CNES : la Cour des comptes constate son virage vers le newspace et la vétusté du centre toulousain
Vers la startup nation et au-delà ?
Le 05 mai 2023 à 15h42
6 min
Économie
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La Cour des comptes publie deux rapports sur le CNES qui actent le basculement du centre vers une priorité de financement du « newspace » français, pointent les exemptions quasi-systématiques de pénalités de retard envers ses fournisseurs, un mauvais système de recouvrement des redevances, et notent la « vétusté » (dixit la Cour) du Centre toulousain pour lequel un plan de rénovation est prévu, mais dont « les financements totaux seront à garantir ».
Un an après le mouvement social qui a ébranlé le centre spatial contre le Contrat d’objectifs et de performance (COP) 2022 - 2025, rebaptisé « Contrat d’obsolescence programmée » par les syndicats, la Cour des comptes publie un rapport sur le CNES ainsi qu'un autre spécifique au Centre spatial de Toulouse (CST) de l'établissement public.
Ces deux documents actent l'évolution stratégique décidée par le gouvernement donnant la priorité à l'accompagnement des startups du « newspace » français, mais constatent aussi les difficultés du centre à maintenir ses compétences et un manque de garantie sur le soutien financier pour la rénovation du Centre toulousain, dont la Cour pointe à plusieurs reprises la « vétusté ».
Vers une agence de financement du NewSpace mais pas encore structurée
La Cour des comptes rappelle que la politique de l'Espace de la France a changé de mains en juillet 2020, passant de la tutelle principale de celle de la ministre de la Recherche et de l’innovation à celle du ministère chargé de l’Économie. Ce changement « a fortement poussé à une priorité stratégique nouvelle pour le CNES », le « soutien actif aux acteurs du Newspace (PME et start-ups) ».
Le CNES passe petit à petit d'une logique qui privilégie « le "faire faire" au "faire" ». L'idée est aussi de « recentrer son activité sur les activités à forte valeur ajoutée (maîtrise d’ouvrage, soutien à la science, à la technologie et à la compétitivité de la filière) » constate la Cour.
Si le CNES n'a jamais été coupé des industriels du spatial, et c'est peu de le dire, sa stratégie s'inscrit maintenant « dans un contexte changeant où il ne s’agit plus uniquement de promouvoir quelques gros industriels, mais de soutenir un écosystème constitué de multiples acteurs de toutes tailles, dont certains sont historiquement bien installés et d’autres sont plus émergents ».
Il y a un an, Georges Blaignan, délégué CFDT du CNES, faisait déjà le même constat : « Le newspace, notre direction et le gouvernement n’ont que ce mot-là à la bouche », ajoutant « le newspace, pourquoi pas, encore que nous voudrions bien en avoir une définition précise, mais il nous semble que le seul objectif est de transférer de l’argent public dans le privé et on ne le veut pas sans contrôle ».
Mais cette transformation, si elle est assumée, n'est pas encore bien structurée. Si le Centre a mis en place une plateforme d’accompagnement (Connect by CNES) pour mettre en lien équipes du CNES et entreprises, « cet appui n’est pas encore formalisé, notamment dans sa dimension financière ».
De même, le CNES a mis en place un fonds d’investissement (Cosmicapital) et un fonds d’accélération (Spacefounder), « mais le bilan de ces deux opérations s’avère à ce stade limité en raison du manque d’appétit des investisseurs pour le secteur spatial, et d’une structuration insuffisante de l’écosystème économique européen sur le sujet spatial ».
« Le repositionnement du CNES pose également la question du maintien des compétences au sein de l’établissement » estime aussi la Cour, ce qui confirme les inquiétudes des syndicats évoquées pendant le mouvement de l'an dernier.
Exemptions de pénalités et mauvais système de recouvrement
La Cour des comptes constate que « L’examen d’un échantillon des marchés passés par le CNES n’a pas fait apparaitre d’anomalie particulière, malgré quelques dérives ». Elle relève cependant que le « CNES exempte quasi-systématiquement ses fournisseurs de pénalités de retard ».
Elle précise que « le CNES reconnaît explicitement adopter une attitude souple dans l’application des pénalités de retard, privilégiant la qualité des prestations à la rapidité du service fait ».
Elle recommande au CNES de « se montrer plus vigilant dans l’exécution des contrats, notamment en matière de recouvrement des pénalités de retard et de certification du service fait. »
Un centre toulousain vétuste…
Si le Centre spatial de Toulouse est reconnu comme un pôle spatial majeur dédié aux systèmes orbitaux, la Cour des comptes a décidé de lui consacrer un rapport entier [PDF] pour évoquer le besoin urgent d'un programme de rénovation indispensable « pour maintenir son niveau d'activité ».
La plupart des bâtiments du Centre spatial de Toulouse a plus de 40 ans. Si le CNES a commencé à réfléchir à leur rénovation dès 2009, les investissements n'ont pas du tout été à la hauteur des besoins.
Le constat de la Cour sur l'état de ces bâtiments est alarmant : « Certains travaux d’entretien, repoussés faute de crédits, affectent directement la sécurité du site et menacent le maintien en condition opérationnelle des installations du site, soit parce que la réglementation concernant la sécurité incendie n’est pas assurée, soit parce que l’alimentation électrique est fragile, soit parce que la protection contre la foudre n’est pas assurée. Ces retards font peser des risques incompatibles avec les activités du site. Ainsi, pendant 4 à 5 ans, la sécurité incendie du bâtiment Fresnel n’aura pas été conforme à la réglementation. »
De plus, l'évolution de la réglementation (notamment sur la consommation énergétique) nécessite une « rénovation lourde du CST ».
... dont le budget rénovation n'est pas assuré
« Compte tenu des installations vieillissantes du CNES et notamment du CST, des investissements majeurs doivent être rapidement décidés, pour traiter l’obsolescence, la vétusté, l’efficacité énergétique, le développement des énergies durables (solaire, géothermie), l’évolution des modes de travail, la transformation numérique, l’accueil des partenaires et la sécurité des sites » s'alarme la Cour des comptes.
Si un plan de programmation des travaux a été prévu et que la rénovation a commencé, le budget « reste à compléter » estime la Cour, qui regrette « l’insuffisante ambition du COP [Contrat d’objectifs et de performance] 2022 – 2025 pour dégager les financements nécessaires à la réalisation des investissements du plan CST-NG [Nouvelle Génération], au moins ceux programmés en première phase, en priorisant les travaux relatifs à la sécurité ».
CNES : la Cour des comptes constate son virage vers le newspace et la vétusté du centre toulousain
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Vers une agence de financement du NewSpace mais pas encore structurée
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Exemptions de pénalités et mauvais système de recouvrement
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Un centre toulousain vétuste…
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... dont le budget rénovation n'est pas assuré
Commentaires (3)
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Abonnez-vousLe 05/05/2023 à 15h50
On n’avait pas justement refusé de donner des contrats à des startup NewSpace allemandes au prétexte de préserver le soit-disant “leadership” de Arianespace ?
Le 05/05/2023 à 16h32
Le CNES, c’est français, ce n’est pas l’ESA. Donc on soutient le newspace, certes, mais le newspace français.
Le 05/05/2023 à 20h15
“estome la Cour”
Coquille ?