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Un début de stratégie spatiale européenne pour la défense

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Un début de stratégie spatiale européenne pour la défense

Le 22 mars 2023 à 07h56

Petit à petit, l'Union européenne construit sa stratégie spatiale pour la défense. Mais le rythme n'est pas des plus élevés. Ce mois-ci, la Commission européenne a publié un premier document sur sa « stratégie spatiale pour la défense et la sécurité ».

Si depuis quelques années, certains pays comme les États-Unis, la Russie et la Chine ont commencé à avoir une vraie stratégie de défense dans l'espace, l'Europe n'était pas encore venue vraiment sur le terrain. La France avait bien esquissé une stratégie en 2019 avec un commandement spatial, mais elle se sentait très seule face aux grands pays du secteur.

Mais le temps où l'Europe soutenait une proposition britannique à l'ONU pour que l’espace demeure « un environnement pacifique, sûr, stable et durable, à l’abri d’une course aux armements et de conflits » semble s'éloigner.

En 2022, Emmanuel Macron a poussé dans le sens de l'établissement d'une stratégie commune, alors que la France occupait la présidence tournante du Conseil de l'Europe.

Et ce mois-ci, la Commission européenne vient de publier un document d'une vingtaine de page sur sa « stratégie spatiale pour la défense et la sécurité » [PDF]. Il détaille les menaces spatiales, la stratégie de protection des systèmes et services spatiaux européens, la doctrine de réponses aux menaces, la vision de son utilisation future de l'espace pour la défense et la sécurité et enfin un regard sur la collaboration entre alliés dans l'espace.

L'espace, domaine stratégique à défendre

Dans son introduction, la Commission présente cette stratégie comme une réaction au fait que l'espace devienne « un domaine de plus en plus contesté » alors qu'elle y a déployé jusque-là que des programmes civils, citant Galileo ou Copernicus et la future constellation Iris2, ce qui a fait de l'espace un domaine « critique pour l'autonomie stratégique de l'UE et de ses membres ».

Elle y évoque la nouvelle capacité de certains états (mais en ne nommant expressément que la Russie) de posséder des armes anti-satellites, alors que la Chine, l'Inde et les États-Unis ont également réalisé des démonstrations du genre. La Chine est citée comme poursuivant « son programme géopolitique par le biais de sa présence croissante dans l'espace et développe de vastes programmes spatiaux et des capacités de neutralisation spatiale » sans plus de précision.

Le document veut clairement différencier deux choses pour bien définir le domaine d'action de la défense spatiale : il y a d'un côté les « risques pour la sécurité » qui proviennent d'incidents techniques, d'accidents et de « hasards naturels », et de l'autre les « menaces spatiales » qui sont des « activités intentionnellement hostiles ».

« Les capacités de neutralisation spatiale peuvent prendre de nombreuses formes différentes » note le document :  attaques physiques directement contre des engins spatiaux, les infrastructures au sol ou d'attaques qui correspondent plutôt à des actions électroniques utilisant, par exemple, des lasers ou d'autres ondes pour éblouir les satellites, endommager leurs systèmes électroniques embarqués, brouiller ou usurper leurs signaux ou s'introduire dans leurs réseaux de communication.

« Les caractéristiques spécifiques de l'infrastructure spatiale - tant en orbite qu'au sol - la rendent également particulièrement vulnérable aux cyberattaques », ajoute le document, « Au-delà des systèmes spatiaux, la neutralisation spatiale peut interférer avec le secteur dans son ensemble, y compris les chaînes d'approvisionnement sous-jacentes et le spectre des radiofréquences ».

Une analyse annuelle classifiée des menaces spatiales sera rendue par le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (actuellement, Josep Borrell).

Mettre en place une coordination

Le document annonce que la Commission envisage de proposer une loi européenne sur l'espace (EU Space Law), pour encourager le développement de mesures de résilience au sein de l'Union et favoriser l'échange d'information sur les incidents, la coopération et la coordination.

