PLATO : la mission européenne qui va chercher « la vie ailleurs que sur notre planète »
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Le 18 janvier 2022 à 13h30
8 min
Sciences et espace
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L’ESA vient de valider une étape importante pour la construction du satellite PLATO, dont la mission sera de scruter les étoiles à la recherche d’exoplanètes, notamment rocheuses. En trame de fond, on retrouve les habituelles quêtes de traces de vie et de compréhension de notre Système solaire.
PLATO, ou PLAnetary Transits and Oscillations of star, est la troisième mission de classe moyenne du programme Cosmic Vision de l’Agence spatiale européenne (ESA). Les autres sont Solar Orbiter (déjà dans l’espace), Euclid (prévu pour 2023), ARIEL (2028) et EnVision (début des années 2030).
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L’Observatoire de Paris rappelle que l’objectif de PLATO « est de trouver et d’étudier un grand nombre de systèmes planétaires, en mettant l’accent sur les propriétés des planètes semblables à la Terre dans la zone habitable autour des étoiles de type solaire ».
Encore un chevron enclenché
Le projet a passé avec succès sa « revue technique », ce qui signifie que la maturité de l’ensemble du satellite – le module de service et la charge utile – a été vérifié avec la confirmation de « la solidité des interfaces satellite-charge utile et [du] calendrier de développement de la charge utile ».
Un accent a été mis sur « la production en série de 26 caméras » qui seront utilisées pour « découvrir et caractériser les exoplanètes qui orbitent autour d’étoiles similaires à notre Soleil ». Il faudra par contre encore attendre plusieurs années avant que le satellite ne décolle, puisque le lancement est attendu pour 2026 à bord d’une fusée Ariane 62… et donc déjà en retard sur le calendrier initial.
La promesse d’une « précision jamais atteinte »
C’est en effet début 2014 que l’ESA choisissait la troisième mission M (catégorie moyenne) : « un observatoire spatial capable de repérer des planètes appartenant à d’autres systèmes solaires ». Le lancement était alors prévu pour 10 ans plus tard, en 2024. Elle a donc déjà pris deux ans de retard.
Quoi qu’il en soit, PLATO tentera d’apporter des éléments de réponses à deux questions : « quelles sont les conditions nécessaires pour que se forment les planètes et pour qu’apparaisse la vie d’une part, et comment le Système solaire fonctionne-t-il d’autre part ? ». Cette mission prend la suite de COROT (projet français avec des contributions européennes), Kepler et TESS (toutes les deux de la NASA).
Pour Fabienne Casoli, présidente de l’Observatoire de Paris, cette mission est « le prolongement d’une aventure humaine et scientifique captivante ». Elle rappelle que le LESIA (Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique) a la responsabilité de plusieurs aspects logiciels : « spécification des logiciels de traitement de la photométrie bord et sol, fourniture du logiciel vol [et]spécification des logiciels scientifiques permettant la caractérisation des étoiles hôtes ».
Pour cela, le satellite utilisera une technique déjà largement éprouvée – le transit – mais avec une « précision jamais atteinte » : « Il surveillera des dizaines de milliers d'étoiles brillantes, recherchant des variations de lumière de quelques dix millièmes, et périodiques, signes du passage d’une planète devant le disque de son étoile », explique l’Observatoire de Paris.
La précision dans les mesures est une « condition indispensable pour pouvoir déterminer la nature précise de la planète et en particulier s’il s’agit bien d’une planète rocheuse ». Si elle se trouve dans la zone habitable de son étoile (c’est-à-dire à une distance où l’eau, si elle existe, peut être à l’état liquide), cela « marquerait un jalon dans la quête de la recherche de la vie ailleurs que sur notre planète ».
26 caméras, dont deux « rapides »
Le satellite observera des étoiles relativement proches – à l’échelle de l’Univers – « à l’affût de légères baisses de luminosité se produisant régulièrement, au moment où leurs planètes transitent devant elles, masquant alors temporairement une partie infime de la lumière émise par ces étoiles ».
La mission est prévue pour durer quatre ans avec l’observation de « centaines de milliers d’étoiles très brillantes », précise le CNES. Pour cela, le satellite disposera de 26 télescopes/caméras – contre 34 lors de l’annonce de la mission en 2014 – travaillant en lumière visible. Sur l’ensemble, 24 sont dites « normales » et 2 « rapides ».
L'Institut d'Astrophysique Spatiale (IAS) du CNRS et de l'Université Paris-Saclay donne des détails techniques sur leur mode de fonctionnement :
« Les 24 caméras normales ont une cadence de 25 s pour observer les étoiles faibles inférieures à magnitude de 8 [une mesure sans unité de la luminosité, plus la valeur est basse plus l'astre est lumineux, ndlr]. Elles sont organisées en 4 groupes de 6. Les 6 caméras de chaque groupe observent le même champ et les 4 groupes ont des lignes de visée décalées.
