« Feu d’artifice galactique » dans les pouponnières d’étoiles de galaxies voisines
Encore un coup de Saga avec sa Galaxian Explosion ?
Le 16 juillet 2021 à 12h00
7 min
Sciences et espace
Sciences
Deux jours après la fête nationale, l’European Southern Observatory dévoile son « feu d'artifice galactique » avec des images « époustouflantes » de pouponnières d'étoiles dans des galaxies voisines. Elles permettent d’améliorer nos connaissances de l’Univers et des mécanismes de formation des étoiles.
Nos connaissances de l’espace sont à la fois grandes et pleines de lacunes. Un exemple parlant est certainement la matière et l’énergie noires qui restent invisibles à nos yeux pour le moment, alors qu’elles compteraient pour 95 % dans la composition de l’Univers (contre 5 % seulement pour la matière ordinaire).
Les questions en suspens sur la naissance des étoiles
Si le principe de formation des étoiles est connu – elles naissent dans des nuages de gaz – ce qui déclenche ce phénomène reste encore « un mystère » pour les astronomes, comme le rappelle l’European Southern Observatory (ESO). Une organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe soutenue par 16 pays, dont la France.
Kathryn Kreckel (Université de Heidelberg en Allemagne et membre de l'équipe Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS, PHANGS) précise certains des mystères que les astronomes aimeraient élucider : « Les étoiles naissent-elles plus souvent dans des régions spécifiques de leurs galaxies hôtes – et, si oui, pourquoi ? Et après la naissance des étoiles, comment leur évolution influence-t-elle la formation de nouvelles générations d'étoiles ? ».
Pour tenter de mieux comprendre ce processus, « une équipe de chercheurs a observé diverses galaxies proches avec de puissants télescopes au sol et dans l'espace, balayant les différentes régions galactiques impliquées dans la naissance des étoiles ».
La MUSE des astronomes
Cette campagne de mesures multiples permet, « pour la première fois » selon Eric Emsellem (astronome de l'ESO et responsable des observations du VLT dans le cadre du projet PHANGS), d’observer « des groupes d’étoiles qui se forment sur une grande variété de lieux et d'environnements avec un échantillon qui représente bien les différents types de galaxies ». « Nous pouvons observer directement le gaz donnant naissance aux étoiles, nous voyons les jeunes étoiles elles-mêmes, et nous assistons à leur évolution sur différentes phases », ajoute-t-il.
Son équipe vient ainsi de publier les dernières séries de relevés galactiques réalisés via l’instrument MUSE (Multi-Unit Spectroscopic Explorer) du Very Large Telescope (VLT) de l'ESO dans le désert d'Atacama au Chili. Ils peuvent ainsi « suivre les étoiles naissantes et le gaz chaud qui les entoure » ; lorsque ce dernier est chauffé et s’illumine, c’est le signe de la formation des étoiles.
Galaxie NGC 3627 à 31 millions d’années-lumière vue par MUSE à gauche puis avec ALMA à droite
ALMA et Hubble sont aussi de la partie
Les données de MUSE sont combinées aux observations des mêmes galaxies réalisées par un autre instrument partenaire de l’ESO : ALMA (Atacama Large Millimeter/Submillimiter Array), qui est « particulièrement bien adapté à la cartographie des nuages de gaz froid ».
MUSE a ainsi observé pas moins de 30 000 nébuleuses de gaz chaud et a recueilli environ 15 millions de spectres de différentes régions galactiques. L’ESO explique qu’il s’agit de « "codes-barres" que les astronomes scannent pour dévoiler les propriétés et la nature des objets cosmiques ».
De leur côté, les observations d’ALMA ont permis de cartographier environ 100 000 régions de gaz froid dans pas moins de 90 galaxies proches, « produisant un atlas d'une précision sans précédent des pouponnières stellaires de l'Univers proche ». Ces relevés ont déjà été publiés plus tôt cette année.
Des données du télescope Hubble sont également de la partie. Pour rappel, il est pour le moment en panne (les instruments sont en mode sans échec), mais la NASA pense avoir identifié la source du problème et une solution de contournement est en cours de déploiement. Nous saurons dans quelques jours si elle est ou non efficace.
