[Interview] Patrick Beja nous parle de sa vision du monde du Podcast
« Parler de ce que j'aime... et m'amuser en même temps ! »
Le 06 août 2013 à 07h55
9 min
Internet
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Dans le cadre de la rédaction de notre article consacré à la fin de No Watch et à l'évolution des podcasts, nous avons pu nous entretenir avec Patrick Beja, qui a fait partie de l'aventure NoWatch mais qui est impliqué dans le monde du podcast depuis de nombreuses années via ses différentes émissions qu'il propose sur Frenchspin. Vous retrouverez ici la retranscription intégrale de nos échanges.
Bonjour Patrick, est-ce que tu peux rapidement te présenter et nous parler de ta relation aux Podcasts ?
Je m'appelle Patrick Beja, je produis et j'anime des podcasts depuis 2006. Au cours des années j'ai créé sept émissions différentes, en français et en anglais, dont trois sont toujours actives. Les sujets vont de l'actu tech aux jeux vidéo, en passant par la politique internationale.
J'ai aussi participé à différentes émissions anglophones, et je participe toujours régulièrement à certaines émissions du groupe This Week in Tech, de Leo Laporte, l'un des pionniers du média aux US.
Apple a récemment annoncé avoir dépassé le stade du milliard d'abonnements cumulés à ses Podcasts via iTunes. Avec l'arrivée des Hangouts en direct, la démocratisation de la vidéo, est-ce que ce format connaît un renouveau ?
Les Hangouts ne sont pas encore tout à fait idéaux pour les podcasts à mon sens. Ils sont utiles pour la diffusion vidéo, mais pour l'enregistrement je préfère encore Skype (particulièrement pour l'audio, que je pratique en majorité). Je ne pense donc pas que cette fonctionnalité apporte vraiment un renouveau, du moins dans mon cas.
Ceci dit, le milliard d'abonnement par iTunes est une étape intéressante... Cette plateforme est d'ailleurs un élément particulier du monde des podcasts, de loin la plus populaire. Elle a permis de démocratiser le média, qui ne serait certainement pas aujourd'hui là où il est sans elle. D'un autre coté, il y a un quasi-monopole de facto sur la découverte de podcasts, puisqu'ils sont la seule grosse entité à s'y intéresser vraiment. Disons que dans l'idéal, j'aimerais qu'ils fassent encore plus pour les promouvoir et faciliter l'accès ou même la monétisation : un système de paiement récurent optionnel par exemple pourrait aider les producteurs de podcasts indépendants à vivre de ce qui reste encore une passion.
Tant qu'à leur donner les clés du média, autant en profiter jusqu'au bout.
NoWatch vient de fermer ses portes, quel était ton rôle dans cette aventure ?
Etant l'un des premiers podcasteurs français (à ma connaissance), j'ai initié le rapprochement avec les autres qui sont apparus au fil des années. J'aime à croire que ça a été un facteur important dans la formation de NoWatch, dont j'ai été l'un des fondateurs.
Au sein du groupe, j'aidais à déterminer la direction générale que nous prenions, et je gérais le département « audio », le podcast audio étant mon format de prédilection.
D'après toi, qu'est-ce qui a précipité la fin de NoWatch ? Le manque de fonds et de partenaires, ou d'audience ?
L'audience aurait bien sûr pu être plus grande, mais elle était déjà là... Si nous avions réussi à trouver suffisamment de sponsors prêts à payer des sommes raisonnables pour toucher cette audience, nous aurions pu survivre.
Le problème est multiple : la récession d'une part, qui a coupé les budgets pub peu après notre lancement, et la nouveauté du média d'autre part, puisque les annonceurs ne connaissent généralement pas bien le produit (quand on leur parle d'Internet, beaucoup pensent encore aux bannières). C'est doublement dommage, puisque notre audience est très qualifiée et très engagée : les taux de rétention d'un produit sponsorisé sont incroyables (plus de 80 % des auditeurs se souviennent du produit en question). On est à des années lumières des résultats d'une bannière (que personne ne regarde) ou même d'une page dans un magazine, perdue parmi 50 autres...
