Atmosphère des exoplanètes : feu vert pour le télescope spatial Ariel, décollage prévu en 2029
Une sirène accrochée au point L2
Le 20 novembre 2020 à 08h30
7 min
Sciences et espace
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Le télescope Ariel, dédié à l'étude de l'atmosphère d'exoplanètes, est validé par l’ESA, la mission peut donc passer à la « phase de mise en œuvre ». C’est l’occasion de revenir sur ses objectifs et les instruments dont elle dispose pour y arriver. Il faudra dans tous les cas être patient, le décollage étant programmé pour 2029.
Ariel (Atmospheric Remote-Sensing Infrared Exoplanet Large-survey) est une mission spatiale qui « sondera l'atmosphère d'environ 1 000 planètes lors de transits ou d'éclipses » afin d’étudier leur atmosphère. Elle a été sélectionnée en 2018 comme étant la mission M4 du Cosmic Vision de l’Agence spatiale européenne.
Cosmic Vision et M4, késako ?
Vous êtes perdu dans les sigles ? Pas de panique, voici quelques rappels. Cosmic Vision est un vaste programme regroupant des missions lourdes (L), moyennes (M) et petite taille (S). Il peut y en avoir plusieurs à chaque fois, on ajoute alors simplement un numéro à côté de la lettre.
On y trouve notamment Solar Orbiter (M1), Euclid (M2), Juice (L1), Lisa (L3), Cheops (S1), etc. Toutes les missions ont été sélectionnées, à l’exception de M5, qui a récemment faire parler d’elle avec l’expulsion surprise (et brutale) du télescope infrarouge SPICA.
Selon l’ESA, le télescope spatial Ariel s’inscrit parfaitement dans les thèmes principaux de ce programme ; il devrait ainsi apporter des réponses sur plusieurs vastes questions : « quelles sont les conditions nécessaires pour la formation des planètes et l’apparition de la vie ? ».
Pour cela, « Ariel va étudier la composition des exoplanètes, ainsi que les conditions de leur formation et de leur évolution, en examinant l’atmosphère d’un échantillon varié de 1000 planètes dans les longueurs d’onde visibles et infrarouges ».
Étudier les exoplanètes et leur environnement
Pour mener à bien sa mission, le satellite va étudier la composition chimique et les structures thermiques des exoplanètes, mais aussi leur lien avec l’environnement de leur étoile. Selon l’Agence spatiale européenne, elle va ainsi « combler une lacune importante dans notre connaissance de la chimie d’une planète et du lien entre cette dernière et l’environnement dans lequel elle s’est formée ».
Cette mission pourrait aussi permettre de savoir si le type d’étoile (naines rouges/brunes/jaunes, géantes, supergéantes…) influence les aspects physiques et chimiques de l’évolution de la planète. En allant encore plus loin, Ariel pourra aussi aider les scientifiques à comprendre « comment notre propre Système solaire s’inscrit dans le cadre plus large du cosmos en général ».
Le télescope s’inscrit dans une longue lignée d’autres engins du même type, à commencer par « l’ancêtre » Hubble. Il y a ensuite eu Spitzer, Corot, Kepler, Gaia et Tess. Avant Ariel, Webb, Cheops et Plato devraient aussi entrer en piste.
Les instruments dont disposera Ariel
Le télescope disposera de spectromètres afin de mesurer l’empreinte chimique de la planète, via deux méthodes déjà connues et utilisées depuis des années : le transit quand l’exoplanète passe devant son étoile, et l’occultation dans la situation inverse.
Les instruments scientifiques seront capables d’identifier des signes de molécules bien connues dans l’atmosphère des planètes, tels que la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane, l’ammoniaque et le cyanure. Selon l’ESA, elle pourra aussi détecter des « composés métalliques plus exotiques pour décoder l’environnement chimique global du système solaire distant ».
Pour certaines exoplanètes triées sur le volet, des mesures sur de longues durées donneront des informations sur le système nuageux et les variations atmosphériques. Ensuite, « en prenant en compte la température de l'atmosphère et sa composition, les scientifiques pourront en déduire la composition des cœurs planétaires ».
Dans tous les cas, Ariel ciblera large : « des géantes gazeuses aux super-Terres, en passant par les mystérieuses sub-Neptune », explique le CEA.
Dans le détail, il est question d’un miroir primaire elliptique de 1,10x0,73 m, épaulé par deux autres instruments. Il y aura le spectromètre infrarouge AIRS (Ariel InfraRed Spectrometer) développés par les CEA, CNES et CNRS. Il couvrira les plages de longueurs d'onde entre 1,95 à 7,8 microns.
Il y aura aussi FGS (Fine Guidance system) sur la page de 0,5 à 1,2 micron, et de 1,2 et 1,95 micron en basse résolution, auquel participe la NASA. La plage totale de mesure varie donc entre 0,5 et 7,8 microns, ce qui correspond à la lumière infrarouge et visible. Dans l’espace, les instruments fonctionneront à une température comprise entre - 218 et - 238 °C.
L’ESA a donné son feu vert pour la mise en œuvre
La semaine dernière, le Comité des programmes scientifiques de l’ESA a donné son feu vert pour la réalisation de cette mission. C’est un changement important : « Après une période intense passée à travailler sur les concepts de design préliminaires et sur la consolidation des technologies requises pour démontrer la faisabilité de la mission, nous sommes maintenant prêts à passer Ariel en phase de mise en œuvre », explique Ludovic Puig de l’ESA.
Göran Pilbratt, scientifique de l’étude Ariel à l’ESA, fait preuve d’enthousiasme : « Nous allons faire passer la caractérisation des exoplanètes au niveau supérieur grâce à l’étude de ces mondes distants, à la fois pris individuellement et en tant que populations, avec un niveau de détail plus grand que jamais ».
Dans les prochains mois, il sera demandé à l’industrie de déposer des offres pour fournir tous les équipements et systèmes d’Ariel. La sélection du maître d'œuvre, qui sera chargé de construire le satellite, aura lieu aux environs de l’été prochain.
Lancement en 2029 à bord d’Ariane 6… du moins c’est l’idée
Il faudra encore attendre longtemps avant d’avoir les premiers résultats. Le lancement du satellite est pour le moment prévu pour 2029 sur une fusée Ariane 6… elle devrait d’ici là être en phase opérationnelle depuis un moment, malgré les retards à répétitions de ces derniers temps.
Le télescope se placera sur une orbite autour du second point de Lagrange (L2) du système Soleil-Terre, situé à 1,5 million de kilomètres. Le satellite sera donc « derrière » la Terre, si l’on regarde depuis le Soleil.
Pour rappel, les points de Lagrange « sont des points d’équilibre dans la dynamique céleste, en lesquels les forces gravitationnelles s’annihilent ». Un satellite peut donc y rester fixe par rapport à la Terre et au Soleil, en ne nécessitant que peu de carburant, un avantage indéniable pour les missions spatiales.
Atmosphère des exoplanètes : feu vert pour le télescope spatial Ariel, décollage prévu en 2029
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Commentaires (3)
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Abonnez-vousLe 20/11/2020 à 13h11
Merci Sébastien de m’avoir donné, par cet article, l’envie d’en savoir + sur les points de Lagrange :)
Le 22/11/2020 à 21h13
Super article, très clair et intéressant. Je vais aussi creuser les sujets évoqués, ça donne envie !
Le 23/11/2020 à 14h55
Il me semble qu’un autre avantage du point L2 est que le télescope sera toujours dans l’ombre de la Terre, facilitant son refroidissement, non ?