Reconnaissance faciale : la proposition de loi du député LREM Didier Baichère

Reconnaissance faciale : la proposition de loi du député LREM Didier Baichère

Remettre à deux mains, l’identification des visages

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Pierre Januel

Publié dansDroit

06/04/2021
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Reconnaissance faciale : la proposition de loi du député LREM Didier Baichère

Next INpact publie la proposition de loi du député LREM visant à expérimenter la reconnaissance faciale. Toutefois, le gouvernement temporise et le sujet ne devrait pas être à l’ordre du jour avant les élections de 2022.

Cela fait bientôt deux ans que le député LREM Didier Baichère travaille sur la reconnaissance faciale. Après avoir écrit une note sur le sujet pour l’office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le député des Yvelines a souhaité présenter sa proposition de loi à ses collègues de l’office. Une présentation qui aura lieu le 15 avril.

Contacté par Next INpact, le député précise que ce texte vise surtout à enrichir le débat. Manière d’indiquer qu’il n’a pas forcément vocation à être inscrit dans le calendrier parlementaire.

Didier Baichère ne voulait pas que le thème soit inscrit dans la proposition de loi Sécurité globale, bientôt définitivement adoptée. Pour le député, la question de la reconnaissance faciale dépasse les simples enjeux sécuritaires et doit faire l’objet d’un débat spécifique. Il reste donc prudent.

Le gouvernement, lui, est toujours en réflexion sur la question. Au Sénat, lors des débats sur la loi sécurité globale mi-mars, Gérald Darmanin a indiqué que le Gouvernement envisageait « de confier une mission à un parlementaire » sur le sujet.

Le ministre notait aussi que « si la reconnaissance faciale n’est pas utilisée par les pouvoirs publics, elle l’est par de nombreux acteurs, notamment des entreprises privées, à commencer par les fabricants de téléphones. »

Il distinguait toutefois « identification et authentification » : « Ce n’est pas la même chose. Nous utilisons par exemple déjà la reconnaissance faciale dans le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) utilisé par la police judiciaire, qui recense quinze à vingt millions de personnes ; la CNIL a accepté ce fichier : des photos y sont enregistrées, elles permettent d’identifier les personnes. Cela diffère de la reconnaissance faciale de la caméra, […] comme dans les films ou dans le métro de Londres ».

L’utilisation massive du TAJ est un aveu rare d’une pratique que Next INpact avait déjà évoquée.

Une proposition de loi au milieu d'une succession de rapports

L’an dernier, l’Inspection générale de l’administration a déjà remis un rapport, non public, sur le sujet. Dans sa présentation rapide, l’IGA indique qu’elle « a analysé les utilisations actuelles de la reconnaissance faciale dans l’espace public, notamment en Europe, les cas d’usage envisageables ainsi que leur cadre juridique ».

Elle conclut qu'« en matière de sécurité intérieure, la mise en place d’un processus intégrant des éléments de reconnaissance automatisée du visage doit toujours être précédée de questionnements éthiques. La technologie d’assistance à l’identification par la biométrie du visage progresse vite en fiabilité et de nombreux usages existent, y compris en Europe, par exemple pour le passage aux frontières, s’agissant d’une authentification. »

Ainsi, comme le révèle une récente réponse ministérielle à une question écrite, sur les neuf sites équipés de sas PARAFE, la reconnaissance faciale représente déjà 31,1% des contrôles.

De son côté, le Sénat avait lui aussi prévu de lancer une mission d’information sur la reconnaissance faciale avec les sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain. Mais six mois après, elle n’a toujours pas démarré.

Cette succession de rapports et de demandes de rapports rend peu probable qu’une loi, même expérimentale, soit adoptée avant la fin de la mandature. Demander de nouveaux rapports serre plus souvent à reporter une décision qu’à la préciser.

Après les manifestations contre les mesures sécuritaires prises après l’arrivée de Gérald Darmanin, le gouvernement avance plus prudemment sur le terrain des libertés.

D’autant qu’il faudra déjà faire voter une nouvelle loi sur le renseignement. Avant le 1er juillet, le gouvernement doit en effet pérenniser la loi SILT et la surveillance algorithmique prévue par la loi renseignement. On ne connaît pas le périmètre de ce projet de loi, prochainement présenté en conseil des ministres.

Un texte prudent pour avancer en terrain miné

Next INpact s’est procuré le texte proposé par Didier Baichère. Le terrain est miné, et la proposition se veut prudente. Le texte multiplie d’ailleurs les garanties.

Pour le député « la reconnaissance faciale par l’IA s’est imposée comme une des plus puissantes technologies biométriques d’identification et de contrôle de l’identité des personnes à partir d’une image numérique ou d’un support vidéo ».

Mais il reconnaît que « les données biométriques comportent une sensibilité particulière ». Dès lors, « pouvoir expérimenter ces dispositifs de manière scientifique et raisonnée doit permettre de conclure à la nécessité ou non d’une évolution de la réglementation en la matière et de définir les potentielles lignes rouges ».

Le texte propose de distinguer quatre cas d’usage différents :

  • L’accès par reconnaissance faciale (gestion de flux, accès à un lieu, paiement).
  • Les fonctions de sûreté et sécurité dans les espaces (douane, recherche de personnes disparues, pistage d’un suspect).
  • Les fonctions de Marketing et services clients (achat personnalisé, reconnaissance d’émotion)
  • Les services à vocation de santé ou sociaux (authentifier les patients, identifier ou suivre les pathologies, assistance aux personnes aveugles)

La proposition de Didier Baichère vise à créer un « cadre d’expérimentation transparent et éthique pour les technologies de reconnaissance faciale qui mobilisent l’intelligence artificielle aux fins de garantir un usage responsable de ces technologies ». L’objectif est d’éviter les expérimentations sauvages.

