Sur les traces de la vie : du méthoxyméthane dans un disque de formation de planètes
Du gloubi-boulga galactique
Le 08 mars 2022 à 10h45
7 min
Sciences et espace
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La compréhension de notre univers passe par celle de l’apparition de la vie sur Terre et éventuellement sur d’autres astres. Dans cette quête, six chercheuses ont publié un article scientifique dans lequel elles expliquent avoir détecté une molécule organique complexe avec neuf atomes dans un disque protoplanétaire. Une première.
La recherche de la vie est une quête que les scientifiques mènent sur plusieurs fronts à la fois. Il y a évidemment les explorations martiennes avec des rovers qui tentent de trouver des traces de vie passée sur la planète, mais les recherches se penchent aussi sur d’autres astres dans notre système solaire.
La quête de la vie en dehors de la Terre
Il suffirait d’une seule découverte pour que la Terre perde son statut d’unicité et en déduire que la vie a pu se développer un peu partout dans l’Univers. Le planétologue Sylvestre Maurice nous faisait il y a quelques années un parallèle avec l’habitabilité de Mars qui est prouvée depuis des années maintenant : « maintenant qu'on l'a deux fois [sur Terre et Mars, ndlr] on se dit qu'il y en a partout ». On n’en est pas (encore ?) là pour la vie, mais c’est le but de nombreuses recherches.
- Notre dossier sur l'exploration de Mars et la recherche de la vie
- Et si on trouvait des traces de vie sur Mars ? Les explications de Sylvestre Maurice
D’un autre côté, des astronomes essayent de comprendre le cheminement et l’alchimie qui a conduit à l’apparition de la vie sur la Terre. C’est justement ce dont il est question avec la publication du jour de l’European Southern Observatory : « nous pouvons en apprendre davantage sur l'origine de la vie sur notre planète et donc avoir une meilleure idée du potentiel de vie dans d'autres systèmes planétaires », explique Nashanty Brunken, auteure principale de l'étude publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics.
On note d’ailleurs que le document, signée par des femmes, est publiée ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes.
Une molécule de neuf atomes dans un disque protoplanétaire
Mais de quoi parle-t-on exactement ? De méthoxyméthane (ou oxyde de dimethyle) détecté pour la toute première fois dans un disque de formation de planètes (ou protoplanétaire) : « Avec neuf atomes, il s'agit de la plus grande molécule identifiée à ce jour dans un tel disque ». Ce composé chimique fait partie de la famille des éthers et sa formule semi-développée est CH₃OCH₃. On y retrouve donc six hydrogènes H, deux carbones C et un oxygène O ; soit neuf au total. Le compte est bon !
Le méthoxyméthane est une molécule organique : elle comporte des atomes de carbone et d’hydrogène qui sont liés entre eux, avec éventuellement d’autres atomes comme c’est le cas ici avec l’oxygène. Cette molécule, on la connait bien puisqu'elle se retrouve couramment dans les nuages de formation d'étoiles. Ceci dit, elle n'avait pas encore été détectée dans un disque de formation de planètes.
Ce n’est pas tout : actuellement, toutes les études sur la définition de la vie « tournent autour d'une seule chimie, celle des carbones », expliquait Sylvestre Maurice. « On a toujours envie de chercher ce qu'on connait » ajoutait le planétologue. C’est le cas aujourd’hui.
Dans l’image ci-dessous, on peut observer le résultat de la détection de plusieurs molécules organiques complexes, notamment le formaldéhyde (H₂CO) en orange, le méthanol (CH₃OH) en vert et le méthoxyméthane (CH₃OCH₃) en bleu, qui est donc « la plus grande molécule trouvée à ce jour dans un disque de formation de planète ».
Passer de poussières millimétriques à des planètes
Ces molécules de méthoxyméthane ont été découvertes dans le disque de formation de planètes autour de la jeune étoile IRS 48 (ou Oph-IRS 48) qui se trouve à 444 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l'Ophiuchus.
