NVIDIA a-t-il suffisamment anticipé l’arrivée des Radeon RX 5700 ?
Super or not super, that's the question
Le 10 juin 2019 à 16h07
10 min
Hardware
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Ce soir, AMD va présenter de nouvelles solutions à destination des joueurs, notamment ses Radeon RX 5700. Le constructeur va s'attaquer aux GeForce RTX de NVIDIA, avec des puces plus compactes et moins chères. De quoi lui faire mal sur une part essentielle du marché ? L'initiative Super suffira-t-elle comme réponse ?
NVIDIA est leader du marché des GPU, et de loin. Depuis quelques années, ses puces se distinguent par une très bonne efficacité, un niveau de performance que la concurrence n'arrive pas à suivre et des technologies généralement en avance de phase. Tant pour son offre grand public que celle à destination des professionnels.
NVIDIA, leader aux problèmes multiples
Et comme souvent dans ce genre de situation, le géant déraille. Non qu'il s'endorme sur ses lauriers comme l'a fait Intel : l'arrivée de Turing, de Jetson Nano ou de ses différentes initiatives sur de multiples marchés l'ont bien montré. Mais sa position dominante et le fait qu'AMD ne réponde que par des baisses de prix ont activé de mauvaises mécaniques.
Cela tient à de nombreux détails, comme la focalisation sur des programmes marketing tels que Studio qui visent à cloisonner le marché, bien que présentés comme une source d'innovation. C'est aussi le cas du côté des pilotes qui continuent de grossir, sans évoluer en profondeur, avec des pratiques détestables comme celles autour de GeForce Experience.
De quoi générer de la rancœur auprès de certains joueurs, mais aussi des partenaires qui n'apprécient guère le manque d'équilibre dans les relations avec la marque. Car le réel problème est ailleurs : dans l'attitude de NVIDIA, notamment lors du lancement de ses produits, et dans sa manière d'anticiper les choix de la concurrence.
Chères GeForce RTX
L'annonce de Turing et des GeForce RTX a été une sorte d'apothéose. Après une conférence peu convaicante à la Gamescom l'année dernière, la société a multiplié les annonces de cartes graphiques aux prix excessifs et les ratés : gestion des stocks, bugs sur certains modèles, arrivée tardive du ray tracing sur certains jeux. Mais aussi une expérience plus ou moins décevante pour son mode « RTX On » (ray tracing et DLSS) dans plusieurs titres, en partie corrigé depuis.
Les premiers temps, le constructeur niait en bloc les problèmes, avec un discours assez carré : le ray tracing est l'avenir du jeu vidéo, Turing l'anticipe, cela va mettre du temps à « infuser » sur l'ensemble du marché. Un discours que l'on peut entendre, surtout que tout le monde se met au ray tracing, jusqu'à Apple et Imagination Technologies. Mais la société doit aussi se confronter à la réalité : on peut aisément se passer de DLSS et du ray tracing en l'état actuel du marché.
On doit par contre payer pour cela lorsque l'on achète une GeForce RTX. Une bonne partie du die des puces de cette gamme, gravées en 12 nm, est consacrée aux RT Cores et Tensor Cores, ce qui a un impact non négligeable sur le prix des produits, pour NVIDIA et encore plus pour le client final.
Sans concurrence, le constructeur ne s'est pas retenu de facturer cher la montée en performances, notamment sur les RTX 2080 (Ti). Elles sont d'ailleurs toujours vendues pour 650/700 et 1000 euros respectivement. Un surcoût de 40/45 % pour le modèle Ti, qui n'est pourtant que 20/30 % plus performant.
Le discours de NVIDIA a changé
Depuis fin 2018, on a néanmoins vu l'attitude du constructeur évoluer. Non pas sur l'idée de fond autour du ray tracing, chaque conférence ou présentation comporte toujours une bonne demi-heure sur le sujet. Au bout de neuf mois, NVIDIA pourrait se dire que son auditoire a compris l'idée, mais non : ce fût encore le cas au Computex.
On a par contre vu des produits plus attractifs être lancés. Les GeForce RTX 2070 puis 2060. Cette dernière coûte dans les 330 euros pour des performances 30 à 40 % inférieures à une RTX 2080... pour 50/60 % moins cher. Les réactions étaient aussi moins dures face aux critiques des premiers mois.