L’expérimentation aurait lieu en région Île-de-France et en PACA-Région Sud, où les collectivités sont les plus demandeuses. L’encadrement se veut strict, par plusieurs moyens. Ceux qui conduiront les expérimentations devront veiller à l’information et au consentement de toute personne participante. L’utilisation des données personnelles collectées se limiterait à l’expérimentation et elles ne pourraient être rapprochées d’autres fichiers.

Le député propose surtout que chaque expérimentation soit pilotée et bordée par un « comité de supervision », composé de représentants de la société civile (CNNUM, INRIA, « associations de défense des droits et libertés de la population sur Internet ») et du monde scientifique, par des parties prenantes de l’expérimentation (sociétés et élus locaux) et par des citoyens. Le tout sous le regard de la CNIL.

Le comité de supervision de la société civile et de chercheurs publierait tous les semestres un état d’avancement des travaux pour chaque expérimentation. La question des menaces pour les libertés publiques serait à chaque fois abordée.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques traiterait ces informations lors de réunions ouvertes au public. Le comité produirait également un rapport final, qui proposerait une éventuelle évolution des réglementations.

À l’issue de l’expérimentation, un débat public serait mené sous forme d'états généraux. Le tout serait financé par un fonds financé par l’État, les collectivités et les industriels.

Ce texte prudent se veut un élément pour avancer dans un débat miné. Le gouvernement juge pour l’instant urgent d’attendre. Mais les pressions des industriels sont importantes, d’autant que la coupe du monde de rugby 2023 et les Jeux Olympiques 2024 se rapprochent.

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Écrit par Pierre Januel

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Sommaire de l'article

Introduction

Une proposition de loi au milieu d'une succession de rapports

Un texte prudent pour avancer en terrain miné

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Commentaires (3)


Vorphalax
Il y a 3 ans

Il ne faut pas se leurrer, on y passera malheureusement.


hansi Abonné
Il y a 3 ans

“La CNIL a accepté ce fichier” - parce que vous croyez sérieusement que la CNIL est indépendante et à le moindre pouvoir de refuser ? Rappelez-moi qui paie les salaires de la CNIL ?
“un usage responsable de ces technologies” - allez dire ça aux chinois, notés chaque jour par leur “crédit social” ! Tout système de reconnaissance et de suivi à grande échelle ne peut logiquement qu’être détourné par nos gouvernements de pantins, aux ordres de l’UE fasciste.
“à l’information et au consentement de toute personne participante” - et si les personnes ne sont pas d’accord, vous les virez tout de suite ou vous les déplacez dans un camp de concentration ? Même question en industrie : quel est le droit des salariés à refuser d’être filmés - et bientôt pucés par ce cher Bill ?
“Mais les pressions des industriels sont importantes” - ah merde, j’avais pas encore compris : ce sont les industriels qui dirigent ce pays ! Non mais je pouvais pas savoir : ils l’avaient pas annoncé à France Intox ce matin ! Il est vrai que nos élus sont des pantins sans pouvoir, puisque l’UE dicte 90% de nos lois à coup de GOPÉ annuelles. Mais chut : il ne faut pas le dire sur les ondes…
Sinon elle vient d’où la délinquance ici utilisée en prétexte ?
D’une UE qui a délocalisé nos entreprises en Asie et en Europe de l’Est, désindustrialisant la France, et créant un taux de chômage sans précédent, faisant explosé la délinquance ? D’une UE qui dicte sa politique migratoire à la France, parce que vision mondialiste sans contrôle des frontières, et surtout pas d’immigration choisie - bienvenue aux terroristes ?! D’une UE qui encourage les salariés détachés, qui viennent encore nous piquer ce qui reste de boulot ?
La paix et la sécurité ne peuvent s’obtenir que hors UE, quand vous êtes un état souverain qui créé ses lois et les appliquent réellement. Or nous ne sommes plus en démocratie depuis 2008, ou sarko a trahi notre référendum de 2005. L’UE est officiellement une construction fasciste, menée par des commissaires non élus, dictant 90% de nos lois à coup de GOPÉ annuelles, et nos élus ne sont plus que des pantins qui passent leur temps à pourrir les français avec les 10% qui restent, pour tenter d’exister, et de parfaire le 1984 qui se construit.
Arrêtons donc la plaisanterie sur la reconnaissance faciale : les flics connaissent très bien les fouteurs de merde et les délinquants qu’ils côtoient quotidiennement. C’est juste que nos politiques n’ont plus de pouvoir, en bons pantins de l’UE, et passent leur temps à baisser leur froc par vision électoraliste pure.
C’est soit le Frexit, soit la dictature de l’UE et tous ses charmes totalitaires. Ça fait 14 ans qu’Asselineau explique très bien tous ces mécanismes qui nous ont mené où nous sommes, et qui nous mènent droit dans le mur, comme en Grèce.



Baldurien Abonné
Il y a 3 ans

Il distinguait toutefois « identification et authentification » : « Ce n’est pas la même chose. Nous utilisons par exemple déjà la reconnaissance faciale dans le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) utilisé par la police judiciaire, qui recense quinze à vingt millions de personnes ; la CNIL a accepté ce fichier : des photos y sont enregistrées, elles permettent d’identifier les personnes. Cela diffère de la reconnaissance faciale de la caméra, […] comme dans les films ou dans le métro de Londres ».




15 à 20M de personnes ?



Sur une population de 68M ? Je n’exclus pas les mineurs, mais ouaouh, ça fait 22% à 29% de la population.



Je sais que ce fichier pose problème, mais je ne pensais pas que c’était autant de personnes qui étaient dedans :X