Cette étoile intéresse tout particulièrement les chercheurs, car le disque protoplanétaire contient un « "piège à poussière" asymétrique en forme de noix de cajou » qui s’est (selon les scientifiques) probablement formée à la suite de la naissance d'une planète ou d'une petite étoile compagnon situé entre l'étoile et le piège à poussière.
Dans ce « piège », on retrouve « un grand nombre de grains de poussière de taille millimétrique qui peuvent s'assembler et se transformer en objets de taille kilométrique comme des comètes, des astéroïdes et peut-être même des planètes ».
« C'est vraiment passionnant de détecter enfin ces grosses molécules dans les disques. Nous avons pensé pendant un bon moment qu'il ne serait pas possible de les observer », explique Alice Booth, l'une des six co-auteures. « Ce qui rend cette découverte encore plus enthousiasmante, c'est que nous savons maintenant que ces molécules complexes plus grandes sont disponibles pour alimenter les planètes en formation dans le disque », ajoute-t-elle.
Des précurseurs aux acides aminés et aux briques de la vie ?
Là encore, les scientifiques utilisent leurs travaux comme base pour extrapoler : « La découverte du méthoxyméthane suggère que de nombreuses autres molécules complexes couramment détectées dans les régions de formation d'étoiles peuvent également se cacher sur les structures glacées des disques de formation de planètes ». Les chercheurs ont essayé de détecter du formiate de méthyle (CH₃OCHO), une molécule complexe proche de la méthoxyméthane, mais visiblement sans succès.
Quoi qu’il en soit, si on continue de suivre le cheminement de leur pensée, cela pourrait déboucher sur la quête du Graal : « Ces molécules sont les précurseurs de molécules prébiotiques telles que les acides aminés et les sucres, qui sont certaines des briques élémentaires de la vie ».
Il ne s’agit que d’hypothèses pour le moment, qui demandent donc des confirmations. Cela n’empêche pas les chercheurs d’aller de l’avant et de continuer à étudier la formation et l’évolution des molécules prébiotiques afin de mieux comprendre comment elles se retrouvent ensuite sur les planètes, notamment notre Terre évidemment.
Nous pouvons « commencer à suivre le parcours complet de ces molécules complexes, depuis les nuages qui forment les étoiles jusqu'aux comètes, en passant par les disques de formation des planètes », explique Nienke van der Marel, une autre chercheuse qui a participé à l'étude. « Nous espérons qu'avec d'autres observations, nous pourrons nous rapprocher de la compréhension de l'origine des molécules prébiotiques dans notre propre système solaire ».
Les scientifiques espèrent maintenant que de futures observations autour de l’étoile IRS 48 permettront de découvrir d’autres molécules organiques complexes et de répondre à davantage de questions.
Sur les traces de la vie : du méthoxyméthane dans un disque de formation de planètes
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La quête de la vie en dehors de la Terre
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Une molécule de neuf atomes dans un disque protoplanétaire
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Passer de poussières millimétriques à des planètes
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Des précurseurs aux acides aminés et aux briques de la vie ?
Commentaires (6)
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Abonnez-vousLe 08/03/2022 à 10h50
Tant qu’il n’y a pas d’éthanol
Merci pour cet article complet et qui nous sort un peu la tête du guidon
Le 08/03/2022 à 15h36
Merci @Sébastien je ne connaissais pas du tout ce sujet.
Hâte de voir de que va nous dire James webb à propos des atmosphères des exoplanètes !
Le 08/03/2022 à 18h58
L’important : est-ce ça se fume, se sniffe ou se respire ?
Le 09/03/2022 à 15h46
Si je comprends bien, il n’y a plus qu’un ou deux milliards d’années à attendre pour voir si une vie avancée se développe ? Et d’ici là on aura peut-être développé la techno pour aller voir ce qui s’y passe. Et faire livrer des pizza par spaceXeroo…
Le 10/03/2022 à 08h06
Tu peux.
Une seule fois
Le 12/03/2022 à 15h46
Je me demande une question similaire : on ne voit pas les atomes/molécules/etc de maintenant mais du temps où la lumière/ondes/etc ont été émis (sauf erreur ma part).
Donc si ça se trouve y a déjà une forme de vie ?