Galaxie NGC 1300 à 61 millions d’années-lumière vue par MUSE à gauche puis avec ALMA à droite
On mélange le tout, et hop !
Avec cette combinaison, « les astronomes peuvent examiner les régions galactiques où les étoiles se forment, par rapport à celles où elles devraient se former, afin de mieux comprendre ce qui déclenche, stimule ou retarde la naissance de nouveaux soleils », explique l’European Southern Observatory.
En effet, « les différents observatoires ont été sélectionnés pour permettre à l'équipe de balayer nos voisins galactiques dans différentes longueurs d'onde (visible, proche infrarouge et radio), chaque gamme de longueurs d'onde dévoilant des parties distinctes des galaxies observées ».
Cette combinaison permet d’observer les différents cycles de vie des étoiles : formation des pouponnières stellaires, début de la création des étoiles et destruction finale des pouponnières. Le travail d’équipe permet d’obtenir plus de détails que des observations individuelles. C’est également une collaboration internationale qui a par exemple permis de résoudre le mystère des aurores de rayons X sur Jupiter.
Le jeu des 7 différences avec la galaxie NGC 430
Voici un exemple des images avec la galaxie en spirale NGC 430 qui se trouve à 55 millions d’années-lumière de notre planète. Celle de gauche correspond aux données de l’instrument MUSE : « Les lueurs dorées correspondent principalement à des nuages de gaz ionisés d'hydrogène, d'oxygène et de soufre, marquant la présence d'étoiles nouvellement nées, tandis que les régions bleutées en arrière-plan révèlent la distribution des jeunes étoiles ».
Sur celle de droite, les données radio d'ALMA – en orange brunâtre – ont été superposées. Cela permet de révéler « les nuages froids de gaz moléculaire, pouponnières stellaires où les nouvelles étoiles prennent vie ».
Galaxie en spirale NGC 430 à 55 millions d’années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Vierge
L’ESO en profite pour ajouter que les images « sont époustouflantes et offrent un aperçu spectaculairement coloré des pouponnières d'étoiles dans nos galaxies voisines ».
De nombreux exemples ont été mis en ligne, avec des vidéos et des comparatifs.
C’est bien, mais pas suffisant : JWT et ELT à la rescousse
Dans le cadre du projet PHANGS, « c’est la première fois que nous sommes en mesure de constituer une représentation aussi complète, en réalisant des images suffisamment nettes pour voir de manière individuelle les nuages, les étoiles et les nébuleuses qui indiquent la formation d’étoiles », explique un membre de l’équipe.
Eva Schinnerer (Max Planck Institute et chercheuse principale du projet PHANGS) reconnait que, « la résolution des cartes que nous produisons est tout juste suffisante pour identifier et séparer les nuages de formation d'étoiles individuellement, mais pas assez bonne pour voir en détail ce qui se passe à l'intérieur […] Les nouveaux efforts d'observation de notre équipe et d'autres personnes repoussent les limites dans cette direction, nous avons donc des décennies de découvertes passionnantes devant nous ».
Bien évidemment, ces travaux seront affinés grâce aux prochains télescopes, notamment les James Webb et Extremely Large Telescope (ELT). Si le premier devrait décoller d’ici la fin de l’année, le second devra atteindre encore quelques années. Il sera alors « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel » selon ses concepteurs.
« Feu d’artifice galactique » dans les pouponnières d’étoiles de galaxies voisines
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Les questions en suspens sur la naissance des étoiles
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La MUSE des astronomes
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ALMA et Hubble sont aussi de la partie
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On mélange le tout, et hop !
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Le jeu des 7 différences avec la galaxie NGC 430
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C’est bien, mais pas suffisant : JWT et ELT à la rescousse
Commentaires (13)
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Abonnez-vousLe 16/07/2021 à 17h05
J’ai toujours eu un peu de mal avec cette matière noire, qui me fait penser à l’ether du début des années 1900.
