Sébastien Soriano (Arcep) déconseille la tentation d’une loi Avia maquillée en futur DSA
Digital Service Tact
Le 14 décembre 2020 à 15h45
7 min
Droit
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La Commission européenne présentera demain deux textes importants, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA). Par anticipation, le projet de loi sur le séparatisme devrait introduire des obligations de moyens sur les plateformes, que Paris espère retrouver dans le texte européen. Une méthode critiquée par Sébastien Soriano.
Le DSA « imposera de nouvelles obligations et responsabilités à tous les intermédiaires en ligne, principalement les plateformes, concernant le contenu qu’elles hébergent - où qu'ils se trouvent dans l'UE » préviennent Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne et Thierry Breton, commissaire en charge du marché intérieur dans une tribune.
Une législation sectorielle va définir « ce qui constitue un contenu illégal - comme les discours de haine, le terrorisme, la pornographie enfantine ou la vente de produits illégaux ou contrefaits - ainsi que les recours spécifiques ».
Le DMA s’attaquera lui à certains comportements économiques des acteurs. « Tout comme sur nos routes un conducteur fait face à une série de sanctions (financières, retrait temporaire ou même permanent du permis de conduire), le DMA prévoit des sanctions fortes, proportionnées, graduelles, mais dissuasives en cas de violation ».
On devrait retrouver dans le DSA des obligations de moyens et de transparence pesant sur les plateformes, histoire de jauger les outils mis en place pour lutter contre les contenus infractionnels. La position est plus que défendue par Paris qui envisage tout simplement d’anticiper dans le projet de loi Séparatisme ses vues européennes de la régulation en devenir à la Commission européenne.
Ce plan de bataille était annoncé par Cédric O dans une déclaration au Sénat le 19 novembre dernier : « la volonté du Gouvernement est de pouvoir, probablement dans le cadre du prochain projet de loi visant à lutter contre le séparatisme, traduire un peu par anticipation le champ de la régulation qui figurera dans la proposition européenne, compte tenu de l'urgence qu'il y a à agir et à définir cette obligation de moyens ».
Retanscrire la régulation des contenus avant l’échéance des débats européens ? L’idée n’a pas les louanges de l’Asic ni même de Sébastien Soriano, président de l’Arcep.
Une proposition de loi « extrêmement mal gérée »
Lors de son audition devant la mission d’information sur la souveraineté du numérique jeudi dernier, Sebastien Soriano a estimé à titre personnel que si la France s’engage sur cette voie, « il faut qu’elle fasse amende honorable par rapport à ses errements du passé ».
Il se souvient en particulier du précédent de la proposition de loi Avia contre la haine en ligne. « Il y a un problème de perception », explique-t-il. « Le gouvernement a envoyé des signaux assez négatifs vis-à-vis des acteurs qui sont sensibles aux enjeux des libertés numériques ».
Le texte fut une « PPL extrêmement mal gérée puisque cette idée de régulation-supervision était déjà sur la table lorsqu’elle a été préparée, et Mme Avia a tenu absolument à garder une approche de retrait des contenus en 24 h, mélange des genres entre judiciaires et régulation ».
Lors des débats sur la loi Avia, la Commission européenne avait en effet, dans un courrier révélé par Next INpact, fustigé la France de faire ainsi cavalier seul. Le texte « prévoit des dispositions qui se chevaucheraient avec l’initiative de législation européenne sur les services numériques récemment annoncée par la Présidente élue de la Commission », écrivait l’institution.
La coup de semonce de Bruxelles, avant la censure constitutionnelle
La Commission rappelait à Paris qu'au même moment à Bruxelles, son initiative tentait de « répondre à la nécessité d’établir une réglementation claire et harmonisée applicable à ces fournisseurs, tout en évitant la fragmentation réglementaire du marché intérieur, pour une protection uniforme de tous les citoyens européens, ainsi que pour renforcer le marché des services ».
Soit l'exact opposé de la stratégie française. Elle avait alors fortement incité Paris à repousser l’examen de la PPL. En vain. Quelque temps plus tard, le Conseil constitutionnel dézingua la quasi totalité de la proposition de loi portée par la députée et avocate Laetitia Avia, et ce pour de multiples atteintes aux libertés fondamentales. Donner aux plateformes un rôle de censeur allait nécessairement les conduire « à surcensurer pour ne pas s’exposer à des sanctions », se remémore encore Sébastien Soriano.
Toujours devant Philippe Latombe, rapporteur de la mission parlementaire sur la souveraineté numérique, le président de l’Arcep a insisté : « la France doit faire comprendre qu’elle a compris la bonne manière de gérer ce sujet et qu’elle ne donne pas l’impression de répéter la loi Avia. Et là seulement, elle pourra montrer l’exemple. Si en revanche, elle envoie des signaux selon lesquels elle serait simplement en train de ressortir cette loi (…) en lui mettant un coup de peinture en disant "en fait, c’est le DSA" alors je pense qu’on n’envoie pas un bon signal ».
Le gouvernement pourra toujours arguer que la loi Avia comportait déjà des obligations de moyens qu’il suffira de remettre sur la table. Et si celles-ci furent censurées, c’est par effet domino puisqu’elles étaient vissées aux obligations de retrait à très bref délai, principalement censurées.
