Tiangong : le premier module de la Station spatiale chinoise (CSS) est en orbite
À quand sa boîte Lego ?
Le 03 mai 2021 à 13h57
8 min
Sciences et espace
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La Chine vient d’envoyer en orbite le premier module de sa future station spatiale. Les choses devraient aller bon train avec une mission cargo dès le mois de mai et l’arrivée des premiers occupants en juin. Il reste néanmoins encore du travail et des modules à installer avant qu’elle soit pleinement opérationnelle, en 2022 à priori.
La conquête spatiale prend une nouvelle tournure en Chine. Le pays est en train de multiplier les succès avec ses missions Chang’e autour et sur la Lune. Elle a même récupéré et rapporté sur Terre du régolithe pour la première fois depuis plus de quarante ans. La Chine est également en orbite autour de Mars avec sa mission Tianwen-1, qui comporte un atterrisseur qui devrait prochainement tenter sa chance.
Une nouvelle étape vient de débuter avec le lancement du module Tianhe – alias Harmonie céleste – par une fusée maison Longue-Marche 5B, une version du lanceur lourd Longue-March 5 sans second étage. Elle a décollé de la base de Wenchang, sur l’île de Hainan dans le sud du pays.
La Chine a beaucoup misé sur ce lanceur, dont le développement a été chaotique puisqu’elle a connu un cuisant échec en juillet 2017, lors de son second vol. C’est désormais de l’histoire ancienne et, en plus de ce premier module, Longue-Marche 5B doit aussi emmener les prochains éléments de la station chinoise baptisée Tiangong (Palais céleste).
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La future Station spatiale chinoise en long, en large et en travers
Le module Tianhe mesure 16,6 mètres de long pour un diamètre maximum de 4,2 mètres. Sa masse au décollage était de 22,5 tonnes, ce qui en fait « le plus grand vaisseau spatial développé par la Chine », selon les autorités locales. Des mensurations qui ne sont pas sans rappeler celles du premier module de la Station spatiale internationale en 1998.
En effet, le premier segment de l’ISS – Zarya FCB (Functional Cargo Block) – mesurait pour rappel 12,6 mètres de long pour 4,1 mètres de diamètre, avec une masse de 19,3 tonnes. L’ISS a bien grossi depuis puisque sa masse attend désormais les 450 tonnes pour 110 x 73 mètres avec ses panneaux solaires. Le volume habitable est d’un peu moins de 400 m³.
Il ne faut pas s’attendre à une telle expansion du côté de Tiangong, le nom de la future Station spatiale chinoise. Le volume habitable à l’intérieur du module Tianhe est de 50 m³ et il pourra grimper jusqu’à 110 m³ lorsque la construction de la station complète sera terminée. À terme, elle prendra la forme d’un T « avec le module de base au centre et une capsule de laboratoire de chaque côté ». D’une certaine manière, elle devrait ressembler à la station Mir.
Pour en revenir au module Tianhe qui est actuellement en orbite, il se décompose en trois parties : une section de connexion, une de maintien et contrôle des besoins vitaux, et une dernière pour la gestion des ressources. Il « sera utilisé comme centre de gestion et de contrôle de la station spatiale Tiangong, qui signifie Palais Céleste, avec un noeud pouvant accoster jusqu'à trois vaisseaux spatiaux à la fois pour de courts séjours, ou deux pour de longs séjours », affirme le Centre d'informations Internet de Chine (China.prg.cn), un organe de communication officiel.
Les modules laboratoires pèseront chacun plus de 20 tonnes et, « lorsque la station s'amarrera avec des engins spatiaux habités et cargo, son poids pourrait atteindre près de 100 tonnes ». Comme la Station spatiale internationale, elle sera sur une orbite basse, comprise entre 340 et 450 km d’altitude.
La durée de vie de la CSS (China Space Station) est de dix ans, mais des experts chinois (leur indépendance reste encore donc à prouver) « jugent qu'elle pourrait durer plus de 15 ans avec une maintenance et des réparations appropriées ». Les couts de telles opérations de maintenance et ceux liés à l’exploitation ne sont pas précisés.
Prochain lancement en mai, mission habitée en juin
Tianzhou-2 devrait être la première mission cargo à destination de la future Station spatiale. Le calendrier est serré puisqu’elle est prévue pour le mois de mai. Tianzhou était pour rappel une démonstration technologie effectuée en avril 2017 sur une précédente version de la station (Tiangong 2, nous y reviendrons).
Ensuite ce sera au tour de la première mission habitée de prendre son envol, avec Shenzhou 12. Là encore on ne devrait pas attendre longtemps puisqu’elle est prévue dès le mois de juin. Le premier vol d’un taïkonaute date pour rappel d’octobre 2003, à bord de Shenzhou 5.
Il faudra ensuite attendre 2022 pour la mise en orbite des deux modules Wengtian et Mengtian. Ils seront lancés à bord d’une fusée Longue-Marche 5B, comme c’est le cas du module principal. D’ici là, d’autres vols habités (Shenzhou) et missions cargos (Tianzhou) sont également prévus.
