420 demandes de blocage administratif entre février et décembre 2019
De la CNIL au CSA
Le 29 mai 2020 à 06h00
6 min
Droit
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La personnalité qualifiée de la CNIL, seule autorité en charge du contrôle des opérations de blocages administratifs des sites terroristes et pédopornographiques, vient de rendre son nouveau rapport d’activité. C'est même le dernier rapport d'Alexandre Linden, puisque la loi Avia transmet ses compétences au CSA.
En février 2015, le gouvernement publiait au Journal officiel le décret sur le blocage administratif des sites faisant l’apologie ou provocant au terrorisme et ceux diffusant des contenus pédopornographiques. Il met depuis en application une disposition de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) qui orchestre ces restrictions d’accès sans intervention préalable du juge.
Schématiquement, l’Office central de lutte contre la cybercriminalité (OCLCTIC), relevant du ministère de l’Intérieur, peut réclamer des sites et à leurs hébergeurs le retrait des contenus relevant de ces infractions. Sans réponse dans les 24 heures, les adresses sont transmises aux FAI, parfois même sans attendre lorsque les mentions légales du site sont absentes. Et les fournisseurs doivent alors bloquer sans délai.
La liste noire est mise à disposition (donc non envoyée) de la personnalité qualifiée désignée par la CNIL. Seule instance extérieure en capacité de contrôler au plus près ces mesures de retrait et blocage sans juge. En cas d’irrégularité, elle peut recommander aux policiers de revoir leur décision voire de saisir le tribunal administratif pour la contester, si sa recommandation n’est pas suivie d’effet.
Un précédent, dont nous avions suivi l’audience, avait été examiné par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, où Alexandre Linden, actuelle personnalité qualifiée, avait eu gain de cause.
- Notre compte rendu d’audience
- Blocage administratif : la personnalité qualifiée de la CNIL fait plier la police devant la justice
Des moyens toujours insuffisants
Le rapport publié hier est sans doute le dernier publié entre les murs de la CNIL. Et pour cause la loi Avia, actuellement examinée par le Conseil constitutionnel, transmet ces compétences à une personnalité qualifiée désignée à l’avenir par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Comme les années précédentes, l’autorité constate que ses moyens ne sont pas au rendez-vous. « Le nombre de collaborateurs de la CNIL assistant la personnalité qualifiée, volontaires compte tenu de la spécificité de cette mission, est resté stable durant cette année ».
Stable et donc insuffisant : « le renforcement des ressources humaines, indispensable pour assigner à la mission de la personnalité qualifiée l’assistance attendue, demeure toujours aussi nécessaire ». En somme, l’autorité se plaint de ne pas disposer de suffisamment de ressources pour assurer la plénitude de son contrôle.
Et ses besoins, répétés rapport après rapport, n’ont trouvé aucune oreille attentive auprès de l’exécutif.
La pédopornographie, cible numéro 1
Entre le 2 février et le 31 décembre 2019, 18 177 contenus, très exactement, ont été vérifiés par ses soins. À comparer aux 25 474 de 2018 ou des 38 988 contenus examinés durant la période précédente. Soit une baisse conséquente. Après ces vérifications, 8 105 contenus ont été retirés (essentiellement des contenus à caractère pédopornographique).
II y a eu également 420 demandes de blocage et 5 883 demandes de déréférencement. « Aucune recommandation n’a été adressée au ministère de l’intérieur. Mais il est arrivé qu’à la suite d’une demande de complément d’informations de la part de la personnalité qualifiée, il soit mis fin à une mesure de blocage. Par ailleurs, les décisions de l’OCLCTIC n’ont donné lieu à aucun recours » détaille Linden.
Les demandes de blocage ont concerné pour 96 % la pédopornographie (405 sites), et 4 % donc le terrorisme (15 sites). Cette majorité écrasante se constate également sur le déréférencement (4 432 sites pédo, contre 1 451 sites terro). « La nette diminution constatée entre 2018 et 2019 du nombre de demandes de retrait, de déréférencement et de blocage de contenus s’explique d’une part, par le nombre beaucoup plus faible de contenus publiés sur Internet par les organisations terroristes et par leurs sympathisants, d’autre part, en raison des actions coordonnées par Europol en 2019, qui ont fortement impacté certains vecteurs de diffusion utilisés par les terroristes (par exemple Télégram). »
Après cinq années d’activités, Alexandre Linden note que son contrôle s’est opéré, dans une très large mesure, « sur des contenus à caractère pédopornographique, et dans ce domaine, jamais aucune divergence d’interprétation n’est apparue entre l’OCLCTIC et la personnalité qualifiée ».
Aucun cas de surblocage
Aucun cas de surblocage n’a été constaté « contrairement aux craintes de certains ». Selon lui, du coup, « l’OCLCTIC a constamment respecté le principe de proportionnalité applicable en matière d’atteinte à la liberté d’expression ».
Il n’évoque pas le curieux précédent de janvier 2019, relatif à une demande de déréférencement d’une photo détournée de Pinochet, concernant Emmanuel Macron. Ses recommandations ont en tout cas été entendues dans la quasi-totalité des cas. « Dans 6 cas, l’OCLCTIC s’est rangé à la position de la personnalité qualifiée et a donc mis fin à la mesure. Dans 1 cas, c’est la personnalité qualifiée qui s’est rangée à la position de l’OCLCTIC, après communication d’éléments d’information complémentaires. Dans 4 cas, de nature similaire, le tribunal administratif, saisi par la personnalité qualifiée, a annulé les mesures ». Ces quatre cas sont justement ceux jugés à Cergy-Pontoise.
Au total, relève la personnalité qualifiée, « le très faible nombre de désaccords est lié à la qualité de l’analyse opérée par l’OCLCTIC sur le contenu des sites en cause, notamment par la prise en considération du contexte ».
Et Alexandre Linden de terminer par une explication… acidulée : « on peut penser que la seule existence d’un contrôle par une personnalité extérieure n’y est pas étrangère ».
Le 29 mai 2020 à 06h00
420 demandes de blocage administratif entre février et décembre 2019
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Des moyens toujours insuffisants
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La pédopornographie, cible numéro 1
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Aucun cas de surblocage
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