95% de la masse de l’univers n’est pas repéré mais d’un autre côté on ne peut “voir” que les étoiles qui émettent de la lumières ou au moins des ondes (qu’elles soient électromagnétiques ou gravitationnelles), cela pourrait donc être que de la matière éparpillées, à la manière des amas de gaz mais moins denses et donc invisibles, des miriades de trous noirs minuscules (trous noirs primitifs) ou bien des briques élémentaires de la matières, muons, neutrinos que sais-je, dispersés un peu partout mais dans une quantité telle que leur masse totale serait gigantesque.
bref quelque chose de connu mais d’indétectables avec nos instruments ou nos méthodes actuelles…
…plutôt que d’imaginer une hypothétique matière à la fois dense et invisible qui agirait sur la courbure de l’espace temps (et donc sur l’expension de l’univers) mais sans agir sur les forces electromagnétiques (sinon elle ne serait plus noire, on la verrait).
Le 16/07/2021 à 19h45
On déduit la matière noire et l’énergie noire uniquement de par son influence gravitationnelle, et ce à de très grandes échelles (galaxies, amas galactiques, etc).
Pour l’instant aucune autre théorie n’est meilleure dans la prédiction des observations que celle impliquant matière et énergie noire.
Il ne peut s’agir de matière ordinaire, quant aux trous noirs, quelle que soit leur taille, leur influence est certes importante, mais elle ne peut expliquer les formations à très grande échelles de l’univers qui dépassent leur influence théorique.
Muons, Gluons, même Neutrinos sont détectables, mais leur masse est infinitésimale, leur interaction assez faible (surtout les neutrinos), donc ils ne peuvent combler les forces gravitationnelles colossales impliquées.
Que l’on ne sache pas encore l’expliquer n’est pas un “problème”.
Inversement on a bien eu des explications de phénomènes avant d’en avoir la preuve physique.
Exemple facile: Einstein avait bien imaginé les ondes gravitationnelles, mais il a fallu 100 ans pour que l’on commence à avoir la possibilité d’en découvrir.
Michel Mayor cherchait déjà des exoplanètes dans les années 90, aujourd’hui c’est une chose courante…
Pendant très longtemps les trous noirs étaient de la science fiction…
Donc on fait avec ce qu’on a et qui marche!
Einstein a changé le monde de la physique, pourtant les équations de Newton restent toujours fiables pour beaucoup de choses.
Le 16/07/2021 à 19h48
Quelques vidéos sympa sur le sujet par contre c’est tout en anglais
YouTube
YouTube
Le 16/07/2021 à 17h10
Mais je m’égare du sujet, c’est toujours aussi féérique et quelque peu poétique aussi ces pouponnières d’étoiles qui apparaissent (ou sont apparues il y a quelques 55 millions d’années, même si on ne les voit naitre que maintenant d’ici….)
Le 19/07/2021 à 06h52
Ce sous-titre est validé!
Le 20/07/2021 à 10h23
Un BIG MERCI à toi Sébastien pour tous ces passionnants articles !
En voyant toutes ces fabuleuses photos, je regrette que les vaisseaux FTL (Faster Than Light) de Battlestar Galactica n’existent pas (encore ?) !..
je rêverais d’aller voir tout ça de près, en personne, avec mes propres yeux, et constater à quel point l’univers est mouvant et fluctuant, jamais statique, toujours en mouvement, en évolution permanente, et toujours mystérieusement interconnecté à chacun de ses composants…
C’est un peu analogue à ce qu’on a découvert sur les arbres, qui s’interconnectent entre eux grâce aux réseaux micellaires et s’échangent en permanence des “messages” sur l’état de la forêt, la présence de nuisibles, etc…
Bref, tout est connecté.
Mais ça fait suer que notre technologie soit encore si peu avancée : je ne verrais jamais de mon vivant le développement des voyages spatiaux collectifs enfin accessibles à tous, les premières tentatives de terraformation de planètes du système solaire et enfin les premières vraies colonies spatiales indépendantes, qui auront une chance, une seule, de réussir exactement là ou nous avons lamentablement échoué : bâtir une civilisation pacifique, durable et sobre, en harmonie avec Dame Nature.
Le 20/07/2021 à 12h53
Se donner une chance de faire mieux en terraformant une autre planète est une utopie. On cherche un plan B et si on y parvient, pourquoi ne pas le refaire ? plan C, D, E… Ce sera la débâcle la course pour être le premier à consommer les nouvelles ressources. Mettons plus d’énergie à sauver notre bonne vieille Terre. Nous sommes fait pour vivre sur elle, pas ailleurs.
