c’est plus compliqué, ce n’est pas binaire, ce n’est pas noir ou blanc, ça va dépendre de nombreux paramètres ». Un sujet sur lequel nous reviendrons prochainement.

Sébastien Soriano veut ainsi « éviter que les opérateurs fassent une carte qui mélangerait toutes ses expériences différentes » : « Idéalement on souhaiterait qu’un opérateur qui utilise plusieurs bandes de fréquences pour faire de la 5G – par exemple 700 MHz et 3,5 GHz – propose une carte des 700 MHz et une carte des 3,5 GHz ».

Une alternative est néanmoins possible : « si un opérateur souhaite mettre plusieurs bandes de fréquences dans la même carte, alors une manière de bien informer l’utilisateur serait de faire apparaitre des classes de services, typiquement des classes de débits, c’est-à-dire des niveaux de gris sur la carte : couverture apportant un débit équivalent à la 4G, débit supérieur à la 4G et débit très supérieur à la 4G », par exemple.

arcep 5G

Concernant les classes de débit, le but n’est pas de « dire la 5G c’est magnifique et la 4G+ ce n’est pas bien ». Il y a simplement des expériences utilisateur différentes qu’il faut mettre en avant d’une manière ou d’une autre sur les cartes. « Un opérateur qui mettrait des gammes de débits, indépendant du fait de savoir si c’est de la 5G sur la bande 3,5 GHz ou 700 MHz ou 4G+, apporterait une information utile aux clients », ce qui est le but recherché.

Quel que soit le type de cartes (par fréquences ou avec des niveaux de débits), il s’agit bien de cartes 5G et uniquement 5G, pas d’un mélange de plusieurs technologies (4G/5G par exemple). Sébastien Soriano nous précise n’avoir pour le moment « pas vraiment » de préférence sur l’une ou l’autre des manières de présenter les cartes de la couverture 5G. Il en serait de même pour les associations de consommateurs.

De leur côté, les opérateurs participent aux travaux, mais il faudra certainement attendre l’ouverture de leurs réseaux et le lancement de leurs offres commerciales pour comparer leurs choix et leurs méthodes.

Du « name and shame » pour les brebis galeuses

Il s’agit bien de recommandation (pas d’une décision réglementaire) faite aux opérateurs par le gendarme des télécoms… qui ne sortira donc pas son « bâton » dans un premier temps. Ils sont néanmoins fortement invités à les suivre : « il est clair que je déconseille très fortement à un opérateur de ne pas suivre les recommandations de l’Arcep, car si c’était le cas, on le ferait savoir publiquement et fort », nous affirme Sébastien Soriano.

Il insiste : « J’ai fait passer le message personnellement aux quatre opérateurs ». Reste à voir s'ils suivront ces règles à la lettre ou s’ils tenteront de « jouer » avec les règles… une spécialité pour certains. Une situation qui sera de toutes façons amenée à évoluer à moyen terme : « on fera comme la couverture mobile […] on basculera dans un régime ou il y a bien une décision réglementaire de l’Arcep qui indique comment doit être établie une carte 5G ».

Il y aura alors des contrôles (et des sanctions si besoin) du gendarme sur l’exactitude de celles-ci, avec « l’ambition d’avoir des cartes comparables » à terme. Pour le moment, l'Arcep ne veut pas « surréglementer », mais « avant tout éviter une déception par des informations qui ne correspondraient pas à la réalité ».

C’est quoi la « réalité de la 5G » ? Bonne question…

Avant de graver les règles dans le marbre, le régulateur attend de voir ce que va donner la 5G en France. Il nous confie disposer pour le moment de « peu de retours d’expériences à l’international », avec qui plus est des résultats mitigés : « dans certains pays l’expérience de la 5G était finalement assez proche de la 4G, chez d’autres on a vu des expériences significativement différentes ». Pour rappel, Bouygues Telecom a déjà annoncé que « le service en lui-même  [ne serait] pas très différenciant », avec un intérêt « assez limité » pour le grand public.

Un discours qui n'est, bien entendu, pas de celui de son site commercial vantant les offres et smartphones 5G.

Sébastien Soriano « souhaite que les opérateurs comprennent l’intérêt pour l’ensemble du secteur d’avoir de bonnes pratiques sur ces cartes de couvertures et pour éviter un bad buzz au niveau des consommateurs »… D’autant que cette nouvelle technologie a « suffisamment d’interrogation sur les aspects sécurité, sanitaire ou environnementaux (qui sont évidemment légitimes) pour ne pas rajouter un halo opaque sur la nature du service ».

Les cartes devront être publiées par chaque opérateur au jour du lancement de ses services 5G, sur leurs sites respectifs. Mais l’Arcep « envisagera de les héberger sur [son] site quand [elle] aura adopté des décisions réglementaires ». Il sera alors certainement plus facile de comparer les couvertures des uns et des autres.

Sans parler d'une éventuelle mise à jour de son service Mon réseau mobile.

