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Défense, cybersécurité et espace : le triptyque de la Commission européenne

Vivement une série sur le space Command

Défense, cybersécurité et espace : le triptyque de la Commission européenne

Le 16 février 2022 à 14h31

L’Europe doit investir massivement et rapidement dans la défense, la cybersécurité et l’espace. Trois domaines intimement liés avec des enjeux considérables pour l’avenir. La Commission européenne dévoile son programme et annonce le lancement d’un projet de constellation à basse altitude, concurrent de SpaceX.

Dans la suite du discours de septembre 2021 de la présidente Ursula von der Leyen sur l’État de l’Union, la Commission européenne fait plusieurs annonces dans le contexte de « la boussole stratégique » pour la sécurité et la défense. L’idée est donc de « faire face aux menaces actuelles et futures ».

L’année dernière, elle rappelait que les menaces « cyber » au sens large du terme évoluaient rapidement : « des attaques hybrides ou cyberattaques à l'intensification de la course aux armements dans l'espace ». Aujourd’hui ce constat est plus que jamais d’actualité.

Cybersécurité et espace : les amants maudits

Thierry Breton (commissaire européen chargé du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l'audiovisuel, de la défense et de l'espace) tenait hier une conférence de presse sur deux enjeux stratégiques étroitement liés : l’espace et la défense, et le lancement d'un système de connectivité spatiale sécurisée (voir le dossier).

« De nombreux évènements récents ont confirmé qu'il est essentiel que l'Europe investisse de manière substantielle et urgente dans la défense, la cybersécurité et l'espace ». Comme avec le Chip act, les annonces se multiplient ces derniers temps avec à la clé des annonces concrètes. Le commissaire précise ainsi les trois priorités de la Commission européenne.

Défense : la Commission veut plus d’achats groupés

Premièrement, il faut « renforcer le développement et l'achat en commun de capacités de défense ». Cela passera par le Fonds Européen de Défense (FED), « un véritable outil du financement capacitaire européen », précise le commissaire. Ce fonds s’étale sur plusieurs années – 2021 à 2027 – avec 8 milliards d’euros, dont « 1,9 milliard d’euros investis, d’ici la fin de 2022, dans des projets de recherche et de développement des capacités en matière de défense ».

« Aujourd'hui, seul 11 % de la dépense publique en défense se fait en commun, bien loin de l'objectif de 35 % affiché par les États membres. Ce sera l'un des objectifs du Fonds de défense », explique Thierry Breton. La Commission prévoit plusieurs « carottes » pour appâter les États membres : « exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’ici le début 2023 », « nouvelles solutions de financement d’ici la mi-2023 » et réviser « éventuellement les mécanismes de bonus du Fonds européen de la défense ».

Un rapport sur les dépendances stratégiques… mais classifié

Deuxième priorité : « réduire les dépendances stratégiques notamment technologiques », un axe dans la lignée du Chip Act que vient de dévoiler la Commission. « Nous allons élaborer, avec les États membres, un rapport biannuel classifié sur l'état de nos dépendances stratégiques et, comme nous le faisons pour la défense, un plan capacitaire pour la sécurité ».

Enfin, la troisième partie consiste à mieux protéger les espaces contestés : « C'est un domaine nouveau, et l'Union européenne est seule face à ces menaces. De nouveaux espaces de conflits émergent : le cyber, les menaces hybrides et l'espace. C'est justement là où notre action au niveau de la Commission et de l'Union a le plus de valeur ajoutée, inclus sur des éléments très opérationnels sur lesquels l'OTAN n'est pas ou peu présente ».

Vers un Frontex du cyberespace

Sur la question du cyber, Thierry Breton explique que « l'Europe n'est aujourd'hui pas organisée pour faire face à des attaques d'ampleur ». En effet, comme le rappelle à juste titre l’adage, la solidité d’une chaine dépend de son maillon le plus faible. Dans le cas présent, « l'Union est aussi forte que son maillon le plus faible ». Plusieurs travaux sont en cours, notamment une « v2 » de la directive NIS (Directive Network and Information Security).

La commission veut aller plus loin, notamment sur les produits avec le Cyber Resilience Act, ainsi que sur les infrastructures avec des centres d'opérations de cybersécurité (SOCs, Security Operation Centres). « Ce seront nos gardes-frontières virtuels, en quelque sorte le Frontex  [Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, ndlr] du cyberespace ».

Afin de renforcer la cybersécurité et la cyberdéfense, la Commission « demandera aux organisations européennes de normalisation d'élaborer des normes harmonisées en matière de cybersécurité et de respect de la vie privée ». Thierry Breton est persuadé que « les États-Membres sont désormais prêts à aller plus loin ensemble pour être plus efficaces, moins dispersés et plus coordonnés ». Face aux continents américain et asiatique, l’Europe doit en effet jouer la carte de l’union.

