En commission, les députés étoffent le nouveau registre numérique de lobbyistes
Lobby ne fait pas le moine
Le 26 mai 2016 à 14h54
4 min
Droit
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La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté hier le projet de loi « Sapin II » sur la transparence de la vie économique. Les députés ont sensiblement enrichi le contenu du tant décrié registre numérique de lobbyistes, qui sera d’ailleurs commun au gouvernement et au Parlement.
Pour l’association Regards Citoyens, l’exécutif n’avait d’autre ambition avec ce texte que de mettre sur pied un « annuaire commercial offrant des espaces publicitaires à quelques cabinets "experts de l’influence" ». Et pour cause, le registre de représentants d’intérêts imaginé par le ministre des Finances s’apparentait à une véritable coquille vide : les lobbyistes et autres groupes de pression se voyaient simplement tenus de fournir chaque année à la Haute Autorité pour la transparence (HATVP) leur identité, le « champ [de leurs] activités de représentation d’intérêts », et éventuellement le nom des clients pour lesquels ils travaillent.
En creux, d’importants éléments restaient donc secrets, au grand dam de nombreuses organisations de lutte contre la corruption : aucun détail sur le montant des dépenses engagées par les lobbyistes dans leur travail d’influence, exemptions pour ceux qui approchent des membres du Parlement, du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’État, pas de liste des personnes entendues (auditions, réunions...) dans le cadre de la préparation des normes, etc.
De la transparence sur les dépenses de lobbying, mais pas sur les personnes rencontrées
En commission des lois, mercredi 25 mai, les députés ont toutefois revu la copie du gouvernement. Premièrement, ils ont étendu la portée de ce registre destiné à être publié en Open Data par la HATVP. Un amendement du rapporteur Sébastien Denaja (PS) a notamment été adopté afin d’obliger les lobbyistes à transmettre « chaque semestre » à l’autorité administrative indépendante « le bilan des activités de représentation d’intérêts réalisées pendant la période écoulée, en précisant le montant des dépenses et du chiffre d’affaires associés à ces activités, ainsi que ses principales sources de financement ».
L’élu s’est toutefois opposé aux députés, tels Delphine Batho ou Bertrand Pancher, qui réclamaient qu’une liste des personnes rencontrées soit également rendue publique. Le caractère « trop intrusif » de cette proposition fut pointé du doigt par Sébastien Denaja. Ce point pourrait toutefois faire l’objet de nouveaux amendements d’ici aux débats en séance publique, le rapporteur s’étant montré favorable à ce que « l’empreinte normative » des lobbyistes (qui a poussé pour quoi, à quel moment) soit mieux connue – comme s’y était d’ailleurs engagé François Hollande en 2015.
Vers un registre commun au gouvernement, au Parlement et aux exécutifs locaux
Deuxièmement, la commission des lois a élargi le périmètre des personnes soumises à ces nouvelles obligations de transparence. Les entreprises publiques devront ainsi s’inscrire sur le registre de lobbyistes (dès lors qu’il s’agira d’établissements publics industriels et commerciaux ou de groupements d’intérêt public). Ceux qui démarchent les principales collectivités territoriales – villes de plus de 20 000 habitants, départements, régions... – deviennent également concernés. Il en va de même pour les lobbyistes qui approcheraient des députés, sénateurs, ou même leurs collaborateurs.
Autrement dit, le registre numérique prévu jusqu’ici pour s’appliquer uniquement aux représentants d’intérêts qui agissent auprès des acteurs gouvernementaux (ministres, membres de cabinets, hauts fonctionnaires...) devrait également valoir pour les parlementaires, comme pour les responsables d’exécutif locaux. Les dispositifs instaurés il y a quelques années par l’Assemblée nationale et le Sénat perdront ainsi leur caractère facultatif, pour devenir obligatoires. Seuls les volontaires s’y inscrivent aujourd'hui – en l’échange généralement de facilités d’accès au sein du Parlement.
Restera maintenant à voir si ces amendements sont maintenus en l’état, sachant que les discussions en séance publique auront lieu durant la semaine du 6 juin. Engagé sous procédure accélérée, le projet de loi « Sapin II » ne devrait être examiné qu’une seule fois par chambre.
En commission, les députés étoffent le nouveau registre numérique de lobbyistes
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De la transparence sur les dépenses de lobbying, mais pas sur les personnes rencontrées
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Vers un registre commun au gouvernement, au Parlement et aux exécutifs locaux
Commentaires (9)
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Abonnez-vousLe 26/05/2016 à 15h38
Du coup, on peut dire que les lobbies ont bien fait leur boulot sur ce projet de loi, non ? " />
/Inception " />
Le 26/05/2016 à 15h53
Le caractère « trop intrusif » de cette proposition fut pointé du doigt …
Nous, on nous greffe chaque jour une nouvelle loi pour nous espionner jusque dans les moindres recoins de notre vie, mais c’est pas intrusif hein …
Bande de pourritures !
Le 26/05/2016 à 15h56
Le 26/05/2016 à 15h58
Pour lutter contre la corruption, il faudrait interdire tout simplement le lobbyisme, et faire de la consultation comme avec les syndicats par exemple.
Avec obligation de rapports en opendata, à disposition du public.
Comment ca je reve?
Le 26/05/2016 à 16h17
C’est le lobbyisme à coup de valise de valise de fric (ou cadeaux) qui doit être interdite, le reste c’est tolérable dans une certaine mesure.
Le 26/05/2016 à 16h21
Le 27/05/2016 à 01h28
“jusque dans les moindres recoins de notre vie…”
En d’autres termes on s’en prendra plein le troufignon pour pas un rond !
Le 27/05/2016 à 07h39
Le 27/05/2016 à 09h35