Collaboration internationale*
« Nous allons apprendre à assembler, faire fonctionner et maintenir de grands vaisseaux spatiaux en orbite, et nous visons à faire de Tiangong un laboratoire spatial de niveau d'État capable de soutenir le long séjour des astronautes et les expériences scientifiques, technologiques et d'application à grande échelle », explique Bai Linhou, le concepteur en chef adjoint de la station spatiale pour la China Aerospace Science and Technology Corporation.
Selon le responsable, une collaboration est prévue avec d’autres pays : « la station devrait également contribuer au développement et à l'utilisation pacifiques des ressources spatiales grâce à la coopération internationale, ainsi qu'à enrichir les technologies et l'expérience pour les futures explorations de la Chine dans un espace plus lointain ».
De vagues promesses pour le moment, qui ne concernent dans tous les cas pas tout le monde. Il existerait en effet un irréductible qui résiste encore et toujours. Non ce n’est pas la France cette fois-ci : « une loi américaine interdit à la Nasa tout lien avec la Chine », rappelle l’AFP.
Dans tous les cas, la Station spatiale chinoise et la Station spatiale internationale où les Américains occupent une bonne place devraient relancer une certaine forme de guerre de communication entre les deux pays… avec les Russes et l’Europe en arbitres ?
Quoi qu’il en soit, cette station spatiale chinoise « sera en mesure d'accueillir trois astronautes dans des circonstances normales et six astronautes au maximum lors d'un remplacement d'équipage », affirme le Centre d'informations Internet de Chine. Ils pourront effectuer des sorties extravéhiculaires.
Des « touristes » plus que des partenaires ?
Dans tous les cas, « ces visiteurs réaliseront des expériences, mais ils seront davantage des touristes que des partenaires dans le fonctionnement de la station », explique Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l’astrophysique, à l’AFP. Ce n’est pas le cas de l’ISS ou Américains, Russes, japonais et Européens partagent des responsabilités. Le français Thomas Pesquet prendra d’ailleurs le commandement de la Station spatiale internationale vers la fin de sa mission.
Dans tous les cas, la Station spatiale chinoise n’a pas vocation à concurrencer l’ISS ni à jouer dans la même catégorie. Cette dernière « est globalement plus mature et performante », estime Jonathan McDowell. Elle est aussi bien plus imposante et profite d’un soutien de financiers et humains de nombreux pays.
Russes et pakistanais sont pressentis pour être les premiers partenaires de la Chine dans cette nouvelle station spatiale, mais aussi l’Agence spatiale européenne et la France qui sont déjà partenaires de Pékin sur plusieurs projets, notamment autour des missions lunaires et de récupération d’échantillons dans l’espace. Mais rien n’est gagné, car cette collaboration est « très incertaine » car « le climat politique a beaucoup changé », indique Chen Lan, analyste et spécialiste du programme spatial chinois, à l’AFP.
1… 2… et 3 Tiangong
Dernier point : si le nom Tiangong vous rappelle quelque chose, c’est normal. Il s’agit en fait de la troisième station spatiale chinoise après les prototypes Tiangong 1 (2011) et Tiangong 2 (2016). C’est pour cette raison qu’on parle aussi parfois de Tiangong 3.
« Si les laboratoires spatiaux chinois Tiangong-1 et Tiangong-2 sont comme des appartements à une chambre, la station spatiale équivaut à un appartement de trois chambres, un salon, une salle à manger et une salle de stockage », décrit Zhu Guangchen, concepteur en chef adjoint de la station spatiale.
Tiangong : le premier module de la Station spatiale chinoise (CSS) est en orbite
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La future Station spatiale chinoise en long, en large et en travers
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Prochain lancement en mai, mission habitée en juin
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Collaboration internationale*
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Des « touristes » plus que des partenaires ?
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1… 2… et 3 Tiangong
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 03/05/2021 à 14h26
Pour être exact, Zaria (et non Zarya qui est sa transcription anglaise) fait 20,3 tonnes.
Non, Tiangong 3 ≠ CSS, Tiangong 3 devait être lancée en 2015 sur une CZ-7, mission qui a été finalement annulée.
Sinon très bon article
Le 03/05/2021 à 14h43
La Chine vient d’envoyer en orbite le premier module de sa future base lunaire
Lunaire ??
Il va falloir patienter encore un peut pour ça si je ne me trompes pas…. 😉
Le 03/05/2021 à 16h03
(fixed)
Le 03/05/2021 à 17h50
Une question me taraude avec l’envolée des prix du logement, c’est combien le prix au m² là ? Loi Carrez ou pas ?
Le 03/05/2021 à 19h57
La loi n’est pas adaptée car on compte en m^3
Le 04/05/2021 à 05h24
Excellent article.
Ca craint pas un poil ça : Chute non contrôlée d’une fusée chinoise
Je suis peut être naïf, mais je pensais que dans ce genre de missions tout était géré/prévu…
Le 04/05/2021 à 07h40
Je lis toujours ces articles avec un peu de magie dans les yeux. Et je reviens à la réalité en me disant qu’en Europe, on envoie juste des satellites et des sondes, et qu’il n’y a aucun projet qui fait rêver.