Paris, Bruxelles, deux salles, deux ambiances
L’association des services Internet communautaires (l’ASIC), par la voie de son président Giuseppe de Martino considère que « même si les contours exacts ne sont pas encore connus, le projet européen envisage d’aborder la question de la lutte contre la haine en ligne d’une manière beaucoup plus innovante. Car à Bruxelles, l’approche se veut différente ».
Ainsi, « il s’agirait de confier à un régulateur national, comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la possibilité d’étudier les pratiques et délais de modération des plates-formes ; une approche beaucoup plus pertinente. Cette solution permettrait d’envisager de sanctionner durement les plates-formes qui ne s’engagent pas suffisamment contre les contenus haineux ».
Si la France confirme sa volonté de faire à nouveau cavalier seul, « deux visions vont s’opposer : l’une européenne, l’autre nationale ». Pour le président de l’Asic, association qui compte Twitter, Facebook ou Google dans ses rangs, « il s’agit là d’un mal bien français : légiférer à court terme au niveau local sur un problème qui dépasse nos frontières, et ce alors même que les institutions européennes travaillent ardemment sur le sujet ».
Résultat : « à terme, la législation française s’effacera devant la législation européenne. Au pire, la loi nationale n’aura servi à rien et produit aucun effet, car elle n’aura pas eu le temps d’entrer en vigueur. Au mieux, elle n’aura été appliquée que quelques mois après des centaines d’heures de discussion avec tous les acteurs concernés. Autant de temps perdu qui aurait permis de préparer correctement la mise en œuvre du Digital Services Act ».
Sébastien Soriano (Arcep) déconseille la tentation d’une loi Avia maquillée en futur DSA
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Une proposition de loi « extrêmement mal gérée »
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La coup de semonce de Bruxelles, avant la censure constitutionnelle
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Paris, Bruxelles, deux salles, deux ambiances
Commentaires (9)
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Abonnez-vousLe 14/12/2020 à 16h16
..la législation française s’efface devant la législation européenne…
“c’est vrai ça….pourquoi avoir employé le futur : - n’est-ce pas, DEJA, le cas ?
Le 14/12/2020 à 16h43
J’avais jamais tilté qu’avia etait avocate… elle a pas du gagner beaucoup d’affaires en étant aussi nulle.
Son diplôme en carton du barreau ne peut pas lui être retiré? En s’étant faite autant breaké par le CC, il serait juste de la renvoyer sur les bancs de l’école non?
Le 14/12/2020 à 16h52
Donc en lisant la conclusion il n’y a aucun problème.
Le 14/12/2020 à 17h53
Il y a une très grosse différence entre utiliser la loi et la faire exactement comme l’ingénieur versus le théoriesien. Bien sûr l’un peut être confondu dans l’autre mais ce n’est pas donné à tout le monde
Le 15/12/2020 à 02h22
séparatisme?
Le 15/12/2020 à 08h07
Dans combien d’années sera prête la législation européenne (5, 10 ans ??)
Une législation française me semble donc tout à fait justifiée en attendant, même si cela déplait à certains défenseurs autoproclamés des libertés individuelles (la liberté d’insulter sur les réseaux sociaux, la liberté de menacer de mort quelqu’un qui ne pense pas comme vous …)
Le 15/12/2020 à 08h53
La législation Française n’a pas besoin de nouveautée à tout bout de champs pour repondre à des besoins électoraux, elle a surtout besoin d’avoir des serviteurs pour l’appliquer.
Par exemple la plateforme Pharos de signalement des contenus illégaux en ligne emploie environ 50 gugus pour 60 millions de français. Et Internet, c’est mondial. Sachant que se sont des êtres humains derrière les chiffres, qui donc dorment, prennent des congés, des week-end, sont malades, vont faire des pauses pipi, lisent Nextinpact ou y laissent des commentaires… il y a donc environ 10 à 15 personnes max en permanence qui recoltent les plaintes que de gentils internautes veulent bien remonter pour toute la France. Par rapport à la masse de messages postés sur les réseaux sociaux, les platefomes, etc, c’est un peu le verre d’eau pour écoper le lac.
Et c’est dommage car des affaires récentes ont montré que des haters ou des tipiaks pouvaient être condamnés… quand on se donne les MOYENS de le faire, vu que grosso modo les textes sont là pour faire le job.
Moi je croyais qu’on était devenu en 2017 la “Startup Nation”. En fait j’ai l’impression qu’au niveau décisionnaires beaucoup sont restés sur l’image de la biscotte et du mulot. Et qu’internet, ça marche tout seul mon bon monsieur, c’est les américains…
Le 15/12/2020 à 11h54
Commençons déjà par appliquer correctement les lois existantes avant d’en empiler une nouvelle couche bancale et mal ficelée !
Genre donner un budget à la justice pour qu’elle puis faire son taf.
Multi toasted. Ca m’apprendra à ne pas refresh l’onglet avant d’écrire
Le 15/12/2020 à 08h48
Ce que vous dites est un non sens. C’est déjà interdit ce genres de choses…