Numéros d’urgence : le Sénat « alerte sur la situation » du système actuel
Au feu, les pompiers…
Le 16 décembre 2021 à 13h58
6 min
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Suite à la panne sur les numéros d’urgence, le Sénat avait lancé une « mission de contrôle ». Elle vient de rendre son verdict et appelle à une clarification des responsabilités. La mission s’inquiète aussi de l’avenir du service universel et adresse une « mise en garde solennelle ».
Le 2 juin dernier, « une panne massive sur le réseau de l’opérateur Orange a fait obstacle à l’acheminement de 10 000 communications d’urgence ayant, vraisemblablement, causé la mort d’au moins quatre personnes ».
Très rapidement, les politiques et opérateurs s’étaient emparés du sujet : des enquêtes étaient ouvertes et des propositions mises sur la table, notamment par l’AOTA. C’était notamment le cas du Sénat qui souhaitait « prendre toute la mesure de ce dysfonctionnement ». Un rapport vient d’être mis en ligne.
Le fonctionnement des numéros courts
Les sénateurs rappellent que la France compte 13 numéros d’urgence. Les plus connus sont certainement le 112 (numéro d’appel d’urgence européen), le 15 (urgences médicales), le 17 (police secours) et le 18 (services d’incendie et de secours). Ils sont, « en réalité, convertis en un numéro "long", à dix chiffres, attribués au centre de traitement de l’appel d’urgence correspondant le plus proche géographiquement du lieu d’émission de l’appel ».
Le Sénat ajoute que « ce numéro est à plusieurs égards semblables au numéro attribué à un particulier par un opérateur ». Il s'appuie sur un rapport de l’ANSSI pour rappeler que « 781 numéros d’urgence à 10 chiffres, soit 85 % d’entre eux, sont utilisés par des centres qui ont un raccordement en RTC, c’est-à-dire via le réseau téléphonique commuté qui assure historiquement le service de téléphonie par un réseau "cuivre" ».
Ce sont les mêmes lignes que celles servant à une connexion xDSL chez les FAI.
« Fragilité » du système et extinction du cuivre
Le problème étant que ce dispositif « présente des fragilités ». « La première d’entre elles est inhérente à la phase de transition du réseau "cuivre", qui permet notamment le raccordement de la téléphonie fixe, vers les réseaux en VoIP ». Pour les sénateurs, des engagements « doivent être pris afin que les interventions sur le réseau cuivre ne conduisent pas de nouveau à des dysfonctionnements significatifs dans l’acheminement des appels d’urgence ».
Ils rappellent que la panne était justement la conséquence d’une opération de maintenance qui a mal tourné. Le deuxième point concerne l’extinction programmée du réseau cuivre. Il est en effet voué à disparaitre d’ici 2030, pour laisser place à la fibre, qui pourrait devenir un service universel en 2025 selon Cédric O. Ce changement de paradigme pourrait conduire à « la dilution de la responsabilité due à la multiplication des opérateurs ».
Les rapporteurs souhaitent donc « une clarification du régime de responsabilité applicable en cas d’incident dans l’acheminement des communications d’urgence ». Le déploiement de la fibre variant selon les zones (denses et moins denses). Comme aucun FAI ne « possède » l’intégralité du réseau, chacun risque de se renvoyer la balle.
Des changements ont été apportés, mais il reste du travail
Dans son rapport de mi-juillet, l’ANSSI formulait plusieurs recommandations, donc justement celle de « clarifier et renforcer les obligations de service public qui s’imposent à l’acheminement des services d’urgence ». Pour les sénateurs, cette problématique est « déjà partiellement traduite par la modification des dispositions législatives applicables aux opérateurs en matière de numéros d’appels d’urgence » :
« En effet, l’article 17 de la loi « Matras » du 25 novembre 2021 modifie l’article L. 33 - 1 du code des postes et communications électroniques (CPCE) afin de réintroduire une obligation de continuité de l’acheminement des communications d’urgence, obligation qui avait été supprimée récemment ».
Les rapporteurs pointent néanmoins du doigt un trou dans la raquette : « depuis la fin de l’année 2020, le Gouvernement n’a toujours pas désigné de nouveau prestataire pour assurer ce service universel ». C’était pour rappel Orange qui s’en occupait jusqu’à présent.
Les sénateurs appellent donc « à la mise en œuvre rapide d’une nouvelle procédure consacrant, a minima, une obligation générale de continuité de l’acheminement des communications d’urgence ». En mai 2021, Orange avait annoncé que, « malgré la fin de ses obligations, [il] s’engage à maintenir à son catalogue, jusqu'en 2023, les offres qui relevaient jusqu’à fin 2020 du service universel ».
De manière générale, la « mission de contrôle fait siennes les recommandations issues du rapport de l’ANSSI du 19 juillet 2021 qui couvrent l’ensemble du spectre de la panne ». Les sénateurs souhaitent en outre que de nouvelles possibilités d’informer les populations en cas de pannes des numéros d’urgence soient possibles : « Une réflexion pourrait être engagée sur la mise à profit du système d’alerte et d’information des populations (SAIP) ».
Un coup de semonce face au « risque majeur » des SDIS (pompiers)
Le rapport en profite enfin pour alerter sur « un autre risque majeur » qui concerne le traitement des appels d’urgence par les services d’incendie et de secours. Ils « sont traités par des SDIS [Service Départemental d'Incendie et de Secours, ndlr] via des systèmes, les "SGA-SGO" [Systèmes de Gestion des Alertes et de Gestion Opérationnelle, ndlr], qui leur permettent, en temps réel, d’identifier, de localiser et de mobiliser les moyens humains et matériels dont ils disposent pour répondre à une alerte donnée ».
L’enjeu est important, car il s’agit de la « moelle épinière des SIS [Service d'Incendie et de Secours, ndlr] et de leur capacité opérationnelle ». Le problème étant que « certains SGA-SGO, devenus particulièrement obsolètes, ne sont plus mis à jour » et ne proposent parfois pas des fonctionnalités récentes comme la géolocalisation des appels.
Un projet « NexSIS 18 - 112 » a été lancé en 2016 afin de proposer une solution de remplacement aux services départementaux d'incendie et de secours. Il est porté par l’Agence nationale de la sécurité civile (ANSC), mais celle-ci « manque de moyens affectés par l’État », affirme le Sénat.
Ce dernier ajoute qu’il « n’a cessé de [le] souligner ces derniers mois ». Les sénateurs demandent donc « un effort financier conséquent de l’État pour le financement de l’ANSC ».
Numéros d’urgence : le Sénat « alerte sur la situation » du système actuel
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Des changements ont été apportés, mais il reste du travail
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Commentaires (1)
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Abonnez-vousLe 21/12/2021 à 22h00
Hehehe la géolocalisation des appels d’urgence. Pour l’avoir testé récemment suite a une migration SIP Trunk, et bien ca n’est pas au point dans tous les cas helas.
J’ai beaucoup apprécié le 17 a qui tu demandes si ils voient ta localisation et qui te raccrochent au nez..