Aux États-Unis, les choses sont différentes, et beaucoup d'annonceurs y voient déjà leur intérêt. On ne parle pas forcément de marques de lessive, mais des produits technocentriques ou en rapport avec cette culture, qui trouvent là un public idéal qu'ils peuvent toucher efficacement et à moindre frais. Avec en plus la force de la relation personnelle sans pareil qu'établi un podcasteur avec ses auditeurs (on ne parle pas de radio, l'ambiance est bien plus intime). Certains réseaux en vivent bien là-bas... Hélas, en France nous avons toujours quelques années en retard.
Au début des années 2000, les annonceurs avaient peur des bannières web par lesquelles ils jurent aujourd'hui. J'imagine que dans quelques temps, le contenu audio ou vidéo indépendant évoluera dans leur esprit de la même manière (avec l'aide des régies sans doute).
Financer un Podcast en tant qu'émission indépendante, ça te semble possible, ou tu penses que c'est plus une activité secondaire de passionné ?
Hélas, comme je le disais plus haut, je pense que le marché de la publicité (la seule solution exploitable sur le Net pour ce type de produit) n'est pas encore mûr pour permettre aux producteurs d'en vivre. Beaucoup posent la question du crowdfunding, mais dans les conditions actuelles il ne permet guère que de rentrer dans ses frais, et pas beaucoup plus...
Suite à la fermeture de NoWatch, tu as relancé Frenchspin. Qu'est-ce que c'est exactement ?
C'était simplement le site qui hébergeait mes émissions avant qu'elles ne rejoignent NoWatch. J'y ai remis un coup de peinture, ajouté une nouvelle émission pour faire bonne mesure, et relancé la machine... Pour la petite histoire, Frenchspin signifie à peu près « donner une tournure française ». Etant le petit frenchy du milieu anglophone des podcasts, j'avais trouvé le nom approprié et amusant.
Tu publies pour le moment trois émissions : Le rendez-vous Tech, Appload et Positron. Quel objectif as-tu avec ces podcasts ?
Parler de ce que j'aime... et m'amuser en même temps !
Pour ceux qui ne connaissent pas les podcasts, il faut savoir que c'est un média incroyablement convivial. On est loin du ton rigide des journalistes radio ou télé. Là on passe vraiment un moment agréable entre amis, et ça se sent. C'est ce qui fait que les auditeurs apprécient tellement les émissions : ils ont l'impression de s’asseoir à la table avec nous pour parler de leurs passions.
Positron est le petit dernier, et sans doute le plus accessible pour le « grand public ». L'idée est qu'on a accès à tellement de produits culturels merveilleux aujourd'hui (par le Net principalement), que je ne comprends pas comment quelqu'un peut trouver le temps s'ennuyer... Du coup, on fait dans chaque épisode trois recommandations de « trucs cools » (films, séries, comics, musique, livres), pour que les auditeurs découvrent de nouvelles choses à lire ou écouter. Ça marche plutôt pas mal, les retours sont très positifs.
Je suis aussi un féru d'informatique et de tech, et Le rendez-vous Tech est la plus ancienne des trois émissions. C'est un moyen pour moi de parler de l'actu tech, de donner mon analyse sur les sujets importants (du dernier iPhone à l'affaire Prism) et de partager tout ça avec la communauté des auditeurs.
AppLoad répond à un besoin qu'on a très vite ressenti avec l'arrivée des smartphones et les incroyables bénéfices qu'ils ont apporté pour la distribution des programmes des développeurs... Dans cette forêt d'apps, il y avait des gemmes qu'il était parfois difficile de trouver : mes amis et moi avons décidé de donner une « réponse » à ce « problème » (les guillemets ont leur importance). Et c'est aussi une émission un peu folle où l'on déconne beaucoup... Je mets au défi qui que ce soit d'écouter une émission sans sourire au moins une fois.
As-tu la volonté de passer au format vidéo plutôt qu'à l'audio ?
J'aimerais bien, mais la vidéo multiplie le temps de production par 10... Vu le nombre d'émissions que je produis (et mon obsession pour la régularité de leur sortie), ça n'est pas envisageable à moins d'y consacrer beaucoup plus de temps. Si je peux en vivre un jour, ça sera sans doute une des priorités.
