Promotions bidons, remises farfelues : la CJUE sacralise la règle des « 30 derniers jours »
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Dans un arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne confirme qu’une « réduction de prix annoncée dans une publicité doit être calculée sur la base du prix le plus bas des 30 derniers jours ». Qu’importe si le revendeur mentionne sur sa publicité le prix le plus bas des 30 derniers jours.
Le 26 septembre à 14h45
9 min
Droit
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Il y a maintenant plus de deux ans, une disposition issue de la directive européenne sur les règles de protection des consommateurs est venue mettre de l’ordre dans les annonces parfois tonitruantes de réduction de prix. Les professionnels avaient en effet une grande liberté dans le choix du prix de références (ou prix barré) pour calculer la réduction affichée en gros sur les sites… avec évidemment de nombreux excès.
Affichage des promotions : les règles à respecter
Depuis mai 2022, la règle est imposée et le calcul doit se baser sur le « prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l'application de la réduction de prix ». La DGCCRF précise que, « en cas de réductions de prix successives, le prix de référence est celui pratiqué avant l'application de la première réduction de prix ».
Le professionnel reste libre de choisir la manière d’afficher la réduction : une valeur absolue (- 10 euros), un pourcentage (- 15 %), un prix barré, etc. Précision importante : « Une offre promotionnelle qui serait systématiquement renouvelée jusqu'à être permanente serait constitutive d'une pratique commerciale trompeuse de nature à induire le consommateur en erreur ».
Le cas Aldi…
Dans un arrêt publié ce jour, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle, s’il en était besoin, qu’une « réduction de prix annoncée dans une publicité doit être calculée sur la base du prix le plus bas des 30 derniers jours ». Elle avait été interrogée par une juridiction allemande, elle-même saisie par l’association Verbraucherzentrale Baden-Württemberg eV.
Le fond du problème était « la manière dont le discounter Aldi Süd fait de la publicité dans ses prospectus hebdomadaires au moyen de réductions de prix ou de "prix chocs" ». Publicité qui est distribuée aussi bien en version papier que sur Internet.
Dans l’un des prospectus, l’enseigne affichait des promotions avec un double discours. Le prix de la promotion est indiqué en gros au centre de l’image (1,29 euro à gauche) avec une réduction annoncée de 23 %. Cette dernière est calculée par rapport à un prix barré de 1,69 euro. Mathématiquement, la formule tient la route.
…avec une belle promotion de 0 %
Sur le même cadre (toujours à gauche), on peut voir la mention (en dessous du rectangle blanc) « Dernier prix de vente. Prix le plus bas des 30 derniers jours : 1,29 euro ». 1,69 euro est donc le « dernier prix de vente » avant la nouvelle promotion, tandis que 1,29 euro est celui des 30 derniers jours. Pour l’association allemande, c’est ce dernier qui doit servir au calcul du pourcentage.
« Prix choc » avec… 10 centimes de plus
À droite, c’est à peu près la même chose, mais avec un « prix choc » à 1,49 euro au lieu de 1,69 euro (prix barré). Cette fois, le prix le plus bas sur les 30 derniers jours (écrit là aussi en dessous du rectangle blanc) était de 1,39 euro.
Dans les deux cas, le prix juste avant la promotion était de 1,69 euro. Il s’agit de denrées alimentaires à chaque fois : des bananes à gauche, de l’ananas à droite.
Selon l’association de consommateurs allemande, ce n’est pas ce prix qui doit servir de base de calcul pour la remise ou figurer comme comparaison pour le « prix choc », mais celui des 30 derniers jours. On aurait ainsi dû avoir un gros « - 0 % » à gauche et 1,39 euro en prix barré à droite, soit moins cher que les 1,49 euro affiché en « prix choc ». Sans être des génies du marketing, on s'aperçoit que cela aurait été bien moins vendeur.
La Cour confirme la méthode de calcul
Selon l’association, « Aldi n’est pas en droit de calculer une réduction de prix figurant dans une annonce publicitaire sur la base du prix immédiatement antérieur à l’offre (dans le premier exemple 1,69 euro),
mais, conformément au droit de l’Union, devrait le faire sur la base du prix le plus bas pratiqué au cours des 30 derniers jours ». Elle ajoute qu’il « ne suffirait pas de simplement mentionner le prix le plus bas des 30 derniers jours dans l’annonce ».
« Estimant qu’une telle publicité portait atteinte aux intérêts des consommateurs et était déloyale, l’association de consommateurs a saisi le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) […] d’une action » afin de faire cesser cette publicité. La question de fond pour la juridiction concerne l’interprétation de l’article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/6. Elle a donc décidé de suspendre son jugement le temps posé à la Cour de justice de l’UE deux questions préjudicielles.
Tout d’abord, « un pourcentage mentionné dans une annonce d’une réduction de prix doit se référer exclusivement au prix antérieur au sens de l’article 6 bis, paragraphe 2, de la directive 98/6 ? ». Même chose lorsque des « mises en exergue publicitaires visant à souligner le caractère avantageux d’une offre au niveau du prix (telles que la désignation du prix comme "prix-choc") ». Bref, une même question pour les deux facettes de la publicité (pourcentage de réduction et prix choc).