C'est ensuite les « créateurs » qui ont été plus attentivement ciblés, NVIDIA évoquant alors ses partenariats sur le sujet et les avantages de Turing pour la vidéo, le rendu 3D, le traitement photo, etc. C'est de là qu'est venu l'annonce des pilotes Creators Ready, devenu depuis l'initiative Studio.
Il s'agissait de répondre à AMD et sa Radeon VII avec 16 Go de HBM2, « pensée pour les joueurs », mais surtout taillée pour les professionnels dans la pratique. Ceux qui n'ont pas forcément envie de payer pour une Radeon Pro ou une Quadro. NVIDIA voulait alors leur dire : RT Cores et Tensor Cores peuvent vous être utiles.
Mais là aussi, le gros des initiatives est encore dans les cartons (ou en bêta).
GeForce GTX 16xx : l'alternative
Pour attaquer le cœur de gamme, NVIDIA a fait un choix de raison : faire sans les unités consacrées au ray tracing et à l'intelligence artificielle. Cela permet d'avoir des puces et donc un prix bien plus compacts, mais surtout de ne pas miser sur des fonctionnalités qui seraient décevantes.
En effet, accélérer le ray tracing sur une GTX 1650 taillée pour de bonnes performances en 1080p sans être une bête de course n'a pas vraiment d'intérêt, ce serait de toutes façons injouable. Les Tensor Cores pourraient à la limite intéresser pour DLSS ou les avantages apportés aux développeurs, mais le rapport performances/prix était plus important.
Là, on a vu NVIDIA pratiquer des tarifs du même niveau que la RTX 2060, sans pour autant aller à la guerre des prix avec AMD qui a ratatiné les tarifs de ses Radeon RX 570 à 590, mais aussi des Vega 56, plus aucune ne valant plus de 230 euros. Sans parler de la ribambelle de jeux offerts. À défaut d'une solution efficace, il faut vider les stocks.
Navi : la stratégie du petit mais costaud
Pour le texan, l'idée était surtout de faire le dos rond en attendant la relève : Navi. Gravée en 7 nm, cette génération de GPU exploite une architecture renouvelée : RDNA. Elle est présentée comme 25 % plus performante, mais surtout 50% plus efficace en termes de performances par watt.
Est-ce que cela lui permettra de rattraper le retard sur Pascal et Turing en la matière, nous verrons lors des tests. L'intéressant dans la stratégie d'AMD est ailleurs, dans le marché visé pour le lancement. Au Computex, on a en effet eu la confirmation que les GeForce RTX 2070 étaient les principales cibles (voir ci-desssous), un choix malin.
Car RDNA a été pensée pour être exploitée au sein de puces minimales, sans fioriture. Exit la coûteuse HBM2 au profit de la GDDR6, permettant d'obtenir le niveau de performances nécessaire. AMD vise davantage l'efficacité dans les jeux que dans les stations de travail, où les Vega semblent avoir encore toute leur place pour moment. L'entreprise va être capable de produire une carte graphique équivalente (hors ray tracing), mais bien moins coûteuse.
Autant dire que la société ne devrait pas se gêner pour réduire les prix en se gardant une marge confortable, tout du moins si la production en 7 nm de TSMC suit la cadence. À la manière de Ryzen sur le marché des CPU, l'idée est de proposer une solution similaire mais pour bien moins cher et casser les pieds de NVIDIA.
Comme Intel garde l'avantage de sa très haute fréquence sur des modèles comme les Core i9-9900K(S), le caméléon va garder pour lui la palme de la carte graphique la plus puissante. Mais ce que veut AMD, c'est lui reprendre des parts de marché en se focalisant là où il y a du volume à faire : les cartes à moins de 500 euros.
Quid du ray tracing ou de DLSS ? Impossible à dire, le père des Radeon n'ayant pour le moment pas communiqué sur le sujet. Mais la société pourra facilement argumenter sur le fait qu'ils ne sont pas nécessaires à court terme. Et lorsque cela deviendra un standard du marché, d'ici quelques années, il sera bien temps de changer de GPU.
Les solutions d'accélération matérielle intégrées seront alors sans doute bien plus efficaces que celles en place au sein de Turing, que ce soit chez NVIDIA ou ses concurrents.
