#FrenchTech : à la découverte de la Cité de l’objet connecté d’Angers
Billard et babyfoot, mais même pas un flipper
Le 09 décembre 2015 à 08h30
11 min
Sciences et espace
Sciences
La Cité de l'objet connecté d'Angers est un des lieux labélisés French Tech. Elle a ouvert ses portes il y a six mois et nous avons décidé de nous rendre sur place afin d'étudier de près son fonctionnement et les moyens techniques dont elle dispose.
Le 12 juin dernier, François Hollande était à Angers afin d'inaugurer la Cité de l'objet connecté. Durant son discours, le Président rappelait qu'il s'agit d'une société privée (SAS ou société par actions simplifiée). Elle dispose d'ailleurs de 17 actionnaires parmi lesquels on retrouve des grandes marques comme éolane (majoritaire), Docapost, Bouygues Telecom, Orange, Air Liquide ainsi que deux mutuelles : Harmonie et Inter Mutuelles Téléassistance.
Une société privée, avec des fonds publics
Mais l'état, les collectivités publiques, la ville et la région y ont aussi largement participé, notamment via un soutien financier de 1,5 million d'euros dans le cadre de l'appel à Projets industriels d’avenir (PIAVE) lancé par le gouvernement. Depuis le 25 juin, la Cité de l'objet connecté et la région angevine sont labellisées French Tech autour de la thématique « IoT-Tech », profitant ainsi d'une importante mise en avant de la part du gouvernement.
Mais que trouve-t-on exactement à l'intérieur de ce que l'agglomération d'Angers présente comme « "LA" référence nationale de l’Internet des objets » ? Près de six mois après son inauguration, nous avons décidé de nous rendre sur place afin de faire le tour du propriétaire, avec quelques surprises à la clé.
Billard, babyfoot et un (petit) espace de coworking
La Cité de l'objet connecté (ou plus simplement la COC) est située au nord-est d'Angers, dans une zone industrielle à 15 minutes en voiture de la gare TGV. Elle loue à la ville des locaux situés dans les anciens entrepôts de Radio Comptoir de l'Ouest.
Quand on pénètre dans le bâtiment, on plonge rapidement dans ce que l'on appelle communément « l'esprit start-up ». En effet, sur la droite on découvre immédiatement un coin détente avec une machine à café, un babyfoot et une table de billard. En enfilade se trouve le « living lab » qui sert visiblement de cantine et/ou de point de discussion suivant les heures. Sur la gauche, l'accueil de la Cité, une salle dédiée à la CAO comprenant cinq ordinateurs (trois avec SolidWorks et deux autres avec le logiciel Altium pour la réalisation de PCB) ainsi que l'espace de coworking.
Ce dernier est d'ailleurs relativement petit puisque, lors de notre passage, il n'était question que d'une dizaine de places tout au plus, mais une partie de l'espace était occupée par un coin démonstration aménagé pour une occasion particulière. En effet, la FIRIP organisait le même jour son assemblée générale, ainsi qu'un colloque sur lequel nous reviendrons plus en détail dans une prochaine actualité.
Une chaine de production à 1 million d'euros
Derrière le coworking se trouvent deux espaces bien plus intéressants : « Preuve de concept & maquettage » ainsi que « Prototypes et préséries ». Le premier propose cinq imprimantes 3D Ultimaker 2, un espace de bricolage pour ajuster si besoin certaines pièces ainsi que des tables de montage manuel pour installer et souder des composants électroniques sur un PCB. L'ensemble est propre et le matériel semble en très bon état.
Le second est bien plus grand et on y retrouve ce qui fait la particularité de la Cité de l'objet connecté : une chaine de montage complète. Matthieu Syre, référent projet à la COC, nous précise qu'elle coûte près d'un million d'euros et qu'elle permet de réaliser des pièces en série dans des quantités allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. Pour faire simple, on positionne des PCB vierges à l'entrée de la chaine de production et on les récupère à la sortie avec les composants électroniques installés et soudés.
Les imprimantes 3D de la zone « Preuve de concept & maquettage », la chaine de montage et la zone de test
Une machine permet également de programmer des puces (en y installant un firmware par exemple) avant qu'elles soient placées dans la chaine de production. On trouve également quelques appareils qui permettent de débugger une carte, ou bien de dessouder des composants pour les changer en cas de problèmes.
Matthieu Syre nous précise que cette mini chaine d'assemblage a été rachetée à Technicolor suite à la fermeture de son site à Angers (cette usine était chargée de produire des modems ainsi que des décodeurs). Un des techniciens de la Cité de l'objet connecté chargé de l'exploitation de cette chaine d'assemblage est d'ailleurs un ancien de chez Thomson/Technicolor ; il connait donc bien toutes ces machines.
