« Gig economy » : un accord européen pour encadrer le travail via des plateformes
Présomption de salariat
Après plusieurs phases de blocages, notamment de la France, l’Union européenne trouve un accord sur son projet de directive relative au travail de plateformes.
Le 12 mars à 16h26
4 min
Société numérique
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Le 11 mars, les pays de l’Union européenne ont trouvé un accord sur la directive relative au travail via des plateformes numériques. Le but de la législation : mettre de l’ordre dans la « gig economy », celle des Uber et des Amazon. Par l’intermédiaire de ces grandes plateformes numériques, le secteur employait en effet plus de 28 millions de personnes à travers l’Union européenne en 2022 (l’Union estime qu’elles seront 43 millions en 2025).
L’annonce est un progrès dans un travail législatif riche en débats entre des pays inquiets de voir le texte européen empiéter sur leurs propres cadres relatifs au travail. Après avoir formé une minorité de blocage avec l’Allemagne et la France, cela dit, l’Estonie et la Grèce ont finalement voté en faveur du texte.
Avant d’entrer en vigueur, la directive doit encore être ratifiée par le Conseil européen et le Parlement. Les États auront ensuite deux ans pour l’adapter à leurs textes nationaux.
Présomption de salariat
Qu’ils soient chauffeurs de VTC ou livreurs, l’Union estimait au début de ses travaux qu’au moins 5,5 millions de ces personnes auraient dû être considérées comme des salariés des plateformes pour lesquelles elles travaillaient. Parmi les éléments les plus importants, la directive sur travail des plateformes crée une présomption légale de salariat, un mécanisme qui cherchait initialement à harmoniser les processus de requalification des statuts des travailleurs de plateformes en employés à temps plein, avec tous les droits afférents, si une relation de subordination à une seule plateforme était démontrée.
Le sujet a néanmoins été l’un des plus débattus. Une précédente version de la directive a ainsi été rejetée en décembre par plusieurs pays, dont la France, au motif que le texte allait beaucoup plus loin en la matière que la position adoptée par le Conseil européen (la réunion des chefs d’États ou de gouvernement des 27).
Début février, les trois instances régulatrices européennes se sont accordées sur une version allégée du texte. Les États membres ont ensuite voté deux fois le document, bloqués par les Paris, Athènes, Tallinn et Berlin. Comme au moment des négociations autour de l’AI Act, la France a tenté une modification de dernière minute, le 8 mars. Euractiv rapporte que cela a fait craindre l’ouverture d’une nouvelle série de négociations tripartite (des trilogues). Lâchée par l’Estonie et la Grèce, cela dit, la France a vu ses propositions de modifications rester lettre morte.
Parmi les modifications qu’elle intègre, la version de la directive tout juste adoptée ne comprend plus aucun détail définissant la relation de subordination et oblige simplement les États membres à intégrer à leurs textes nationaux cette présomption de salariat. Le but est toujours de simplifier la tâche des travailleurs de plateformes qui souhaiteraient demander leur requalification, mais cela sera fait à la discrétion de chaque État.
En pratique, cela doit permettre aux personnes qui travaillent pour des plateformes numériques, à leurs représentants ou aux autorités d’invoquer cette présomption pour demander à voir leur statut requalifié. Dans un tel cas, ce sera aux plateformes numériques de démontrer l’absence de relation de travail.
Transparence dans le management algorithmique
Le texte contient par ailleurs une partie dédiée à la problématique du management algorithmique. Il oblige à informer explicitement les travailleurs de l’usage de systèmes de surveillance ou de prises de décisions automatisées dans divers espaces de travail. Il interdit aussi l’usage de certains types de données, comme celles relatives à l’état psychologique, aux opinions religieuses ou à la sexualité des personnes. Il interdit aussi l’usage de conversations privées et d’informations extérieures au travail fourni pour une plateforme.
La directive va par ailleurs un cran plus loin que le RGPD en affirmant clairement que pour des décisions comme la rémunération et la suspension ou la suppression de comptes, qui peuvent être influencées par des outils de décision algorithmique, la décision finale doit être prise par un humain.
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Transparence dans le management algorithmique
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