AMD mise aussi sur son écosystème
Navi n'est pas le seul atout qui sera exploité. AMD a retravaillé l'expérience de ses pilotes, intégré l'overlay et de nombreuses fonctionnalités, accéléré le rythme des publications et la réactivité lors de la sortie de nouveaux titres. Elle a également multiplié les partenariats avec les éditeurs, et continue de publier des solutions open source.
Ainsi, on peut facilement exploiter ses GPU sous Linux comme sous Windows, là où les distributions en sont encore à batailler pour savoir s'il faut encore proposer ou non le pilote propriétaire de NVIDIA dès l'installation. Certaines ont déjà sauté le pas, d'autres s'y préparent, comme Ubuntu pour sa version 19.10.
C'est un point qui est important car le jeu sous Linux se développe (à son échelle). Même si l'absence des boutiques d'éditeurs comme Origin, Uplay ou le Microsoft Store sont un problème, c'est une réalité. Surtout, Intel mise énormément sur Linux et propose des solutions open source complètes, son GPU arrivant dans le courant de l'année prochaine.
Il faut donc se tenir prêt.
NVIDIA Super : bonne ou mauvaise réponse ?
À tout cela, qu'oppose NVIDIA ? Tout d'abord une communication un peu ratée. La société a publié un teasing en amont du Computex autour du mot « Super », sans rien dire de plus depuis. À Taipei, la société n'a même pas envoyé son PDG Star faire ses annonces et s'est contenté d'un show assez court et peu entrainant.
Autant dire que pour créer l'enthousiasme, on a vu mieux. Depuis, forcément, les fuites se sont multipliées. La réponse serait ainsi des versions retouchées des GeForce RTX estampillées « Super », plus performantes, avec un rapport performances/prix plus intéressant pour les nouveaux comme les anciens modèles.
Si cela se confirme, ceux qui ont craqué pour la v1 de ces cartes apprécieront. Surtout, on a du mal à croire qu'une puce en 12 nm intégrant RT et Tensor Cores pourra rivaliser en termes de prix avec une puce compacte telle que celle des Radeon RX 5700, gravée en 7 nm. Pour cela, il aurait sans doute fallu que des GTX 1670/1680 soient en préparation.
AMD et NVIDIA semblent néanmoins prêt à se battre. La conférence du texan qui se tient ce soir sera ainsi suivie avec attention, par les joueurs, mais aussi la concurrence. AMD a invité des journalistes sur place, des annonces détaillées devraient donc avoir lieu. NVIDIA a sans doute cherché à les « briefer » à son tour pour préparer sa contre-offensive. Celle-ci ne devrait donc pas tarder. On saura alors quelles sont les cartes de chacun.
Une chose est sûre : dans le secteur des GPU, l'été sera chaud.
NVIDIA a-t-il suffisamment anticipé l’arrivée des Radeon RX 5700 ?
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NVIDIA, leader aux problèmes multiples
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Chères GeForce RTX
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Le discours de NVIDIA a changé
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GeForce GTX 16xx : l'alternative
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Navi : la stratégie du petit mais costaud
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AMD mise aussi sur son écosystème
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NVIDIA Super : bonne ou mauvaise réponse ?
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 10/06/2019 à 17h52
Je pense que nVidia en a encore sous la pédale. Comme dit dans l’article, ils ne sont pas en stagnation comme Intel. Ils ont bien vu que AMD se relevait.
Pour moi ils commettent deux erreurs :
Ceci dit, si AMD est devenu le partenaire privilégié des consoliers, nVidia comme Intel d’ailleurs bénéficient encore d’une certaine aura chez les joueurs même si la tendance commence à s’inverser au niveau des processeurs. J’espère juste que leur gamme de cartes graphiques va s’éclaircir. Il y a beaucoup trop de dénominations et d’architectures différents qui coexistent à l’heure actuelle.
Le 10/06/2019 à 19h46
Clairement, mon choix est déjà fait. J’étais prêt à faire des concessions, mais il se profile que les nouvelles cartes d’AMD seront une alternative tout a fait sérieuse. Donc je pense y aller les yeux fermés.
Le 10/06/2019 à 20h59
A voir. NVIDIA pourrait se contenter de baisser ses prix.
Je comprends pas ce “super”. Ça fait pitié alors qu’ils ont déjà 20000 références…
Le 11/06/2019 à 08h53
Comme d’hab bon article. Par contre ce n’est pas nouveau que les derniers points de performances sont les plus cher à aller chercher et que le rapport perfs/prix n’est pas linéaire…que ce soit chez nVidia, AMD, Intel, si on se cantonne au semi-conducteur pour PC.