Toujours dans la partie « Prototypes et préséries », on retrouve deux autres imprimantes 3D, mais beaucoup plus haut de gamme cette fois-ci : des ProJet 3510 HD et 3510 CP (impression par jets). Pour finir, il est question de machines à découpe laser pour le bois et de nombreuses formes de plastique, de fours, de quoi réaliser des moulages et même d'une micro-fonderie.
Les imprimantes 3D, la micro-fonderie et un exemple de réalisation avec la création d'un oiseau en métal
La partie logicielle complètement laissée de côté, dommage
Si tout cela semble plutôt complet, un pôle manque cruellement à l'appel : le développement des applications mobiles/web. En effet, aucun des personnels de la Cité n'est spécialisé dans ce domaine et aucun ordinateur avec des logiciels permettant de développer des applications n'est disponible (les ordinateurs mis à disposition sont uniquement dédiés à la CAO).
Il faudra donc se tourner vers des prestataires externes, ou bien développer soi-même ses applications, avec les moyens du bord. Dommage que l'impasse soit faite sur ce point, d'autant plus que la sécurité des données et des communications est très importante à prendre en compte pour bon nombre d'objets connectés.
Combien ça coûte de s'installer à la cité de l'objet connecté ?
Maintenant que le décor est posé, reste la question de l'accès à cette infrastructure. La Cité de l'objet connecté propose un tarif de base à 300 euros par mois qui permet d'accéder à l'espace détente, au coworking et aux appareils de la partie « Preuve de concept & maquettage », c'est-à-dire les imprimantes 3D « basiques » ainsi que les tables d'assemblage manuel. Vous pouvez les utiliser comme bon vous semble, et la matière première pour les imprimantes 3D est comprise dans le forfait. Si besoin, quelques Raspberry Pi et Arduino sont également à disposition des « makers ».
La Cité propose également des « bureaux partagés », mais il faudra alors compter une centaine d'euros de plus par mois et par personne. Actuellement, une dizaine de personnes occupent des bureaux, mais toutes ne payent pas (encore) d'abonnement. Certains ont en effet gagné un concours lors de l'ouverture de la COC, tandis que d'autres peuvent en bénéficier de manière exceptionnelle pour le moment, car tous les locaux ne sont pas encore occupés.
Quoi qu'il en soit, tous les détails des tarifs de la Cité de l'objet connecté se trouvent par ici. Pour de plus amples informations, vous pouvez contacter directement la Cité via cette adresse mail.
Des start-ups, des sociétés et des particuliers
Dans la cité, on retrouve évidemment des start-ups (c'est d'ailleurs le cœur de la cible), mais pas uniquement. Des sociétés déjà établies sont aussi présentes, ne serait-ce qu'avec les 17 actionnaires dont certains passent des commandes. Mais la Cité est ouverte à tout le monde et un particulier peut sans problème prendre un abonnement de base afin d'accéder au coworking et aux imprimantes 3D. Un père de famille qui développe une prothèse connectée pour sa fille est d'ailleurs abonné à la Cité.
Quelle que soit la formule, deux responsables sont disponibles afin d'aider les « makers » à mettre sur pied leur projet. L'un est un expert en plasturgie et mécanique, tandis que l'autre s'occupe de la partie électronique. Ils sont là pour donner des conseils et faire profiter les abonnés de leur expérience, mais aussi pour aider les jeunes pousses à trouver des partenaires en dehors de la Cité si besoin.
D'autres sources de revenus pour la Cité
Dans tous les cas, l'espace de coworking et les bureaux ne sont évidemment pas suffisants pour que la Cité puisse être viable sur le long terme. Il s'agit pour rappel d'une société privée qui devra donc être rentable à un moment donné, si elle veut continuer à exister en tant que telle. Afin de rentabiliser son personnel et ses machines, elle propose deux autres types de services.
Le premier est de mettre en relation ses clients (start-ups, sociétés, particuliers) avec des partenaires extérieurs afin qu'ils obtiennent des devis lorsqu'ils ont des besoins spécifiques. Si le marché se concrétise, la Cité est alors rémunérée comme rapporteur d'affaires, mais elle ne touche évidemment rien dans le cas contraire.
Second point : la fabrication de produits. La chaine de production permet en effet à la COC de réaliser assez rapidement des pièces, à partir de quelques dizaines d'unités seulement. Elles sont alors facturées au client, qu'il soit ou non résident de la Cité. Ce service n'est en effet compris dans aucune des offres précédentes et tout le monde devra donc payer pour en profiter. De leur côté, les locataires de la Cité n'ont aucune obligation pour la production de leurs pièces et ils peuvent évidemment faire appel à un prestataire extérieur s'ils le souhaitent.
