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2I/Borisov : la première comète interstellaire serait « la plus « pure » jamais découverte »

En attendant le Comet Interceptor

2I/Borisov : la première comète interstellaire serait « la plus

Le 30 mars 2021 à 15h00

Nous savions déjà que 2I/Borisov ne provenait pas de notre système solaire, mais on apprend désormais qu’elle n’était probablement jamais passée à proximité d’une étoile avant de rencontrer le Soleil. C’est important, car « cela signifie qu'elle porte les signatures intactes du nuage de gaz et de poussière à partir duquel elle s'est formée ».

Fin 2017, les astronomes du monde entier avaient les yeux tournés vers l’objet stellaire C/2017 U1, qui était alors un bon candidat pour devenir la première comète interstellaire détectée par des humains, c’est du moins ce que pensait à l’époque le Centre des planètes mineures (MPC) de l'Union astronomique internationale (UIA). Baptisé Oumuamua, son origine fait parfois débat. Selon une étude récente, il pourrait s’agir d’un fragment de planète.

Deux ans plus tard, rebelote avec 2I/Borisov, détectée par un astronome amateur : l'Ukrainien Gennady Borisov. La lettre « I » désigne les objets interstellaires, tandis que le chiffre permet de tenir le compte des objets : après 1I/Oumuamua, on a donc logiquement 2I/Borisov.

De nouvelles observations du Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (VLT de l'ESO) indiquent que cette visiteuse de l’espace ne venant pas de notre système solaire « est l'une des plus "pures" jamais observées ». Pour les astronomes, elle « n'est probablement jamais passée près d'une étoile, ce qui en fait un vestige intact du nuage de gaz et de poussière dont elle est issue ». Cette annonce a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications.

2I/Borisov encore plus « pure » que la comète Hale-Bopp

Le premier passage de 2I/Borisov à proximité d’une étoile daterait ainsi de 2019, lorsqu’elle a « frôlé » le Soleil. Pour arriver à cette conclusion, une équipe de l’instrument FORS2 du VLT a étudié 2I/Borisov en détail en utilisant une technique appelée polarimétrie.

Celle-ci n’a rien de nouveau, elle est même régulièrement utilisée pour étudier des comètes et d’autres petits corps de notre système solaire. Cette technique consiste, comme son nom l’indique, à mesurer la polarisation de la lumière : « En étudiant les propriétés de la lumière solaire polarisée par la poussière d'une comète, les chercheurs peuvent obtenir des informations sur la physique et la chimie des comètes ».

Les scientifiques ont ainsi « pu comparer le visiteur interstellaire avec nos comètes locales » et sont arrivés à la conclusion que « 2I/Borisov possède des propriétés polarimétriques distinctes de celles des comètes du système solaire, à l'exception de Hale-Bopp »… Attention à ne pas la confondre avec la comète de Halley.

Découverte en 1995 et passée au plus près de notre Soleil en 1997, Hale-Bopp a fait couler beaucoup d’encre. Elle était facilement visible à l'œil nu pendant des mois et, cerise sur le gâteau des scientifiques, c’était une « des comètes les plus intactes que les astronomes n’aient jamais observées ».

Avant sa dernière visite à notre étoile, les scientifiques de l’ESO pensent que « Hale-Bopp n'est passée qu'une seule fois devant le Soleil et qu'elle a donc été à peine affectée par le vent et le rayonnement solaires ». La comète est donc qualifiée de « pure » et sa composition est « très similaire à celle du nuage de gaz et de poussière à partir duquel elle s'est formée - ainsi que le reste du système solaire - il y a environ 4,5 milliards d'années ». Elle est donc très intéressante à analyser pour avoir un « cliché » de cette région de l’Univers à cette époque lointaine.

« En analysant la polarisation et la couleur de la comète pour recueillir des indices sur sa composition, l'équipe a conclu que 2I/Borisov est en fait encore plus "pure" que Hale-Bopp. Cela signifie qu'elle porte les signatures intactes du nuage de gaz et de poussière à partir duquel elle s'est formée », explique l’ESO : elle est donc d’autant plus intéressante à analyser. 

Un autre système solaire, des « conditions très similaires »

Alberto Cellino, co-auteur de l'étude et chercheur à l'Observatoire d'astrophysique de Turin en Italie, tire une autre conclusion : « Le fait que les deux comètes soient remarquablement similaires laisse supposer que l'environnement dans lequel 2I/Borisov a vu le jour n'est pas si différent, en termes de composition, de l'environnement des débuts du système solaire ».

Un point de vue partagé par Olivier Hainaut, astronome spécialisé dans les comètes et d'autres objets géocroiseurs à l'ESO en Allemagne : « Le résultat principal – à savoir que 2I/Borisov ne ressemble à aucune autre comète à l'exception de Hale-Bopp - est très fort […] Il est très plausible qu'elles se soient formées dans des conditions très similaires ».

