Top500 des supercalculateurs : l’Europe et AMD progressent, deux EuroHPC dans le Top5
La France descend d’une marche, en 11e position
Le 24 novembre 2022 à 15h46
6 min
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Si le trio de tête des supercalculateurs du Top500 ne change pas (et encore, LUMI a doublé sa puissance pour rester à sa place), il se passe beaucoup de choses dans les coulisses. AMD gagne du terrain, tout comme l’Europe qui dispose désormais de plus de supercalculateurs dans le Top500 que les États-Unis. Le Green500 a aussi un nouveau numéro un.
Deux fois par an, le classement Top500 des supercalculateurs dans le monde est mis à jour. Lors de celle de juin (59e édition) une petite révolution est arrivée : Frontier devenait « la première véritable machine exaflopique avec un score HPL de 1,102 exaflops ». Une entrée fracassante reléguant Fukagu à la seconde place après deux ans à caracoler en tête.
Frontier est toujours « le vainqueur de la course à l'exascale »
Frontier est un supercalculateur de l’Oak Ridge National Lab (laboratoire national d'Oak Ridge) dans le Tennessee aux États-Unis. La machine comprend plus de 9 400 nœuds, chacun équipé avec un CPU AMD EPYC de 3e génération et quatre Radeon Instinct MI250X. De plus amples détails techniques sont disponibles par ici.
Six mois plus tard, Frontier est toujours en tête du nouveau classement, avec les mêmes caractéristiques techniques. Fugaku, que l’on ne présente plus, est toujours en seconde position, mais loin derrière le premier avec « seulement » 442 pétaflops ou 0,442 exaflops. Il exploite pour rappel des processeurs Fujitsu A64FX avec une architecture ARM.
« Frontier est clairement le vainqueur de la course à l'exascale, et il faudra beaucoup de travail et d'innovation pour le faire tomber de la première place », explique l’équipe en charge du Top500.
LUMI double sa puissance, Leonardo débarque
LUMI (EuroHPC) aussi était entré dans le Top500 en juin, directement à la troisième place. Il reste en ce mois de novembre sur le podium – qui est donc composé des États-Unis, du Japon et de la Finlande (et donc de l’Europe) –, mais au prix d’une grosse mise à jour puisque sa puissance de calcul est passée de 152 à 309 pétaflops. Comme Frontier il exploite des CPU AMD EPYC de 3e génération avec des Radeon Instinct MI250X.
Annoncé en 2020, un nouveau supercalculateur italien fait son apparition à la quatrième place : Leonardo. C’est la première machine de ce classement avec une combinaison de processeur Intel (des Xeon Platinum 8358) et des GPU NVIDIA A100. On descend encore d’un bon cran niveau puissance de calcul avec « seulement » 174 pétaflops.
Summit, Sierra, Sunway… pas de surprise dans le reste du Top10
Ex-numéro un en 2018 et 2019, puis numéro deux pendant les années 2020 et 2021, Summit se retrouve désormais à la cinquième place. Sa puissance est de 148 pétaflops, avec des processeurs IBM POWER9 et des cartes graphiques NVIDIA Volta GV100.
De la sixième à la dixième place, on retrouve Sierra, Sunway TaihuLight, Perlmutter, Selene et Tianhe-2A. Il faut désormais afficher au moins 62 pétaflops de puissance de calcul pour entrer dans le Top10.
Adastra 11e se prépare à recevoir une nouvelle partition
En conséquence, la France qui était en dixième position au début de l’année avec Adastra du Grand Equipement National de Calcul Intensif (Centre Informatique National de l'Enseignement Supérieur) avec 46 pétaflops se retrouve en 11e position. Il faut ensuite descendre à la 20e position avec le CEA, puis à la 37 avec Total, 49e de nouveau pour le CEA, 69e et 78e pour Météo France, etc.
Adastra s’améliorera au début de l’année prochaine avec la mise en place d’une partition scalaire supplémentaire. Elle disposera de « 536 nœuds de calcul, chacun doté de deux processeurs AMD EPYC de quatrième génération à 96 cœurs et de 768 Go de mémoire DDR5 », explique Philippe Lavocat, PDG de GENCI.
Elle permettra de répondre « aux besoins des communautés d'utilisateurs scientifiques et industriels français dans les domaines du climat, de la biologie et de la médecine, des énergies nouvelles et des matériaux ». Nous verrons en juin comment se classera le supercalculateur.
Forte progression de l’Europe, avec 131 supercalculateurs
Les États-Unis occupent désormais cinq places du Top10, contre deux pour la Chine, deux pour l’Europe (Finlande et Italie) et enfin une pour le Japon. Sur l’ensemble du Top500, c’est néanmoins la Chine qui est en tête avec 162 supercalculateurs, contre 127 pour les États-Unis. Suivent l’Allemagne (34), le Japon (31) et la France (24, deux de plus en six mois).