5G services ArcepLes évolutions de la 5G, une « révolution » en plusieurs étapes. Source : Arcep

La question du logo « 5G » sur les smartphones

Autre point important : le logo affiché sur les smartphones. Y passer d’un 4G à un 5G dépendra (pour résumer) de trois principaux paramètres : si l'appareil est compatible 5G, s’il capte un tel réseau, ainsi que de ses propres paramètres, aussi bien ceux du constructeur que des opérateurs ; « c’est une question à plusieurs dimensions ».

Bien évidemment, sans téléphone compatible 5G, pas de logo 5G. Par contre, lorsque vous surfez avec un smartphone 5G sur un réseau 5G (et avec les bons paramètres), le logo s’affichera. Rien de surprenant ici… mais il existe des situations intermédiaires/particulières.

« Il peut y avoir aussi des configurations où vous êtes couverts avec la bande d’ancrage 4G (bande basse). Si le site est équipé en 5G en bande 3,5 GHz [et que vous êtes] sur la bordure – c’est-à-dire la partie ou vous êtes couvert en 4G, mais pas en 5G – il pourra arriver dans certains cas que le logo 5G s’affiche », reconnait l’Arcep.

Comprendre que la station à laquelle vous êtes connectée est équipée d'une antenne 5G, mais que seule une antenne 4G arrive à joindre votre smartphone, le logo 5G pourra toujours être affiché. « Ça ne sera pas systématique », nous prévient l'Arcep. Dans ce genre de situation « le terminal affiche un logo parce qu’il est à proximité d’une antenne 5G, mais pour autant le service 5G ne fonctionne pas vraiment. C’est ça le cas d’usage. Ce n’est pas génial, mais pas aussi grave que si c’était la 4G qui se déclaraient 5G » ajoute Sébastien Soriano.

Un « angle mort » sur la gestion du type de réseau par les OS

L'apparition ou non du logo 5G dépend aussi des réglages des constructeurs de téléphones. « On ne peut pas agir sur les OS […] cette partie reste pour nous une boite noire et aujourd’hui nous n’avons pas d’instrument pour surveiller la manière dont les OS font apparaitre la 5G. Ça ne dépend pas des opérateurs, ça dépend des constructeurs et sur lesquels nous, régulateurs, nous n’avons pas la main », regrette le président de l’Arcep.

« On a demandé aux pouvoirs publics de nous donner une compétence en la matière », mais rien n’est fait pour le moment. Le Sénat a bien voté la proposition de loi de Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, qui prévoit justement « de conférer à l’Arcep des responsabilités sur les OS ». Elle a été transmise le 20 février 2020 à l’Assemblée nationale, son statut n’a pas bougé depuis.

Bref, dans l’état actuel du droit, l’Arcep ne peut pas se pencher sur le cas des systèmes d’exploitation, mais « c’est une décision du pouvoir politique que de nous donner cette compétence ».

Les opérateurs invités à jouer le jeu

Tant sur la couverture que l'affichage du logo, l’Arcep joue la prévention et demande donc aux opérateurs « une information loyale et claire au consommateur ». Il doit avoir toutes les cartes en main (et un jeu non truqué) pour décider « s’il doit aller vers ce forfait 5G, s’il doit changer de téléphone ».

Ils devront ainsi « fournir la carte de couverture du service 5G », pas des endroits où le logo 5G est susceptible de s’afficher sur les smartphones. Il est en est de même pour les outils de mesures des performances de la 5G : « c’est également la fourniture d’un service qu’on leur demande de considérer, pas la présence ou l’absence du logo 5G comme étant synonyme de fourniture du service 5G ».

Des points d’autant plus importants que des smartphones 5G sont déjà en vente depuis des mois et que Bouygues Telecom et Orange commercialisent déjà des forfaits « compatibles 5G ». SFR et Free Mobile suivront, mais ils n’ont pas encore dévoilé leurs stratégies pour le moment.

Commentaires (3)

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“Il insiste : « J’ai fait passer le message personnellement aux quatre opérateurs ».”



Il n’est pas prévu un changement de tête à l’ARCEP l’année prochaine ??
Les opérateurs ont du se sentir effrayé d’être appelé par un futur ex-président…

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Donc Day One, 99,97% du territoire est couvert en 5G 3.5 GHz… :8
Viiiiite ! Un nouveau smartphone ! :non:

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Rien sur l’usage probable du DSS (Dynamic Spectrum Sharing) de Nokia (notamment par Free Mobile) sur certaines bandes ? Il permettrait de mettre de la 4G et de la 5G sur la même bande mais évidemment avec des performances dégradées.



L’avantage pour un opérateur comme Free qui a largement déployé sur la bande de 700 MHz serait de pouvoir afficher rapidement une couverture 5G nationale qui en pratique n’apporterait rien, voir serait moins bon, par rapport à de la 4G (sauf le logo…)

Cartes de couverture et logo 5G : l’Arcep nous parle de ses recommandations aux opérateurs

  • Logo 5G et couverture réelle : ce n'est pas la même chose

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