Est-ce que tu as un conseil pour ceux qui voudraient se lancer dans le podcast, d'une manière ou d'une autre ?
Pour moi, il y quelques éléments essentiels à respecter. Il faut choisir un sujet spécifique, sur lequel on est calé et passionné. Il y a beaucoup d'émissions désormais, et il faut trouver sa cible pour sortir du lot. C'est comme pour le web : il y aura toujours au moins un petit groupe de gens qui sera intéressé par le sujet que vous abordez.
Ensuite, il faut soigner la qualité technique. Si le son n'est pas bon, l'auditeur est très vite irrité... Il ne faut pas sous-estimer le travail nécessaire. On pense toujours que le tout prendra quelques heures, et ça en prend le triple... Produire un podcast, même audio, demande un boulot vraiment énorme (surtout au début, avant d'avoir pris les automatismes). Pour cette raison, je recommande aussi de commencer « doucement » : une émission par mois, et puis on augmente si on voit qu'on tient le rythme.
Soigner aussi la régularité. Rien de pire qu'une émission qui disparaît pendant deux mois au bout de trois épisodes, puis qui revient, puis qui rate encore un épisode... C'est comme le sport : si on se dit qu'on est trop fatigué un jour et qu'on ne va pas respecter le programme pour cette fois, c'est souvent le début de la fin.
Un dernier mot ?
Beaucoup se demandent ce qu'est le podcast... C'est simple : c'est l'équivalent pour la radio de ce qu'étaient les sites web pour les journaux : un moyen pour les indépendants et les passionnés de jouer à jeu égal avec la vieille garde. Au niveau distribution, un podcast sur la couture est (presque) aussi facilement accessible qu'une émission de France 2, et elle coûte 1 000 fois moins cher à produire...
L'autre chose que je voudrais dire en conclusion, c'est à quel point je suis reconnaissant que tant de gens choisissent de consacrer leur temps de loisir à m'écouter... Je travaille vraiment dur pour offrir des émissions distrayantes et de qualité, et voir le retour si positif de tant de gens fait vraiment chaud au cœur. Le podcast est un média incroyablement personnel, et ce retour et les échanges avec la communauté sont très importants... Donc voilà, comme toujours, mon dernier mot est : merci.
[Interview] Patrick Beja nous parle de sa vision du monde du Podcast
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Bonjour Patrick, est-ce que tu peux rapidement te présenter et nous parler de ta relation aux Podcasts ?
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Apple a récemment annoncé avoir dépassé le stade du milliard d'abonnements cumulés à ses Podcasts via iTunes. Avec l'arrivée des Hangouts en direct, la démocratisation de la vidéo, est-ce que ce format connaît un renouveau ?
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NoWatch vient de fermer ses portes, quel était ton rôle dans cette aventure ?
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D'après toi, qu'est-ce qui a précipité la fin de NoWatch ? Le manque de fonds et de partenaires, ou d'audience ?
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Financer un Podcast en tant qu'émission indépendante, ça te semble possible, ou tu penses que c'est plus une activité secondaire de passionné ?
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Suite à la fermeture de NoWatch, tu as relancé Frenchspin. Qu'est-ce que c'est exactement ?
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Tu publies pour le moment trois émissions : Le rendez-vous Tech, Appload et Positron. Quel objectif as-tu avec ces podcasts ?
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As-tu la volonté de passer au format vidéo plutôt qu'à l'audio ?
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Est-ce que tu as un conseil pour ceux qui voudraient se lancer dans le podcast, d'une manière ou d'une autre ?
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Un dernier mot ?
Commentaires (10)
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Abonnez-vousLe 06/08/2013 à 08h42
L’autre chose que je voudrais dire en conclusion, c’est à quel point je suis reconnaissant que tant de gens choisissent de consacrer leur temps de loisir à m’écouter… Je travaille vraiment dur pour offrir des émissions distrayantes et de qualité, et voir le retour si positif de tant de gens fait vraiment chaud au cœur. Le podcast est un média incroyablement personnel, et ce retour et les échanges avec la communauté sont très importants… Donc voilà, comme toujours, mon dernier mot est : merci.