Le 11/06/2019 à 09h12
La 2070 RTX est à 500, je vois pas l’intérêt de la RX 5700 si elle est au même prix, Ray Tracing en moins …
Le 11/06/2019 à 10h13
Je te rejoins sur le fait qu’NVidia en a sous la pédale et n’a pas fait la même erreur qu’intel. Mais là où NVidia as encore pas mal d’inertie, c’est qu’ils ont pas mal démarché auprès des pro. Et pas uniquement dans les jeux vidéo, mais aussi dans les laboratoires, CUDA est largement dominant face à tout autre bibliothèque de CPGPU.
Le 11/06/2019 à 10h34
Je pense que AMD va se positionner sur un tarif plus agressif, peut-être 400 € ?
Le 11/06/2019 à 10h50
Surtout si NVIDIA se repositionne rapidement. Après l’intérêt d’AMD c’est d’avoir une puce assez petite, et donc sauf si le yield est pourri, ils ont de la marge.
Le 11/06/2019 à 11h39
Pour ceux qui hésiteraient, je fais tourner des jeux natifs windows via Proton (Steam Play) ou Lutris (Wine) sous Archlinux mais peu importe la distro, grâce aux initiatives telles que DXVK et esync. J’ai un Ryzen 2600X et une RX580 avec le driver open source (AMDGPU). Les perfs sont excellentes. Je fais même tourner Star Citizen avec le même niveau de perf que sous Windoze 10, c.a.d. que parfois j’ai des pertes de framerates mais indépendamment de l’OS (Star Citizen quoi :p )
Le 11/06/2019 à 14h22
Bonjour,
Malheureusement AMD à priori ne jouera pas le jeu du prix.
Un RX 5700 XT de base à 499€ (Annoncé par AMD) cela a des chance de faire en Euro avec la TVA dans les 550 € et pour les customs 50⁄100 € de plus.
Donc aucun intérêt par rapport à une RTX2070 et pourtant j’aimerais punir NVIDIA mais apparemment personne ne veux faire vraiment baisser les prix. Les deux préfèrent leur marge. Le joueur PC est toujours un pigeon. Un jour on ira sur console notamment au vu des prochaines générations.
Ils sont tout simplement entrain de tuer le jeu sur PC lentement mais surement.
Le 11/06/2019 à 14h52
La 5700XT a été annoncé à \(449. Je n'ai pas vu passé d'annonce en France encore mais les prix annoncés en France sont toujours TTC donc pas de calcul à appliquer par dessus encore. Il y a un modèle limité 50eme anniversaire à \)499 mais avec des specs réhaussées (qui chatouille la RTX 2080 sur le papier).
Je trouve que \(449 c'est un peu trop sage pour la 5700 XT face à la 2070, \)25 de moins en aurait un carton à mon avis. Par contre si l’édition limitée est vraiment capable de jouer des coudes avec la 2080 et qu’elles est dispo en quantité suffisante elle peut faire mal.
Le 11/06/2019 à 14h54
449 dollars, on verra le prix en euros. Attention tout de même, avec NVIDIA qui prépare ses baisses, les annonces de chacun peuvent vite évoluer. On verra au moment du lancement ;)
Le 12/06/2019 à 07h38
C’est sûr qu’avec de tels prix, ça donne envie de passer aux consoles. D’ailleurs, perso, j’ai le PC et les consoles. Et je dois dire que le rendu est très correct.
Le 12/06/2019 à 09h48
Il n’y a pas que les consoles, les services de cloud gaming commencent à devenir intéressant, ils sont en train de se suicider lentement
Le 16/06/2019 à 22h08
Les services Clouds n’ont clairement pas leur place dans cette bataille. Leur rapport qualité/prix est désastreux. Rien qu’avec Shadow pour n’en citer qu’un, la majorité ont déjà quitté le navire déçus après même pas 3 ans.
Non mais sérieusement, le Cloud Computing/Gaming c’est l’arnaque du siècle à tous les niveaux. Si tu veux vraiment comparer avec quelques-chose, compares-le avec un Titanic qui à coulé depuis bien longtemps et qu’on essaie de bricoler pour que ça flotte de nouveau à peu près.