Le 21/07/2021 à 13h43
Même si les statistiques sur le nombre d’enfants par famille a tendance à diminuer, tôt ou tard l’humanité devra bien faire face à cette dure réalité : la surpopulation n’est pas un problème que l’on pourra longtemps mettre sous le tapis.
Un jour ou l’autre, nous atteindrons une limite par rapport aux ressources disponibles.
On peut toujours espérer “une bonne guerre” comme disait les (très) vieux (et très) cons de mon temps, ou “une bonne pandémie”, ou… (insérer ici votre catastrophe préférée) ça ne suffira pas à faire diminuer la population mondiale de façon véritablement significative, toujours en considérant la finitude absolue de nos ressources.
De plus, vu le peu d’efforts que nous faisons pour ralentir le réchauffement climatique et pour diminuer les pollutions (et pour imposer la Démocratie et les Droits Humains, qui n’ont jamais été aussi fragiles qu’à notre époque, ce qui rend la menace de nouveaux conflits armés de plus en plus prévisible), il est très probable qu’une partie de plus en plus grande des terres émergées va devenir quasi-invivable (sècheresses, désertifications, pollutions, tsunami, inondations…), ce qui va occasionner un nombre, que dis-je un flot toujours croissant de réfugiés de toutes sortes, etc….
Indice : tout cela existe déjà. Les réfugiés sont là, la désertification est là, les tsunami et la fonte des glaces sont là et bien là. Les tensions internationales et les menaces sont de plus en plus prégnantes, et ça se passe ici, maintenant.
Donc dans un futur plus ou moins proche, à moins d’avoir la stupidité d’envisager une extermination de masse, l’humanité devra, bon gré ou mal gré, trouver une solution.
Et la seule solution efficace, à très long terme (je parle ici de plusieurs millénaires, ni toi ni moi ne verrons ce jour arriver), sera la colonisation d’autres planètes.
Mais pour que cela soit viable, il faudra adapter les environnements hostiles de certaines planètes et satellites du système solaire pour les rendre plus ou moins habitables par l’homme : c’est ce qu’on appelle la terraformation.
En fait on peut toujours discourir ou philosopher, il y a des réalités concrètes, comme celle de la surpopulation et de la finitude des ressources, qui finiront un jour ou l’autre par nous rattraper.
Nos futurs dirigeants devront donc trouver des solutions concrètes et non-idéologiques à des problèmes bien concrets.
Le 21/07/2021 à 14h41
C’est tout aussi utopique ou dystopique (?) que de “mettre les industries polluantes en orbite”. Merci Jeff B. Les ressources énergétiques nous manqueraient. Et si… Donc on pourrait résoudre des problèmes compliqués loin de chez nous, mais pas sur place ? J’hallucine , nous terriens sommes stupides, alors.
Deux astronomes français (je n’ai pas retrouvé le noms) ont fait une étude montrant qu’une population de 10 milliard de terriens peut vivre un milliard d’année sur la Terre. Malheureusement peut-être pas l’espèce.
Le 21/07/2021 à 15h39
Effectivement, une Terre bien gérée peut nous durer très longtemps… Mais le nombre de gens qui voient plus loin que les prochaines élections / échéances / chiffre d’affaire annuel / dividendes (rayer la mention inutile) sont très, trop rares…
Et les personnes qui sont réellement en position d’agir et de prendre des décisions utiles qui n’affecteront positivement que nos arrières-arrières-arrières… petits enfants sont encore plus rares, pour la majorité d’entre eux c’est après moi le déluge.
Il faut bien dire les choses comme elles sont : les humains sont majoritairement lâches, conservateurs et court-termistes. Nos dirigeants encore plus.
Le 22/07/2021 à 09h29
J’avais lu que le Gluon était candidat pour la Matière noir !!!
Le 22/07/2021 à 13h49
lequel ? le gluon du trou ?
merci R. Topor
Le 22/07/2021 à 13h12
Ce petit délire m’a rappelé une planche d’Achille Talon qui branche une citerne au pot d’échappement de sa voiture quand il est en ville pour aller vider cette citerne à la campagne.