Cloud : l’Autorité de la concurrence s’auto-saisit… sous vos applaudissements
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Le 27 janvier 2022 à 13h39
8 min
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Afin d’évaluer la situation concurrentielle dans le cloud, l’Autorité de la concurrence s’est auto-saisie. Une consultation publique sera mise en place. Une procédure chaudement accueillie par les acteurs du secteur. Tour d’horizon des réactions.
Benoit Cœuré est le nouveau président de l’Autorité de la concurrence depuis une semaine à peine. Il a été au préalable auditionné par l’Assemblée nationale et le Sénat mi-janvier. C’était l’occasion pour lui d’affirmer que le secteur du numérique serait l’une de ses priorités.
Il affichait alors son intention de se concentrer sur « l’émergence de nouvelles infrastructures essentielles comme le cloud », non sans ajouter qu’il « serait important et justifié que l’Autorité engage rapidement un travail de fond sur les conséquences du cloud dans tous les secteurs ».
Comme lui permet l’article L. 462 - 4 du Code de commerce, l’Autorité vient de se saisir d’office afin d’évaluer la situation concurrentielle dans le cloud… Un vaste sujet, puisque le périmètre frappe « l’ensemble des services mutualisés, accessibles via internet [stockage, messagerie, streaming, etc., ndlr], à la demande, payés à l’usage et, par extension, certaines des infrastructures sous-jacentes » comme les datacenters.
L’AdlC va procéder à une « analyse globale »
« Cet avis intervient dans un contexte où le marché français et européen du cloud est en plein essor, avec une croissance moyenne annuelle qui devrait dépasser les 25 % dans les prochaines années, avec de forts enjeux de création de valeur pour l’économie », explique l’Autorité.
Les pouvoirs publics apportent « un soutien important » dans la recherche et le développement de ce secteur, l’Autorité en veut pour preuve le « récent plan national de soutien à la filière cloud française ». D’autres initiatives plus ou moins bien ficelées ont aussi été lancé ces derniers mois. Nous pouvons citer le « cloud de confiance » et Gaia-X au niveau européen, sans oublier le health data hub.
- Soutien au cloud français : le gouvernement met 667 millions d'euros sur la table
- Cloud de confiance : derrière le vernis souverain, le pied dans la porte des Américains
- Gaia-X : genèse et ambitions du projet européen
- Health Data Hub : le Conseil d’État exige des correctifs face au risque de surveillance américaine
Avec cette auto-saisine, l’Autorité veut donc « procéder à une analyse globale du fonctionnement de la concurrence dans ce secteur ».
Ses services « examineront en particulier la dynamique concurrentielle du secteur et la présence des acteurs sur les différents segments de la chaîne de valeur, ainsi que leurs relations contractuelles, dans un contexte où de multiples alliances et partenariats sont conclus pour la fourniture de services cloud ».
Elle souhaite à ce titre évaluer la position et les avantages « concurrentiels des différents acteurs concernés et l’examen des pratiques commerciales susceptibles d’être mises en place ». Elle pourra enfin, au besoin, « formuler des propositions susceptibles d’améliorer le fonctionnement concurrentiel du secteur ».
Un équipe de « choc »
Visiblement consciente de l’ampleur et de la complexité de la tache, l’Autorité a décidé « de se doter d’une équipe d’instruction aux profils variés (juristes, économistes et data scientists) provenant du service de l’économie numérique nouvellement créé, d’unités spécialisées sur ces enjeux de concurrence et du service économique de l’Autorité ». C’est une première concernant sa compétence consultative, reconnait-elle.
Yann Guthmann – chef du service de l'économie numérique – sera aux commandes de cette équipe. Il occupe ce poste depuis septembre 2020. Il était auparavant rapporteur pour l’Autorité, chargé d'enseignement « Économie et régulation des réseaux de télécommunications » à Supelec, sans oublier cinq années passées à l’Arcep auparavant.
Il ne s’agit pour le moment que de lancer la machine. Aux alentours de l’été, « une large consultation publique visant à réunir les observations de l’ensemble des parties prenantes » sera mise en place. Les opérateurs souhaitant participer peuvent déjà le faire en transmettant leurs observations sur cette adresse email dédiée.
Pour Scaleway, c’est « une excellente nouvelle »
Interrogé par nos soins, Yann Lechelle, CEO de Scaleway, ne cache pas sa joie, « cette annonce constitue une excellente nouvelle » : « La situation oligopolistique sur les marchés du cloud, voire, sur certains segments, à tendance monopolistique, conduit à de nombreux effets pervers : verrouillage des utilisateurs, coûts IT qui explosent, situations de dépendance... », ajoute-t-il.