Merci à toi pour tous les bons moments en écoutant tes émissions !!!
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Comme beaucoup de gens, j’ai été très déçu et triste lors de l’annonce de la fin de Nowatch mais très heureux de voir que beaucoup de podcasts continuaient leur petit bonhomme de chemin.
Le 06/08/2013 à 08h59
Eh oui, on ne se doute pas que produire un podcast audio coûte de l’argent. Depuis l’avènement de ce mode de diffusion, le gratuit a été plébisicité (je dis pas qu’il ne fallait pas). Cela va être très difficile de faire des podcasts payants.
L’équation économique semble délicate pour les producteurs indépendants comme No Watch. Ils n’ont pas les moyens financiers d’un grand groupe (Next Radio TV pour De quoi je me mail) pour faire des podcast de qualité (d’un point de vue purement technique j’entends) et qui va attirer les annonceurs.
Le 06/08/2013 à 09h13
Le 06/08/2013 à 09h54
Patrick Béjà avait fait de la pub pour Numéricable (entre autres) dans ses podcasts. La difficulté était que pour beaucoup, écouter un podcast avec de la pub c’est insupportable. Alors il y consacrait 10 minutes de promo dans son émission. Au final c’était plus maladroit qu’autre chose.
La rémunération par auditeur aussi a été mise en place, avec pas beaucoup de succès apparement. Selon moi, il faut une vraie base de fan de la première heure qui puisse mettre la main au portefeuille car “pourquoi devrais-je payer pour une information gratuite sur le net”?
Je ne sais pas si ca a été tenté mais mettre le logo d’une boite par intermittence comme illustration de son émission aurait peut être été efficace.
Le 06/08/2013 à 10h25
Le 06/08/2013 à 10h40
Faut pas déconner a l’époque de Numéricable/Nowatch les “coupures pub” n’était pas de 10 minutes et elles étaient en plus faite avec suffisamment de sympathie pour que les annonces ne soient pas pénible à entendre. Un “french touch” justement qui permettait de faire passer une pilule pub comme un segment de l’émission. C’est pour cela que l’on parle de taux de rétention.
Le nouveau public du podcast indé sait que ces solutions peuvent marcher et vendre une bannière-logo ça aurait été peu efficace premièrement vu l’argent que cela engrange puis ca dénaturerait sacrément l’aspect proximité justement.
Le succès de TWiT.tv n’est pas basé sur les histoires exclusive mais sur la plus-value ajouté par les discussion et le format bien plus pratique dans certaines situations. C’est sur ces 2 points uniquement que le podcast doit capitaliser.
Les annonçeurs n’ont simplement pas encore compris, Nowatch est peut-être arrivé un peu trop tôt en France
Le 06/08/2013 à 10h49
C’est avec grand plaisir que j’écoute le Rendez-Vous Tech.
Je suis à chaque fois surpris par la qualité des sujets traités, et les intervenants extérieurs sont eux aussi passionnants.
C’est moi qui dit Merci !
Le 06/08/2013 à 14h22
Humm… Je dirais 5 minutes au moins. Car je me souviens de pas mal de podcast où Beja, très en forme, déversait son flot de paroles ininterrompu sur les offres Numéricable et que ses acolytes le relançait. La première fois ça a marché mais après j’avançais dans l’émission, ce qui fait aussi l’une des forces du podcast.
Bref. Ils ont aussi mis en place un système de donation avec pour chaque podcast, un rappel de celui/celle qui a donné entre temps. Ca n’a pas vraiment marché. Dommage.
Merci pour TWiT.tv, je ne connaissais pas.
Le 06/08/2013 à 15h47
Patrick est le premier podcasteur que j’ai écouté avec Azeroth.fr, en parlant d’autres podcasts dans l’émission il m’a amené à connaître petit à petit ce petit monde bien sympathique. Quelques années après je m’essaie moi-même au podcast, donc je ne peut que le remercier d’avoir été une source d’inspiration !
Le 07/08/2013 à 12h31