Lors des premières analyses, les résultats des analyses des poussières et gaz dégagés par la comète ne révélaient rien de particulier : « Une des choses les plus étranges à propos de 2I/Borisov, c’est à quel point tout semble banal. Sa seule caractéristique notable à ce jour est qu’elle provient de l’extérieur du système solaire […] Borisov est un signe qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de différences entre les systèmes stellaires de la galaxie, et qu'ils possèdent dans l'ensemble les mêmes schémas de construction », expliquait le MIT.

« Sur la base de ces caractéristiques initiales, et en mettant de côté son orbite hyperbolique, 2I/Borisov semble impossible à distinguer des comètes natives du Système solaire », ajoutaient des scientifiques dans une publication sur Nature Astronomy.

Comet Interceptor se prépare à décoller en 2029

Stefano Bagnulo, de l'Armagh Observatory and Planetarium en Irlande du Nord, a déjà les yeux tournés vers le futur : « L'ESA prévoit de lancer Comet Interceptor en 2029, qui aura la capacité d'observer un autre objet interstellaire de passage, si l'on en découvre un sur une trajectoire appropriée ».

Comet Interceptor a été sélectionné par l’Agence spatiale européenne dans le cadre de son programme Cosmic Vision. C’est la première mission de type « F » (pour Fast ou rapide) et elle sera la passagère de la mission de classe moyenne « M » Ariel dédiée aux exoplanètes.

Comet Interceptor comprendra trois petites sondes spatiales. Une fois lancées, elles se positionneront au point de Lagrange L2 en attente d’une cible à analyser. « L’originalité de cette mission réside dans le fait que la comète cible ne sera identifiée qu’après le lancement des sondes », explique le Laboratoire de Physique et de Chimie de l'Environnement et de l'Espace du CNRS.

Il est responsable de l’instrument COMPLIMENT (COMetary Plasma Light InstruMENT) « dédié à la mesure du plasma (densité, température, vitesse) et du champ électrique (qui permettra également d’identifier les impacts de grain de poussières cométaires nanométriques) ».

La comète candidate devra être détectée suffisamment tôt pour que l’Interceptor puisse s’en approcher avant qu’elle passe à proximité du Soleil. Un objet interstellaire serait l’idéal, encore faudra-t-il en avoir un sous la main dans la fenêtre de la mission. Cette dernière ne s’intéressera donc évidemment pas à 1I/Oumuamua ou 2I/Borisov.

Comet InterceptorComet Interceptor

Inutile d’attendre : « Imaginez la chance que nous avons eue »

Bin Yang, astronome à l'ESO au Chili, savoure déjà le passage de la comète 2I/Borisov dans notre ciel : « Imaginez la chance que nous avons eue qu'une comète provenant d'un système situé à des années-lumière de nous ait simplement fait un voyage jusqu'à notre porte par hasard ». Avec son équipe, il a analysé les données de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) et du VLT afin d’étudier les grains de poussière de la comète et recueillir « des indices sur la naissance de la comète et les caractéristiques de son système d'origine ».

Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que la coma, c’est-à-dire l’enveloppe de poussière entourant la comète, « contient des granules compacts, des grains d'environ un millimètre ou plus » et que « les quantités relatives de monoxyde de carbone et d'eau dans la comète ont changé radicalement à mesure qu'elle se rapprochait du Soleil ».

Pour l’équipe de Bin Yang, « cela indique que la comète est composée de matériaux qui se sont formés à différents endroits de son système planétaire […] La matière du foyer planétaire de 2I/Borisov s'est mélangée depuis la proximité de son étoile jusqu'à une zone plus lointaine, peut-être en raison de l'existence de planètes géantes, dont la forte gravité remue la matière dans le système ». Un processus similaire se serait produit au début de la vie de notre système solaire.

L’ESO note au passage que c’est l’absence de coma autour d’Oumuamua qui a conduit à reclasser l’objet comme étant un astéroïde et pas une comète. La place pour 3I/xxxx est libre et n’attend plus que la détection d’un nouvel objet interstellaire.

Commentaires (1)

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« Le résultat principal – à savoir que 2I/Borisov ne ressemble à aucune autre comète à l’exception de Hale-Bopp - est très fort […] Il est très plausible qu’elles se soient formées dans des conditions très similaires ».


Rien que cette phrase laisse penser à un sacré paquet de choses ! Que les objets interstellaires sont plus nombreux et fréquents qu’on se l’imagine (l’Humanité et la technique moderne sont une particule à la vue du temps cosmique), que d’autres système solaires existent (ça on commence à le quantifier), que mathématiquement la vie existe ailleurs (même à 1 fois sur 10^12), etc…



PS : un lien vers la page wiki de la comète est pas mal ;-)

2I/Borisov : la première comète interstellaire serait « la plus « pure » jamais découverte »

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