Selon notre interlocuteur, l'une des forces de la Cité est justement de pouvoir produire des petites et des moyennes quantités, ce qui n'intéresse généralement pas les grosses chaines de fabrication, ou bien à des coûts relativement élevés. « En Europe, on serait les seuls à avoir cette partie industrialisation » nous précise Matthieu Syre. Lors de notre passage, une commande de 900 pièces pour Qowisio (un concurrent de LoRa et Sigfox et actionnaire de la Cité) était d'ailleurs en train d'être réalisée.
Si besoin, la cité pourra s'étendre très facilement et rapidement. Elle n'occupe en effet qu'environ 2 000 m² dans des bâtiments qui font près de 8 000 m². Le pôle dédié au coworking pourrait ainsi être agrandi, tout comme les espaces techniques.
Matthieu Syre nous précise au passage qu'une des annexes pourrait être transformée en salle grise. Il s'agit d'une pièce où l'air est filtré pour ne comprendre qu'un nombre limité de particules volatiles, mais sans pour autant être aussi strict qu'une salle blanche (ou salle propre), ce qui permet de manipuler des composants sensibles aux poussières par exemple.
Quid du chiffre d'affaires et des projets en cours ?
Sur pied depuis cinq mois, nous avons ensuite demandé au chef de projet où en était le chiffre d'affaires de la Cité de l'objet connecté. Il nous indique qu'il devrait être de près de 50 000 euros à la fin de l'année, ce qui correspondrait à la dernière prévision de la société, mais après des ambitions revues à la baisse depuis son lancement. L'année prochaine, elle espère atteindre le million d'euros, ce qui passera forcément par une hausse considérable des commandes sur sa chaine de production, que ce soit via ses pépites, ou bien des partenaires extérieurs.
Pour se développer, la Cité peut également compter sur la ville d'Austin, jumelée à Angers, et qui dispose d'un Fablab regroupant près de 800 start-ups. Des échanges sont prévus entre les deux entités et le maire d'Austin était d'ailleurs récemment à la Cité. Sachez enfin que la Cité de l'objet connecté sera au CES de Las Vegas début janvier (nous serons également sur place pour rappel).
Visit of @MayorAdler & @ChristopheBechu at @IOT_city in #Angers #AngersFrenchTech #IoT @CapitalFactory @FABCAustin pic.twitter.com/i6OzDXrdm5
— Busson-Benhammou Co (@BusBenCo) December 7, 2015
#FrenchTech : à la découverte de la Cité de l’objet connecté d’Angers
-
Une société privée, avec des fonds publics
-
Billard, babyfoot et un (petit) espace de coworking
-
Une chaine de production à 1 million d'euros
-
La partie logicielle complètement laissée de côté, dommage
-
Combien ça coûte de s'installer à la cité de l'objet connecté ?
-
Des start-ups, des sociétés et des particuliers
-
D'autres sources de revenus pour la Cité
-
Quid du chiffre d'affaires et des projets en cours ?
Commentaires (9)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 09/12/2015 à 08h38
Mais les mecs fallait le dire que vous veniez chez moi, je vous aurais payé une pinte au pub " />
Le 09/12/2015 à 09h09
Pas mal l’article, je ne savais même pas ce qui s’y passait là-bas " />
Ça risque d’être compliqué à rentabiliser à terme par contre IMHO.
Un père de famille qui développe une prothèse connectée pour sa fille est d’ailleurs abonné à la Cité.
Chapeau bas monsieur " />
Le 09/12/2015 à 09h43
Intéressant, plus qu’à espérer que ça prenne.
Il semblerait que l’internet des objets doit exploser dans les prochaines années, donc c’est bien que des acteurs français participent à l’aventure.
C’est juste un peu bête que Angers et Toulouse ne soit pas proche, car l’acteur toulousain Sigfox semble avoir bien progressé dans le domaine
Le 09/12/2015 à 09h47
J’aimerais bien la même déco au bureau, ça ferais moins austère…
Quoique dans le domaine de l’industrie énergétique, je ne sais pas si c’est de bon ton d’avoir un look startup ^^
En tout cas m*rde à eux. l’IoT, c’est l’avenir
Le 09/12/2015 à 09h50
on est deux ! Pour une fois que Angers ne fait pas partie des fait divers …
Le 09/12/2015 à 11h41
et même 3 :-)
beaucoup d’Angevins sur NextInpact.
Le 09/12/2015 à 13h14
Toute l’affiche en anglais + le nom de la ville d’Angers, ça fait Colères. Pas très opportun.
Le 10/12/2015 à 06h29
Vraiment bien l’endroit.
J’espère qu’ils ont bien étudié leurs prix de fabrication car la concurrence des services de pool pour le pcb et le prototypage 3D (eurocircuit, pcb-pool,…) est rude.
Le 10/12/2015 à 06h36