[…] Chaque caméra est entièrement dioptrique, avec une pupille de 120 mm et une distance focale de 200 mm. Le plan focal de chaque caméra est constitué de 4 CCDs de 4 510 x 4 510 pixels de 18 µm.
Les deux caméras "rapides", ont une cadence de 2.5 s, elles seront utilisées pour le pointage de satellite et l’observation des étoiles brillantes de magnitude de 4 à 8 ».
Ces capteurs permettront de mesurer précisément les variations de luminosité des étoiles. Ensuite, « les scientifiques détermineront le mouvement précis des planètes autour de leur étoile, l'âge des systèmes étoile-planètes, mais aussi la structure et la nature rocheuse ou gazeuse de ces exoplanètes ».
« Le fait que la mission comporte 26 caméras a nécessité le développement d’une méthode d’alignement automatisée, cela afin de réaliser la tâche 26 fois dans un délai relativement court, expliquait fin 2020 Aline Hermans, ingénieure et responsable du projet pour le Centre Spatial de Liège en charge des tests.
Jusqu’ici, tout va bien !
« Une des complexités de l’alignement réside dans le fait qu’il est réalisé à température ambiante, alors que la température opérationnelle est fortement négative. Cela entraîne un important bruit au niveau du détecteur et impose de prendre en considération les dilatations thermiques avec des précisions de l’ordre de seulement quelques microns », ajoutait-elle.
Les scientifiques doivent relever plusieurs défis techniques importants pour atteindre la précision tant attendue : « Les caméras ne doivent pas seulement satisfaire aux exigences optiques spécifiques, mais également à la stabilité thermique rigoureuse pendant l’observation. La température du télescope de la caméra doit être maintenue dans la plage de - 80 ° C ± 10 ° C avec une connaissance de 0,01 ° C et les détecteurs de moins de - 65 ° C ».
Cette première revue technique était donc importante, car elle concernait notamment la production en série des fameuses caméras. Pas moins d’une centaine d’experts de l’ESA ont planché sur le sujet, permettant au comité directeur de statuer il y a quelques jours sur le succès de « la conception, la production et l'assemblage des caméras ».
« Cette étape a été validée grâce aux tests des modèles structurels, d'ingénierie et de qualification des sous-systèmes des caméras, effectués dans plusieurs installations européennes. Les propriétés thermo-élastiques du banc optique, qui va accueillir les 26 caméras, ont été vérifiées grâce à une nouvelle technique de test développée par le maître d'œuvre du satellite, OHB System AG (Allemagne) », ajoute le CNES.
Rendez-vous en 2023 puis fin 2026
Désormais, la deuxième phase du contrat industriel (avec OHB System AG, Thales Alenia Space et RUAG Space System) peut démarrer. La prochaine étape est attendue pour 2023 avec la « revue critique de conception de l’ensemble du satellite ». Il sera ensuite temps de procéder à son assemblage.
Fin 2026 (si tout va bien), il décollera à bord d’Ariane 62 direction le second point de Lagrange… et il rejoindra donc Webb qui est en route, Gaia qui est sur place et Euclid qui doit décoller en 2023.
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Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 18/01/2022 à 18h16
C’est si chaud que ça le dérèglement climatique pour qu’on intensifie autant la recherche d’exoplanètes ??
Plus sérieusement, même si l’Europe a du retard pour certaines technologies grand public, ça fait du bien de savoir qu’on reste compétent sur ces sujets.
Le 18/01/2022 à 19h58
”…avec une connaissance de 0,01 ° C et les détecteurs de moins de -65 ° C”
où peut-on lire la VO siouplait ?
Le 19/01/2022 à 08h12
Il est dit que la lecture des conditions optiques va d’une plage de 10 à -80°C avec une précision de 0,01°C par degré.
Ce qui permet, j’imagine, de corriger plus tard les signaux reçus en enregistrant les aléas de dilatation thermique de l’optique qui, par exemple, remettent en cause la précision en minutes d’angle des ouvertures pour les objets très lointains.
A la fin du traitement des signaux, les aberrations optiques peuvent donc être corrigées avec précision par l’équivalent d’un fichier raw contenant le tracé exact des variations durant l’exposition. En connaissant ainsi la géométrie de l’optique et le relevé pour chaque prise de vue, l’image ne peut pas mentir.
Le 19/01/2022 à 08h21
Là c’est le pourquoi mesurer la température. ;-)