Numérique soutenable : l’Arcep fait un bilan des actions récentes, avant l’afflux de nouvelles données
Il n'y a pas de technologies vertes
Le 11 avril 2023 à 14h06
8 min
Internet
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L’Arcep a réuni ses troupes la semaine dernière pour faire un point d’étape sur ce qui a été accompli en France sur la thématique du numérique soutenable depuis 2019, et en particulier au cours des deux dernières années. Ce bilan rapide fait notamment la synthèse des travaux menés en coopération avec l’ADEME et l’Arcom.
Le point d’étape a eu lieu le 5 avril. Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), a ouvert le bal par une petite rétrospective personnelle. Elle a notamment raconté comment, en arrivant à la tête de l’autorité en janvier 2021, elle avait pris la mesure de l’intérêt des personnes impliquées dans cette thématique. Un changement net vis-à-vis de son expérience de députée, où le sujet ne semblait pas intéresser grand-monde.
Elle qui souhaitait une approche collaborative sur le sujet s’estime aujourd’hui satisfaite du chemin parcouru en deux ans : « L’Arcep s’intéresse aujourd’hui aux voies et moyens de concilier l’objectif de réduction de l’empreinte environnementale du numérique, avec les objectifs de régulation que sont ceux d’une concurrence loyale et équitable et d’une connectivité de qualité par tout. Ces voies et moyens nécessitent bien évidemment une réflexion collective et des choix politiques. Cela concerne notre société et les choix qu’elle fera, montrant ainsi l’importance d’une démarche collaborative tant entre nos institutions qu’avec les acteurs et les citoyens. »
Elle a évoqué une « ambition commune » entre l’Arcep, l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), chacune des trois agences/autorités ayant mené des travaux destinés à mesurer l’impact environnemental du numérique dans un premier temps, avant de s’avancer vers de futures mesures concrètes. Pendant presque 1h30, les interventions se sont enchainées pour récapituler les enjeux de mesures précises, ainsi que leurs limites dans certains cas. Nous en faisons ici un résumé.
Collecter des informations précises, le grand enjeu
Pour l’Arcep, la grande étape marquante a été la publication de sa première enquête annuelle « Pour un numérique soutenable » en avril 2022. Un exercice nouveau pour l’agence, mais dans la continuité de ses observatoires sur les télécoms. La deuxième édition de l’enquête doit d’ailleurs arriver d’ici la fin du mois, et nous reviendrons sur ses nouveaux constats, puisqu’elle intègrera notamment des indicateurs sur le reconditionnement et le recyclage des box. Une troisième édition doit arriver à la fin de l’année, avec cette fois un élargissement aux fabricants de terminaux et opérateurs de centres de données.
Le mois dernier, on a également pu voir un rapport commun entre l’Arcep et l’ADEME. Pour la première fois, il présentait des scénarios d’évolutions de la consommation engendrée par le numérique à horizons 2030 et 2050. Ces projections prenaient appui sur les données collectées jusqu’à présent et envisageaient l’avenir sous plusieurs facettes, selon que les mesures de réduction de l’empreinte carbone étaient mesurées ou plus audacieuses.
Tout aussi récemment, l’Arcom s’est lancée, elle aussi, dans ce domaine, lançant – toujours en partenariat avec l’Arcep et l’ADEME – une étude sur l’impact environnemental de la télévision, de l’audiovisuel à la demande et des plateformes de partages de vidéos.
Rappelons que la mesure précise de l'empreinte environnementale est un exercice délicat, sur lequel nous nous étions penchés le mois dernier.
Influer sur la prise de conscience, l’autre grand chantier
La collecte des données et l’élargissement des sources font clairement partie des missions critiques que se sont fixées en particulier l’Arcep et l’ADEME. Plus les données sont nombreuses, plus précise est l’estimation de l’impact environnemental du numérique. Sur la base de ces informations, l’autorité et l’agence comptent renforcer leur communication, aussi bien auprès du grand public que des entreprises et administrations.