Le Top500 montre aussi une progression importante de l’Europe, prise dans son ensemble. Alors que le vieux continent comptait 118 supercalculateurs en juin, il y en a désormais 131 dans la nouvelle liste, soit plus que les États-Unis (mais toujours moins que la Chine). Si l’on prend l’Amérique du Nord (en ajoutant donc le Canada) on dépasse par contre l’Europe avec 137 supercalculateurs, tandis que l’Asie au complet atteint quasiment 50 % de parts de marché avec 218 machines.
Niveau puissance combinée, les États-Unis dominent par contre de la tête, des épaules et même du reste du corps avec 2,122 exaflops (dont 1,1 pour Frontier seulement pour rappel). Le Japon est deuxième, la Chine troisième. Côté CPU, Intel est présent dans plus de 370 des 500 plus gros supercalculateurs (150 avec Cascade Lake, 149 avec Skylake, 26 en Broadwell), contre une centaine pour AMD (57 en Zen 2, 43 en Zen 3), en hausse de 38 % sur un an selon le Texan.
Henri en tête du Green500, Frontier TDS 2e et le français Adastra 3e
Terminons enfin avec le Green500 qui établit cette fois-ci un classement en fonction de l’efficacité énergétique. On retrouve un nouveau supercalculateur en tête : Henri du Flatron Institute aux États-Unis. Il est 405e du Top500 avec une puissance de 2 pétaflops, mais affiche une efficacité de 65 gigaflops/watt.
Le second n’est autre que Frontier TDS (Test & Development System) qui reprend l’architecture du supercalculateur Frontier mais en plus petite et afin de réaliser des tests. Sa puissance n’est « que » de 19 pétaflops – ce qui le classe tout de même 32e du Top500 – avec une efficacité de 62 gigaflops/watt.
Le supercalculateur français Adastra qui vient de se faire éjecter du Top10 est cette fois-ci sur la 3e marche du podium Green500 avec 58 gigaflops/watt. Notez que Frontier et LUMI sont respectivement 6e et 7e avec 52 et 51 gigaflops/watt.
AMD en profite pour bomber le torse et affirme « propulser 75 % des 20 premiers supercalculateurs de la liste Green500 ». La tête du classement est par contre occupée par Lenovo ThinkSystem SR670 V2 avec des Intel Xeon Platinum. Il faut ensuite passer en 8e position pour retrouver des processeurs Intel.
Top500 des supercalculateurs : l’Europe et AMD progressent, deux EuroHPC dans le Top5
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Frontier est toujours « le vainqueur de la course à l'exascale »
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Adastra 11e se prépare à recevoir une nouvelle partition
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Forte progression de l’Europe, avec 131 supercalculateurs
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Henri en tête du Green500, Frontier TDS 2e et le français Adastra 3e
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 24/11/2022 à 16h28
Les machines sont soit américaine, européenne ou chinoise mais le matériel reste lui bien américain (AMD, Intel, NVIDIA). Pour la France, le fait de s’appuyer sur ATOS/Bull est un choix assumé pour s’assurer une souveraineté sur le long terme. Donc espérons que les développements de puces européennes portent rapidement leurs fruits.
Le 24/11/2022 à 17h19
À part Sipearl, il y a qui en puce européenne ?
Le 24/11/2022 à 18h10
C’est le problème majeur de la France et de l’Europe. Atos (avec sa composante HPC) n’est qu’un “assembleur” au contraire des autres HPE (une société US qui achète à une autre société US), la Chine (qui a déjà développé [certes assez pourri pour du HPC, mais qui a réussi]) ou encore Fujitsu. A ma connaissance, Atos ne vend que de l’x86_64.
SiPearl n’a pas montré l’usage de ses puces et performances dans un vrai HPC-center. Et le dernier article de David sur le sujet me laisse assez songeuse sur que SiPearl ne soit qu’un “intégrateur” de techno US au sein de ses puces. Après, il part de loin et il faut bien vendre pour réinvestir ensuite. A suivre, mais sans une vrai volonté politique derrière, SiPearl pourrait finir par couler ou se faire acheter par une puissance étrangère (comme le fut ARM) et priver l’Europe d’une alternative.
Le 24/11/2022 à 18h40
Oui, justement, Sipearl semble être la seule solution européenne, et ce n’est pas vraiment brillant.
Pour le rachat par une puissance étrangère, ça dépend : si la souveraineté technologique repose sur la boîte, elle pourrait fort bien être étiquetée “stratégique”, et que la vente à l’étranger soit bloquée. Mais vue la gestion du dossiers des turbines Alstom par Macron, j’ai un peu peur.
Le 24/11/2022 à 18h50
STMicro ?
