Environnement, droits humains : ce que la directive CSRD peut changer dans le numérique
Un premier pan de la CSRD entre en vigueur début 2025. Cette directive généraliste étend les obligations de transparence fixées par plusieurs textes visant plus spécifiquement l’industrie numérique.
Le 24 décembre à 14h22
5 min
Droit
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Adoptée en 2022, il est une directive européenne qui a fait peu de bruit – on en a trouvé peu de traces dans Next – mais dont l’effet sur l’industrie numérique n’est pas négligeable : la Corporate Sustainability Reporting Directive, ou directive pour la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, généralement réduite au sigle CSRD.
Le texte oblige plus de 50 000 entreprises européennes, ainsi que de nombreuses autres non-européennes opérant sur le sol de l’Union, à publier des informations « non financières » sur les effets environnementaux et relatifs aux droits humains de leurs activités, au même titre qu’elles doivent, déjà, publier leurs comptes. Il s’intègre dans le pacte vert pour l’Europe, directive qui vise la neutralité carbone d’ici 2050.
Critères ESRS
En pratique, les sociétés de plus de 250 salariés réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 50 millions d’euros ou ayant un bilan de plus de 25 millions d’euros sont concernées, de même que les PME cotées (ces dernières sont astreintes à des obligations simplifiées). Les sociétés non européennes qui génèrent 150 millions d’euros de chiffres d’affaires net minimum dans l’UE sont elles aussi soumises aux obligations du texte.
Les informations à publier chaque année sont définies selon les standards ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Elles doivent être rapportées sous le principe de double matérialité, c’est-à-dire la matérialité financière et la matérialité d’impact. Cela signifie que les entreprises devront à la fois envisager les effets des questions de durabilité sur leur performance économique et les effets de leurs activités sur l’environnement et les droits humains.
Sur les questions climatiques, relève l’ingénieur et président du Shift Project Jean-Marc Jancovici, la CSRD permettra de mieux suivre leurs consommations énergétiques, en eau, en ressources, ou leur impact sur la biodiversité et les écosystèmes, les pollutions qu’elles provoquent, ou encore leurs usages de ressources et implications dans l’économie circulaire.
De même, le texte doit aider à mieux détailler les effets concrets, à chaque étape de la chaîne de production, sur les droits humains. En pratique, cela consiste à rassembler des données sur les conditions de travail, l’égalité des chances, la santé et la sécurité de la main d’œuvre des entreprises, mais aussi sur les autres travailleurs présents le long de la chaîne de valeur. Ce pan concerne aussi le suivi des effets des activités de l'entreprise sur les communautés locales, ou encore sur les utilisateurs et consommateurs finaux.
Pour contrôler la fiabilité des informations communiquées par les entreprises, la CSRD prévoit l’introduction progressive d’audits obligatoires.
Chaîne de valeur mondiale
Pour l’industrie numérique, le texte vient donc compléter une série d’autres réglementations plus spécifiques, dont les règlements sur les services (DSA) et sur les marchés (DMA) numériques, ou le récent règlement sur l’intelligence artificielle.
S’il reprend certains des mécanismes d’estimation des risques et de transparence imposés par ces textes, souligne Tech Policy Press, le CSRD est néanmoins d’ampleur plus large. Il oblige les entreprises à se pencher sur leurs opérations mondiales, et à évaluer leurs effets environnementaux et humains à l’échelle du globe – que ceux-ci soient causés « directement », que l’entreprise y « contribue », ou qu’ils soient le produit de « la chaîne de valeur de l’entreprise ».
Comme le sociologue Antonio Casilli le soulignait fin novembre, la CSRD pourrait dans les faits servir de levier de protection des droits des travailleurs du clic – entraîneurs de systèmes d’IA, livreurs et autres travailleurs de plateformes – un peu partout sur la planète.
De la même manière, il devrait permettre de faire plus de transparence sur les conditions et les effets de l’extraction de métaux rares nécessaires à la fabrication des outils numériques, les conditions de fabrication de ces produits – y compris les effets environnementaux de leur entraînement –, ou encore celle de leur distribution et de leur stockage.
La directive CSRD entre en application début 2025 pour les plus grandes entreprises, déjà soumises au texte précédent et plus restreint qu’est la directive sur les rapports non financiers (NRDF). En 2026, elle s’étendra à toutes les autres grandes entreprises, en 2027 à toutes les PME cotées en bourse, et à partir de 2028 à toutes les entreprises internationales œuvrant dans l’UE.
Le texte n’est pas allé sans recevoir de critiques, notamment sur le nombre d’indicateurs à suivre et le manque de pédagogie de Bruxelles – le directeur de BNP Paribas évoque un « délire bureaucratique ». Ceci, au point que quatre ministres allemands demandent au gouvernement Scholz que l’application du texte soit reportée de deux ans pour les grandes entreprises, et que les PME soient exemptées de rapport de durabilité.
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