Aux Nations Unies, les enjeux sur « l’espace et la santé mondiale »
Kamoulox ?
Le 25 janvier 2022 à 14h36
7 min
Sciences et espace
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Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (qui dépend du Bureau des affaires spatiales des Nations unies, alias UNOOSA) vient de publier son projet de résolution sur l’espace et la santé mondiale… un mélange des genres surprenant au premier abord, mais qui existe depuis des décennies.
En guise de préambule, le Comité rappelle l’objectif général 2 du programme « Espace 2030 » des Nations Unies, qui est de « tirer parti des possibilités qu’offrent les activités spatiales pour résoudre des difficultés de la vie quotidienne ». Il pourrait être atteint en renforçant la coopération et le partage au niveau international ; ce sont en tout cas les pistes avancées.
Le Comité se dit également préoccupé « par les effets dévastateurs que produisent à l’échelle mondiale les maladies infectieuses émergentes et d’autres situations d’urgence ayant des répercussions sanitaires, notamment la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), sur la vie, la société et le développement ». Il exhorte ainsi « la communauté internationale à adopter une approche « Une seule santé » en renforçant le rôle des solutions spatiales ».
Les liens étroits entre science et espace
Les satellites sont une ressource précieuse pour la santé. « Les approches à envisager comprennent l’utilisation des sciences et techniques spatiales aux fins de la promotion et de la protection de la santé, de la surveillance et de la fourniture de soins dans les zones reculées grâce à des services de télémédecine et de télésanté », expliquent les Nations Unies dans cet autre document.
Mais cela n’a absolument rien de nouveau. Le Centre national des études spatiales dispose depuis 1989 d’une filiale santé : Medes. Elle « œuvre pour maintenir et contribuer à développer une compétence française en médecine et physiologie spatiales et pour promouvoir les applications de la recherche spatiale dans le domaine de la santé ». Trois secteurs sont mis en avant : le support en médecine et physiologie spatiales, la recherche clinique, ainsi que les applications et innovations spatiales pour la santé.
Il y a déjà plus de 15 ans, le Conseil départemental de l'Essonne parlait des satellites au service de la santé : « ils ne vont pas suivre des nuages de moustiques porteurs du paludisme ou des populations atteintes d’une maladie. Mais ils permettent d’observer les bouleversements de l’environnement. Or ces bouleversements ont un impact sur l’émergence de certaines épidémies ».
Plus récemment, l’agence spatiale canadienne expliquait comment les satellites pouvaient nous aider sur les questions de santé. En plus de surveiller les constantes de la Terre, ils permettent de se lancer dans la cybersanté (utiliser les technologies de l'information et des communications), la télésanté (vidéoconférences) et la télémédecine (téléchirurgie par exemple).
En France, des recherches tous azimuts
Au CNRS aussi on retrouve la question du spatial au service de la santé. Par exemple, avec « un exosquelette léger pour renforcer les muscles des astronautes (en prévision du retour de l’ISS ou d’un éventuel atterrissage sur Mars) pourrait également servir aux militaires ou aux travailleurs qui portent des charges lourdes ».
Autre sujet d’analyse à l’Institut des neurosciences de Marseille (avec Raoul Belzeaux) : la santé mentale. « Les dépressions et accès psychotiques peuvent avoir des conséquences particulièrement graves dans l’espace, mais aussi sur Terre. Avec son équipe, le chercheur a identifié des marqueurs prédictifs du risque et de l’évolution des pathologies mentales au long cours. Ces indices permettent de différencier les pathologies qui se ressemblent et de prédire l’apparition d’épisodes aigus ».
Le CNRS cite aussi l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de Strasbourg qui étudie les adaptations physiologiques humaines pendant les vols spatiaux. Ils testent diverses stratégies (exercices, nutrition) afin de maintenir la santé et les performances des astronautes… ou des personnes trop sédentaires sur Terre.
Le CNES et la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur organisent depuis quelques années une journée Espace & Santé, dont la prochaine édition est prévue pour le 29 mars 2022 à Marseille. Les sujets abordés sont nombreux : « santé, santé publique, télémédecine, aide au diagnostic, Intelligence artificielle, interface hommes-machines, brain-tech, exosquelette notamment ».
Bref, des avancées faites dans le cadre des missions spatiales ont des retombés tangibles pour les personnes sur notre planète. Et il ne s’agit là que de quelques exemples, d’autres pays comme les États unis et la Chine ont des programmes similaires.
Aidez-vous les uns les autres
Puisqu’il s’agit d’un enjeu de santé publique au niveau mondial (les bénéfices sont pour toutes les populations), les Nations Unies veulent jouer la carte de l’unité. Elle ne peut par contre pas faire grand chose de plus que formuler des recommandations à suivre pour le moment.
Pour commencer, elle encourage tous les gouvernements, entités, organisations et le secteur privé « à faire preuve d’une coordination effective dans toutes les activités spatiales essentielles en rapport avec la santé mondiale ». Il va même plus loin et « invite instamment » les entités des Nations Unies ainsi que toutes les organisations intergouvernementales à favoriser à grande échelle des « solutions spatiales pour la santé mondiale, la santé publique et les situations d’urgence ».
Il est également question de mettre en place « un environnement politique propice et des mécanismes de gouvernance permettant d’éliminer les obstacles à une utilisation efficace des techniques spatiales, notamment des solutions de télémédecine ».
Le Comité encourage tous les participants à « intensifier leur action en faveur du géobalisage de toutes les ressources présentant un intérêt pour les systèmes de santé, notamment pour les systèmes d’information sanitaire, et à les mettre à la disposition des parties concernées pour leur permettre d’atteindre les objectifs en matière de santé ».
Le Comité souhaite également « promouvoir des politiques de partage de données ouvertes »… Mais comme nous avons déjà eu l’occasion de le voir, ce n’est pas si simple dans les sciences en général. Les publications des chercheurs sont un bon exemple de manque d’ouverture, même si la situation s’améliore grandement au fil des années. Fin 2021, l’UNESCO militait aussi pour des « normes internationales ambitieuses pour la science ouverte ».
Quand l’open access peut sauver des vies
Dans le domaine médical, l’enjeu est majeur : « En open access on pourrait fluidifier considérablement la circulation de la connaissance, ce qui peut sauver des vies. Il faut bien comprendre qu'on met en danger la société puisqu'elle ignore ce qu'elle a produit comme connaissance. On peut parler d'Ebola où on comprend qu'il faut aller vite, mais on peut parler de la crise de l'euro, de l'épidémie de la vache folle... On a besoin de toute la connaissance scientifique pour produire des solutions rapidement », expliquait Marin Dacos. La pandémie de Covid-19 n’avait pas encore frappé, mais elle pourrait certainement entrer dans cette liste aujourd’hui.
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Quoi qu’il en soit, les Nations Unies souhaitent « suivre et répertorier chaque année l’ensemble des activités essentielles, documents de référence et plans d’action ». Ce recueil pourrait alors « servir de référence pour recenser et examiner les lacunes à combler et les possibilités à exploiter, et qu’il devrait être diffusé largement afin d’informer les acteurs du domaine concernés et de promouvoir la coopération entre eux ».
Il s’agit pour le moment d’un projet de résolution du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique. Il doit maintenant être présenté lors de sa 59e session qui se déroulera du 7 au 18 février 2022.
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