Le 25/11/2022 à 12h23
Sauf erreur de ma part, SMT n’ai pas en mesure de faire des CPU modernes en terme de gravures. Sauf à vouloir faire tourner des supercalculateurs avec des P4…
Le 25/11/2022 à 12h47
Pour mon info personnelle, à quel usage les puces de STM sont-elles destinées, d’autant plus qu’une deuxième usine est en construction à Crolles en Isère (et une autre en Italie, sauf erreur) ?
Le 25/11/2022 à 13h51
D’après la page Wiki:
Ils sont clairement pas des noobs. Si je me souviens de l’article sur NXI à propos de l’usine qui doit s’implémenter en France, ils visent le 18 nm, soit du Haswell (Core de 4ème gen).
Le 25/11/2022 à 15h50
Dans le semi s’opposent le more-Moore et le more than Moore
ST Micro a tenté de viser les deux jusqu’à récemment mais vus les coûts, ils se sont résolus à faire du More than Moore.
Faire du silicium est plus compliqué que de construire un building (cf. l’ex CEO et fondateur de Cypress). Avant de sortir la moindre puce, les budgets à sortir sont gigantesques: plusieurs dizaines de millions de dollars.
Le 24/11/2022 à 21h03
Le N° 2, le japonais Fugaku, est équipé de puces ARM A64FX conçues par Fujitsu pour remplacer les SPARK64 de la génération précédente.
Et ces puces sont, elles aussi, fabriquées par TSMC (Taiwan), à l’instar des puces AMD, Nvidia, et quasiment toutes celles équipant les smartphones.
De mémoire, mais je peux me tromper, à part Intel et IBM qui ont des fonderies pouvant rivaliser (presque) avec TSMC où il produisent leurs puces, les USA sous-traitent comme les autres.
Le 24/11/2022 à 21h57
Tout ça alors que la machine vient à peine d’être livrée et n’est à priori ouverte à aucun utilisateur. Étant une copie miniature de Frontier, les chiffres dans le TOP500 correspondent à une simple règle de 3. C’est autorisé mais quand même un peu étrange…
Le 25/11/2022 à 07h25
J’imagine que la raison principale d’une introduction anticipée est politique, il faut bien fanfaronner un peu avec les politicards qui ont financé le projet Puis il y a aussi le fabricant qui pousse pour ajouter des machines pour étendre ses parts de marché dans le classement, chez nous c’est clairement HPE qui a soumis les résultats pour notre site. Et attendre juin 2023 pour introduire la machine dans le classement, c’est la garantie d’entrer plus bas, donc autant éviter.
Sinon je doute que le résultat soumis soit une simple règle de trois par rapport à une autre machine, de mémoire il fallait absolument un résultat HPL valide… bien qu’on ne nous ait jamais demandé de preuve
Le 25/11/2022 à 10h01
Le bench est fait 2x : une fois chez HPe où elle est montée une première fois pour test que tout est ok, puis une autre fois quand la machine est installée chez le client, histoire de pas tenter d’arnaquer le top500 :-)
Le 25/11/2022 à 20h14
J’espère qu’il y a effectivement eu un vrai test chez HPE (c’est pas forcément ce que j’ai compris mais ça reste possible) mais en tout cas je suis quasi-certain qu’il n’a pas pu y avoir un test chez le client puisqu’au moment où la machine est entrée dans le classement elle n’était même pas branchée…
Note : même dans le cas où il n’y aurait pas eu de test chez HPE, ça ne veut pour autant pas dire que le résultat est pipeauté puisqu’il existe des machines fonctionnelles identiques (à part la taille) sur lesquelles le HPL a réellement tourné.
Le 25/11/2022 à 08h10
Non, le Rpeak correspond à une règle de 3, mais pas le Rmax.
A priori, la machine a été assemblée chez HPE avant de la livrer au Cines, et c’est là qu’elle a passé le test.
Le 26/11/2022 à 10h39
Je ne dis pas le contraire. L’Europe a les moyens de produire des puces dont la finesse de gravure de 5nm n’est pas utile/nécessaire. De souvenir, les puces de certains missiles français sont made in EU (peut-être même de chez STM).
En revanche, dans le contexte du HPC, l’Europe (via Atos) n’est qu’un assembleur HPC. Elle ne produit pas des CPUs au contraire des US, Japon & Chine. Et c’est ça qui lui manque ! Juste des CPU pour un secteur stratégique.
Et oui, c’est un rêve, mais j’aimerais que l’Europe soit aussi en mesure de produire des CPU pour des portables/tours pour avoir autre chose que de l’x86_64, et être dépendante des US.
Après comme tu l’as rappelé, ça a un coût loin d’être anodin.
Le 26/11/2022 à 12h21
Crotte, j’ai pas eu le temps d’éditer. Je voulais écrire : L’Europe n’a pas la capacité de graver en 5 nm chez elle. Néanmoins, on a pas toujours besoin d’avoir cette finesse de gravure.