La Commission annonce la création d'un Centre de partage d'information et d'analyse (en anglais, Information Sharing and Analysis Centre, EU Space ISAC) d'ici à la fin de l'année, en collaboration avec l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial. Elle promet aussi, pour mi-2024, une feuille de route pour réduire les dépendances stratégiques.

Elle s'engage à « prendre des mesures pour stimuler la réactivité et la polyvalence de l'accès de l'UE à l'espace en stimulant les nouveaux systèmes de lanceurs de l'UE », ceci alors qu'Ariane 6 enchaine les retards et que son premier vol ne devrait pas avoir lieu avant la fin de l'année et que Vega-C a subi un échec retentissant lors de sa première mission commercialle.

Étendre le mécanisme de réaction

Le document explique que l'Union et les membres doivent avoir accès aux informations sur les menaces spatiales en temps réel et pousse pour qu'un réseau d'information soit mis en place par la loi européenne sur l'espace (EU Space Law) qu'elle envisage. Il pointe le fait que l'attribution et la réponse à une menace sont des décisions politiques de haut niveau (comme c'est le cas, par exemple, pour les attaques cyber).

Il propose d'étendre le mécanisme de réaction aux menaces contre Galileo déjà en place à tous les systèmes et services spatiaux de l'UE. La Commission appelle à une mobilisation efficace et rapide des outils communautaires pertinents pour répondre aux menaces spatiales.

La stratégie propose un accès approprié aux informations relatives à la connaissance du domaine spatial par l'intermédiaire des commandements spatiaux nationaux compétents afin de caractériser les comportements inappropriés en orbite et de protéger les biens de l'UE.

Les exercices spatiaux, y compris avec les partenaires, permettront de tester et de développer la réponse de l'UE aux menaces spatiales et d'explorer les mécanismes de solidarité. La Commission promet de mettre en place des exercices réguliers pour tester, développer et valider les réponses aux menaces spatiales.

Utiliser l'espace pour la Défense

Mais le document est aussi clair : la Commission s'engage plus loin que dans une protection de ses infrastructures spatiales. Elle y explique, dans la section « sécurité et défense » du document, que des « services à double usage fournis par les programmes spatiaux de l'UE et par des entités commerciales, y compris du New Space, seront développés afin d'accroître l'autonomie stratégique de l'UE et de ses États membres. »

Et elle prévoit que les militaires puissent avoir des accès prioritaires sur les programmes spatiaux de l'Union :

« Tout en respectant la nature civile des programmes spatiaux de l'UE, des règles spécifiques et adaptées pour la fourniture de services, d'applications et de données sensibles du point de vue de la sécurité seront établies afin d'assurer le niveau de confiance approprié pour les utilisateurs des secteurs de la sécurité et de la défense (par exemple des droits prioritaires et le contrôle d'accès - y compris dans le contexte des opérations militaires, l'anonymisation des demandes, la restriction de la politique de diffusion). »

À l'horizon 2035, la Commission prendra en compte à long terme les besoins militaires pour les « services de défense basés sur l'espace ».

À plus courts termes, deux projets pilotes sont proposés : l'un pour la fourniture de services de veille spatiale en s'appuyant sur les capacités des États membres, et l'autre pour un nouveau service gouvernemental d'observation de la terre dans le cadre de l'évolution de Copernicus.

Coopération

L'UE promet de renforcer son engagement international sur ces questions et notamment sur la discussion des normes et règles de comportement dans l'espace. Elle veut aussi renforcer sa diplomatie spatiale bilatérale et en particulier avec les États-Unis, l'occident et l'OTAN.

Cette feuille de route n'est pas, pour le moment, accompagnée d'un budget supplémentaire. Mais il est clair que les ambitions qu'elle porte sont plus importantes que ce que le budget européen de l'espace permet.

Si l'évocation du « New Space » signale que la Commission espère voir émerger d'autres solutions que celles classiquement connues en Europe, comme Arianespace et Vega-C pour les lancements, ce n'est pour l'instant qu'un vœu pieux de pouvoir un jour avoir un concurrent européen de Space X.

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