Depuis deux ans, le baromètre du numérique, publié par l’Arcep, intègre ainsi des questions ayant trait à la consommation des ménages, notamment sur les pratiques au long du cycle de vie des téléviseurs (neuf ou seconde main, durée de conservation, etc.).
On se souvient également que l’Arcep a publié, en janvier, une série de recommandations adressées au grand public. On y trouvait plusieurs conseils pouvant sembler évidents pour le lectorat de Next INpact – comme utiliser une connexion filaire partout où c’est possible, utiliser le Wi-Fi plutôt que la 4G/5G, etc. – mais sur lesquels l’autorité commence tout juste à communiquer.
Dans le sillage du premier rapport du BEREC (rassemblant les régulateurs des 27 États membres), la réflexion sur l’impact environnemental des télécoms s’est élargie, en particulier pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, durant laquelle Laure de la Raudière avait invité à s’orienter vers une double transition numérique et écologique.
Cette double transition est reprise depuis par l’OCDE, dont sa « Déclaration sur un avenir numérique de confiance, durable et inclusif » publiée en décembre. On y trouvait notamment l’engagement des ministres présents à ne plus considérer le numérique comme une solution universelle à tous les problèmes, mais comme un outil de transformation ayant lui-même besoin de s’adapter. En filigrane, on pouvait y voir un point sur lequel l’Arcep a largement communiqué il y a un mois avec l’ADEME : les fameuses « technologies vertes » qui, telles que présentées initialement, combattraient à elles seules les conséquences de nos modes de vie sans avoir à modifier nos habitudes.
Du mouvement dans le reste de l’industrie
Si de gros travaux sont donc en cours dans le secteur du numérique, il n’est pas le seul à bouger. Hier, pendant que l’Arcep réunissait la presse et les entreprises sur le bilan des trois dernières années, le gouvernement faisait de même à Bercy avec les dirigeants des 50 sites considérés comme les plus nocifs au climat.
Arcelor Mittal à Dunkerque et Fos-sur-Mer, les cimenteries Vicat, Lafarge et Calcia, les usines chimiques du Grand Est, les fabricants d'engrais Yara ou Borealis, la verrerie d'Arques, les raffineries Esso-ExxonMobil et TotalEnergies en Normandie, Air Liquide en PACA, ou encore les producteurs de sucre Tereos et Cristal Union étaient représentés. À eux seuls, ils représentent 11 % des émissions en France et 60 % des émissions industrielles françaises. Leur décarbonation serait équivalente à la rénovation énergétique de 10 millions de logements ou à la transformation soudaine de 10 millions de voitures thermiques en électriques, selon Le Figaro.
Il en est ressorti de cette réunion qu’il était possible de mener une décarbonation accélérée en échange d’un renforcement des aides publiques. Ces dernières, totalisant 5 milliards de dollars, devaient s’étaler entre 2022 et 2027 à raison d’un milliard par an. On passerait donc à 10 milliards pour cette même période, avec à la clé des attentes plus ambitieuses.
Roland Lescure, ministre de l’Industrie, s’en est enthousiasmé. Pour ces 50 sites, 46 nouvelles feuilles de route ont été reçues, qui porteraient la réduction à 44 % d’ici 2030, puis 80 % en 2050. Comme le mentionne La Tribune, l’effort d’ici 2030 est équivalent à une version compactée de celui réalisé sur les 30 dernières années. « On y est presque ! », s’est ainsi exclamé le ministre, avant d’ajouter « Il y a encore du travail », puisque l’objectif est toujours de 100 %.
La même Tribune note cela dit que toutes les activités actuellement très émettrices de gaz à effet de serre vont avoir « besoin de 10 à 12 GW de capacité supplémentaire d’ici 2030 », estimation fournie par RTE, qui gère le réseau électrique français à haute et très haute tension.
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