Space command et Traffic management en Europe

Concernant l'espace, la Commission veut généraliser la dimension de défense dans les infrastructures, avec le « Dual by design » pour les nouveaux projets ; c’est-à-dire qu’ils intègrent à la fois une composante civile et militaire. C’est notamment le cas de la constellation de positionnements par satellites Galileo. À moyen terme, le but est d'atteindre une capacité de « connaissance commune de la menace » voire un « space command ».

Thierry Breton en profite pour faire une petite digression sur le Space Traffic Management (ou gestion du trafic spatial) de l’Europe : « L'espace est de plus en plus contesté, mais il est aussi de plus en plus congestionné. Les places sur les orbites sont de plus en plus compliquées à réserver et les fréquences deviennent rares. Et les débris se multiplient ».

Les débris augmentent le risque de collision et donc les dangers potentiels pour les satellites, y compris évidemment les satellites militaires de surveillance et/ou de renseignement ; Galileo et Copernicus sont évidemment concernés. La situation ne va pas s’améliorer : « On va lancer plus de 20 000 satellites dans les dix années qui viennent, avec les risques de débris que cela implique ».

La gestion du trafic spatial repose pour le moment sur dix actions à mener entre 2022 et 2024. « La première action consiste à mettre en place, au cours des quatre prochains mois, un processus de consultation avec toutes les parties prenantes concernées, afin d'évaluer les besoins ainsi que les effets de la GTS sur les différents domaines d'action de l'Union », précise la Commission dans sa foire aux questions.

Constellation en orbite basse : l’Europe entre « dans la course »…

Malgré cet encombrement de l’espace, notamment sur les orbites basses, l’Europe va lancer sa propre constellation « sécurisée », à l’image de Starlink de SpaceX, Kuiper d’Amazon, Lightspeed de Telesat, ainsi que OneWeb du Royaume-Uni et de l’indien Bharti Global : « Nous entrons aujourd'hui dans la course aux constellations à orbites basses », lâche Thierry Breton. 

Ce projet dessert quatre objectifs. La connectivité bien évidemment, puisque « seuls 56 % des ménages de l'UE ont un accès à haut débit et il existe encore trop de zones mortes ». Contrairement aux satellites géostationnaires, les constellations basses permettent d’avoir une latence de l‘ordre de plusieurs dizaines de ms, contre des centaines.

La résilience avec un plan B « pour que l'Europe reste connectée quoi qu'il arrive ». La sécurité est le troisième point : « Nous voulons construire une infrastructure ultra sécurisée avec chiffrement quantique. Nous devons projeter l'Europe dans l'ère du chiffrement quantique ; c'est la souveraineté technologique de demain. Nous allons accélérer la maitrise de ces technologies ».

Cette constellation « contribuera à la protection des infrastructures critiques, à la surveillance, aux actions extérieures, à la gestion des crises et aux applications qui sont essentielles pour l'économie, la sécurité et la défense des États membres ». Rappelons que la guerre dans l’espace – froide pour le moment – a déjà débuté depuis plusieurs années.

Le dernier point est géostratégique : « Nous pourrons fournir de la connectivité à toute l'Afrique. C'est un formidable accélérateur de développement économique pour ce continent ».

… avec un budget de 6 milliards d’euros, dont 2,4 milliards de l’Union

Le coût total de ce projet est estimé à 6 milliards d'euros. Le financement proviendra de différentes sources du secteur public (budget de l'Union, contributions des États membres et de l'ESA) et d'investissements du privé ; un partenariat public-privé est pour le moment l’option privilégié.

La contribution de l’Union au programme est de 2,4 milliards d'euros à prix courants entre 2022 et 2027. La Commission ajoute que « le développement d'une nouvelle infrastructure apporterait une valeur ajoutée brute comprise entre 17 et 24 milliards d'euros, et créerait des emplois dans l'industrie spatiale de l'Union ».

Le calendrier est ambitieux : le développement et le déploiement initiaux des services pourraient commencer à partir de l’année prochaine. La fourniture des premiers services et les essais en orbite de la cryptographie quantique sont attendus d'ici à 2025, « de sorte que le déploiement complet du système et de sa cryptographie quantique intégrée permettrait la fourniture des services complets d'ici à 2028 », précise la Commission dans sa FAQ sur la connectivité sécurisée.