Il rappelle que les autorités américaines étaient « les premières à identifier qu'un certain nombre de pratiques, monnaie courante chez les acteurs dominants, annihilent toute possibilité de concurrence saine, et donc l'émergence d'acteurs alternatifs, typiquement l'usage massif de crédits cloud, ou la problématique des frais, artificiels, d'extraction de données (egress fees). Il est donc très sain que les autorités de concurrence européennes se fassent leur propre idée de cette situation ».
Clever Cloud se félicite et parle d’une « étape importante »
Même son de cloche chez Clever Cloud. Dans un communiqué qu’elle nous a transmis, la société « se félicite de la décision de l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office pour avis pour évaluer la situation concurrentielle dans le secteur du cloud, et souhaite que son analyse puisse contribuer rapidement à mettre fin à un certain nombre de pratiques anticoncurrentielles inacceptables ».
Depuis plus de 10 ans, la société affirme avoir « été témoin des méthodes déloyales déployées par ses concurrents internationaux pour rattraper leur retard et imposer leurs solutions sur le marché, et s'inquiétait du manque de prise de conscience et de réaction des pouvoirs publics français et européens. L'ouverture de ce travail d'analyse est donc une étape importante dans les mesures correctives que nous espérons être au plus vite mises en œuvre ».
Toujours selon Clever Cloud, « cette annonce est aussi le signe de l'absolue nécessité d'intégrer les services Cloud, dont les logiciels d'hébergement, dans le Digital Markets Act, pour disposer de moyens d'action rapides contre les pratiques abusives des acteurs dominants du secteur ».
L’école des fans continue
Qarnot est sur la même longueur d’onde que ses petits camarades et « salue » cette initiative : « C’est un travail de fond conséquent qui vient d’être entamé et nous nous réjouissons de prendre part à la consultation publique en tant qu'acteur français et européen du Cloud ».
Chez les politiques aussi l’heure est aux réjouissances. Le député Philippe Latombe parle lui aussi d’une « très bonne nouvelle » : « Nous (beaucoup de monde en tous les cas) l'attendions depuis longtemps ».
« Avec le #DMA que nous portons au Parlement 🇪🇺, c'est une avancée de plus dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles des géants du numérique », ajoute la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin.
« Un sujet porté de longue date » par l’Aota
De son côté, Alexandre Archambault ajoute que c’est « un sujet porté de longue date par les opérateurs de proximité réunis au sein de l'Aota ».
Il en profite pour rappeler deux communiqués (ici et là). L’Association des opérateurs télécoms alternatifs regrettait notamment que « les opérateurs et leurs clients finals soient confrontés à des problèmes d’interopérabilité qui peuvent avoir des conséquences désastreuses ». Elle demandait à l’Arcep d‘ouvrir une enquête administrative « sur les modalités techniques, opérationnelles et tarifaires de commercialisation et exploitation de solutions de téléphonique large bande & cloud ».
De même, l’Aota regrettait « des pratiques discutables de la part de certains équipementiers et fournisseurs de solutions logicielles qui, invoquant des obligations auxquelles ils seraient tenus par la loi américaine, notamment le Cloud Act, exigent que les opérateurs leur communiquent la liste et les coordonnées de leurs clients actifs sur leurs solutions ». Dans la même veine, « certains équipementiers et fournisseurs de solutions Cloud se réservent un droit d'accès sur les données traitées et stockées au moyen de leurs solutions, ce qui peut rentrer en conflit avec les dispositions pourtant protectrices du RGPD, notamment l’article 48 ».
Nous avons demandé une réaction à l’Aota, sans réponse pour le moment. Nous attendons également des réactions du côté d’autres fournisseurs de services comme OVHcloud et Cozy Cloud. Nous mettrons à jour cette actualité le cas échéant.
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Commentaires (3)
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Abonnez-vousLe 28/01/2022 à 02h13
j’adore le sous-titre
“Premier chevron enclenché”
Le 28/01/2022 à 16h41
Y a du boulot parce que c’est un vaste chantier. Contre la puissance de Apple Dropbox Google et Microsoft il est très difficile de lutter et d’exister. Surtout pour M. et Mme Toutlemonde.
Le 31/01/2022 à 08h51
“Un équipe de « choc »” dans les titres