L’Agence internationale de l’énergie fête ses 50 ans
Des bougies et du pétrole
À l’occasion des 50 ans de l’Agence internationale de l’énergie, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé un discours faisant le point sur l’organisation, ses missions et les défis qui l’attendaient. L’occasion de revenir sur la création de l’agence et ses faits d’arme.
Le 15 février à 16h00
7 min
Économie
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Au début des années 1970, plusieurs évènements et facteurs s’assemblent pour créer une situation explosive. En 1971, les États-Unis atteignent leur pic de production. James Atkins, ambassadeur américain, déclare en 1972 que le pays ne pourra plus augmenter sa production, alors que la consommation explose. Richard Nixon, alors président, le confirmera dans un discours : les Américains devaient se préparer à une augmentation des tarifs, notamment pour l’énergie.
En 1971 également, le monde assiste à la fin des accords de Bretton Woods, enterrant la convertibilité du dollar en or. Les taux de change fixes s’effondrent et la monnaie entre en flottement. Le prix du baril de pétrole, indexé sur le cours du dollar, dévisse. L’OPEP (Organisation des pays producteurs de pétrole), déclare alors que les producteurs de pétrole voient leurs revenus baisser. En conséquence, l’organisation décide d’indexer le prix du baril sur l’or.
Ces évènements, ainsi que d’autres facteurs (dont la guerre du Kipour), précipitent le premier choc pétrolier de 1973. Le pétrole étant une consommation intermédiaire et intervenant dans la production générale, de nombreux prix s’envolent. C’est aussi une prise de conscience : le monde découvre brutalement l’ampleur de sa dépendance à l’or noir.
Les conséquences sont multiples. Des pays, particulièrement la France et le Japon, développent de vastes programmes pour le nucléaire. C’est aussi la naissance, le 14 novembre 1974, la création de l’Agence internationale de l’énergie, dont le siège se situe dans le XVe arrondissement de Paris.
Création et missions
Les objectifs de l’agence sont vastes et nombreux. Initialement, il était surtout question de travailler à ne plus reproduire les conditions du choc pétrolier. Comme on le sait, deux autres chocs auront quand même lieu, en 1979 et 2008, bien que les causes en soient très différentes. L’AIE a cependant joué un rôle prépondérant dans l’évolution du mix énergétique mondial depuis sa création. À noter que si elle surveille tous les secteurs de la production énergétique, il y a une exception notable : la fission nucléaire, gérée par l’Agence pour l’énergie nucléaire, sous l’égide de l’OCDE.
La mission initiale de l’AIE était de sécuriser des approvisionnements en pétrole. Sa surveillance permet la production, chaque année, d’un rapport attendu et baptisé World Energy Outlook (WEO).
Durant les trois premières décennies de son existence, il n’est essentiellement question que de pétrole. Cependant, l’arrivée dans les années 2000 change la donne. En 2009, critiquée pour son manque d’engagement dans les énergies renouvelables, l’AIE assiste à la création de l’IRENA, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables. Cette dernière rencontre vite un grand succès, au point qu’aujourd’hui, elle compte quatre fois plus de membres que l’AIE.
Le contexte a depuis beaucoup évolué. L’AIE a maintenant sa division chargée des énergies renouvelables, avec son propre rapport annuel. Surtout, l’arrivée à sa tête du spécialiste des énergies turc Fatih Birol (en 2015) a largement fait bouger les lignes. L’agence, sous sa direction, a recentré ses missions sur la lutte contre le réchauffement climatique. En 2021, c’est Fatih Birol qui avait déclaré qu’il n’était plus nécessaire de lancer de nouveaux projets d’extraction pétrolière, s’attirant les foudres des pays producteurs.
Cinquantième mandat pour l’AIE
Lorsque l’on parle d’anniversaire, ce n’est pas tout à fait la bonne date. Mais la Commission européenne a tenu à rendre un hommage au travail effectué par l’Agence internationale de l’énergie. À l’occasion d’un discours, Ursula von der Leyen a notamment souligné le travail quasi réformateur de Fatih Birol, depuis dix ans qu’il est à la tête de l’agence.
Revenant sur le premier choc pétrolier, la présidente de la Commission commence par un constat sombre : « Cet événement a marqué toute une génération. Pourtant, le monde n'en a pas tiré les leçons. Nous ne nous sommes pas affranchis de notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles et surtout du pétrole. Pire encore, les combustibles fossiles sont devenus lourdement subventionnés ». La crise n’aura cependant « pas été entièrement vaine ».
La Russie s’est retrouvée attaquée plusieurs fois pendant le discours. D’abord en référence à l’invasion de l’Ukraine, ensuite pour pointer le Kremlin comme responsable d’avoir voulu déclencher « une nouvelle crise énergétique ». Elle estime que l’Europe s’en est bien sortie, notamment grâce à un plan de Fatih Birol en dix étapes « pour réduire la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe ».
Une réussite selon Ursula von der Leyen puisque les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies d’avenir – comme l’hydrogène propre – sont massives. « Les tentatives de chantage de Poutine ont donc totalement échoué. Il a au contraire véritablement stimulé la transition verte », juge-t-elle. Autre réussite mise en lumière : l’association de l’Europe et de l’AIE pour faire plier les pays producteurs de pétrole lors de la COP28 à Dubaï.
Des énergies renouvelables et des interdépendances
Au terme d’une série de congratulations (voire parfois d’autocongratulations), le discours s’est orienté vers les défis qui attendent l’Europe et l’Agence internationale de l’énergie, présentés largement comme des partenaires idéaux. Ursula von der Leyen n’a d’ailleurs pas hésité, en préambule, à évoquer son « amitié toute particulière » pour Fatih Birol. Et d’ajouter : « c'est un fait indéniable, notre Union européenne et votre Agence étaient destinées, dès leur conception, à être amies ».
La suite du programme ? Des investissements massifs dans les énergies renouvelables « seront nécessaires, non seulement dans les capacités en matière d'énergies renouvelables, mais aussi dans les interconnecteurs, les technologies propres et bien entendu, comme on l'a dit, dans les chaînes d'approvisionnement pertinentes ».
Surtout, la transition invite à repenser la manière dont sont envisagées les relations entre les acteurs. « L'ancienne économie, fondée sur les combustibles fossiles, ne repose que sur des dépendances. La nouvelle économie, fondée sur les énergies propres, mise pour sa part sur des interdépendances. L'énergie propre peut être produite n'importe où, mais elle nécessite des investissements, des infrastructures, de l'innovation ainsi que des matières premières. Notre compétitivité économique dépend de cette combinaison complexe de facteurs », a assuré la présidente de la Commission.
Elle évoque également un travail plus étroit avec les futurs membres de l’Europe, comme les Balkans occidentaux, l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. En outre, elle souhaite de nouveaux partenariats avec les pays du bassin méditerranéen, ainsi qu’une coopération renforcée avec les membres actuels de l’AIE, qu’il s’agisse de voisins (Norvège, Royaume-Uni…) ou de géants de l’économie (États-Unis, Asie…).
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