L’Europe veut être indépendante et la Commission le rappelle haut et fort : « toute dépendance critique à l'égard d'infrastructures de télécommunications par satellite non européennes nuirait à l'intégrité, à la résilience et à la durabilité des opérations de l'Union ». Néanmoins, « la participation au programme pourrait être ouverte à des pays tiers ou à une organisation internationale sur la base de la conclusion d'un accord international ».

Il faut maintenant passer des paroles aux actes… ce qui est n’est pas toujours facile. Dans le domaine de l’espace, l’Europe multiplie à la fois les succès avec des missions d’exploration et des lancements aux petits oignons d’Ariane 5, mais aussi des retards importants sur la mise en route d’Ariane 6, de Vega-C et sur les travaux concernant un lanceur réutilisable.

Commentaires (6)

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Vivement la saison 2 de space force :D

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Je ne savais pas que Star Wars était un manuel d’instructions !



Je vois à peut près l’empereur Pal-Poutine, le méchant Dark Vallsor ou encore Princesse Brigiteilla et Obiwan Sarkozy… Mais qui a inspiré R2D2 ? 



Ah je vois : Élisabeth « R2D » 2 !

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Pas convaincu par les constellations de satellite en orbite basses.
95% de l’accès internet doit pouvoir se faire par la fibre. Et le reste avec la 4/5G fixe.
Vu les sommes engagés c’est facile à atteindre.
Il me semble plus compliqué de brouiller un fil qu’une liaison satellitaire.



Bref, pour le grand public le satellite a un peu d’intérêt, pour un peu que le politique mette les moyens dans les alternatives.
Pour le militaire, cela pourrait intéressant au regard des programmes Scorpion ou Griffon ou Jaguar qui exigent une hyper connexion (mais cela empêchera-t-il se faire laminé par des Talibans ou des Vietcong??)

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@Soriatane :



L’internet satellite n’est pas pour le grand public. Ce que Starlink propose aux gens n’est qu’un effet de bord.



L’intérêt de l’espace, c’est que le signal voyage à la vitesse de la lumière et sans atténuation atmosphérique. Alors que dans la fibre, elle est rallentie à « seulement » 60 % de la vitesse de la lumière.



Pour jouer ou regarder Netflix, on s’en fiche, mais pour le trading haute fréquence entre Londres, NewYork et Tokyo, par exemple, ça change tout.
À tel point qu’ils sont prêt à investir des milliards dedans pour gagner quelques millisecondes.



Ensuite, dans le cas de Starlink, il faut voir qu’Elon Musk a une vision globale de tout ce qu’ils fait : Tesla pour ses voitures connectées, SpaceX pour son projet spatial, et donc naturellement Starlink, lancé par ses fusées pour (entre autre) connecter ses voitures gratuitement.



Waze utilise le GPS et le réseau mobile pour dire où son les bouchons. Mais il ne m’étonnerait pas que Musk veuille aller plus loin et affiche qui est où directement dans le système des voitures. Si toutes les voitures programment un itinéraire par telle route à tel moment, alors il saura où et quand ça bouchonnera plusieurs heures à l’avance. Ça lui permettra aussi de mieux planifier la gestion des chargeurs Tesla, ou même de conseiller de décaler son voyage de 10 minutes pour gagner 30 minutes.



Bien-sûr, Starlink permettrait d’offrir le support pour un réseau capable de tenir cette charge sans frais par rapport aux opérateurs historiques, en plus de faire payer les traders une fortune pour son réseau rapide et faire se faire bien voir en proposant un réseau mondial à tous et surtout les pays pauvres.



C’est effrayant, mais brillant.
En plus, si son projet énergétique (powerwall, sunroof…) décolle, il contrôlera des parts stratégiques dans les secteurs de l’énergie, automobile, télécom et spatial. On pourrait croire que c’est sans rapport, mais ça serait faux.

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(reply:1930935:le hollandais volant)


Le signal est grandement attenué dans l’espace. De plus le signal dans une fibre optique voyage déjà à la vitesse de la lumière. Pour arriver au satellite il y a déjà 500km, donc 1000km minimum pour que le signal arrive à la gateway starlink (voir plus s’il y a du transfert entre satellite) puis soit renvoyé sur un réseau classique fibré.
Bref aucun intérêt pour du trading haute fréquence je pense par rapport à un réseau fibré.



L’intérêt est plus dans la mobilité et la garantie d’une transmission en tout temps en tout lieux. C’est ça qui peut être intéressant pour les voitures et aussi pour des besoins professionnels en Europe. Au USA il ne faut pas oublier que c’est moins dense et que la fibre sera impossible pour pas mal d’habitants dans les états peu dense.

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(reply:1930935:le hollandais volant)
Analyse intéressant mais le coût environnemental pour un tel projet avec des avancée +/- mineures


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