Ne pas induire en erreur le consommateur
Réponse de la Cour de justice : « une réduction de prix, qui est annoncée par un professionnel sous la forme soit d’un pourcentage, soit d’une mention publicitaire visant à mettre en avant le caractère avantageux d’une offre de prix doit être déterminée sur la base du prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d’une période qui n’est pas inférieure à 30 jours avant l’application de la réduction de prix ».
Dans son communiqué, la Cour explique que le but de ce calcul est d’empêcher « d’induire en erreur le consommateur, en augmentant le prix pratiqué avant d’annoncer une réduction de prix et en affichant ainsi de fausses réductions de prix ». S’agissant de questions préjudicielles, la CJUE ne tranche pas le litige national, mais répond aux questions de la juridiction allemande. Cette dernière doit maintenant statuer sur l’affaire nationale.
Par contre, cette décision de la CJUE « lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire ».
Cdiscount et ses nombreuses « informations sur les prix »
À la lecture de cet arrêt, nous nous sommes demandés ce qu’il en était en France. Nous avons fait un tour rapide chez deux revendeurs qui étaient des spécialistes des prix barrés farfelus : Amazon et Cdiscount.
Cdiscount dispose d’une politique sur ses Prix de référence. « Pour toute annonce de réduction de prix d’un produit proposé sur le Site, nous indiquons comme prix de référence le "Prix le + bas sur 30j" », conformément à la réglementation donc. Dans certains cas, le revendeur se réserve le droit d’afficher, en plus, un « "prix avant remise", correspondant au dernier prix effectivement pratiqué sur le Site avant la réduction du prix ».
Cdiscount peut aussi afficher bien d’autres indications, notamment des « prix de comparaison » avec le « prix conseillé par la marque/le fabricant en xx/xxxx », le « prix moyen constaté sur notre Marketplace » et le « prix de comparaison renseigné par le vendeur de la Marketplace ».
On retrouve aussi parfois des comparaisons avec d’autres revendeurs, comme sur cette fiche produit où Cdiscount affiche en rouge « Moins cher que Boulanger ». On retrouve des mentions similaires sur d’autres produits avec Amazon, Darty, Rakuten…
Amazon aussi multiplie les informations sur les prix
Chez Amazon aussi, c'est parfois le casse-tête. Pour les « réductions de prix, telles que les promotions à durée limitée, nous affichons le Prix récent le plus bas du produit sur Amazon.fr au cours des 30 derniers jours avant l'application de la réduction de prix », affirme le revendeur. Là encore, à des fins de comparaison, les pages peuvent afficher d’autres prix de référence.
Le « Prix conseillé ou PVC », c’est-à-dire le prix de vente conseillé par le fabricant ou l'importateur, le « Prix ponctuel » qui peut « être affiché sous forme de prix barré pour les offres Prévoyez et Économisez », l’« Ancien prix » qui est le prix « de vente médian payé par les clients pour un produit sur Amazon.fr au cours des 90 derniers jours, hors prix promotionnels ».
Ce dernier est un peu plus ardu. Cela signifie que, sur la période de 90 jours, « 50 % des clients ont acheté le produit à un prix inférieur à l'Ancien prix et l'autre moitié à un prix supérieur à l'Ancien prix », mais hors promotions. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Enfin, « le Prix neuf est le prix de vente actuel du même produit à l'état neuf sur Amazon.fr. Il peut être affiché sous forme de prix barré pour les produits d'occasion ou reconditionnés ».
On peut voir un exemple ici avec le tarif, le prix récent le plus bas (sur 30 jours donc) et le « prix conseillé » qui est de 509 euros, soit celui au lancement en mai 2023. Amazon ne donne aucune indication temporelle sur le prix conseillé, contrairement à Cdiscount qui précise à priori le mois et l’année.
Comme toujours, faites-nous part de vos retours si vous voyez des prix barrés et/ou des promotions farfelues sur Internet.
Promotions bidons, remises farfelues : la CJUE sacralise la règle des « 30 derniers jours »
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…avec une belle promotion de 0 %
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Cdiscount et ses nombreuses « informations sur les prix »
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Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 26/09/2024 à 17h10
Le 26/09/2024 à 19h43
Le 26/09/2024 à 21h33
La nouvelle mode, ce sont les lots ou les gros paquets plus chers au kilo que les petits.
Avoir habitué pendant des années/décennies la population aux lots moins chers et d'un coup inverser le principe. Magnifique...
Les "formats max" ou "pack famille" sont carrément devenus des arnaques.
Le 28/09/2024 à 07h56
À la vente du fabricant au distributeur, le maxi pack peut avoir un prix/kg plus intéressant, sauf que le pack normal peut être le plus acheté par les consommateurs. Les centrales d'achats des distributeurs achètent donc un plus gros volume de packs normaux, et peuvent donc négocier un plus gros rabais dessus. En magasin le prix du pack normal devient alors plus rentable que le maxi.
Aucune idée de si c'est la seule/vraie raison, mais au final c'est pas terrible pour la lisibilité.
Le 28/09/2024 à 08h47
Merci!
(Ça n´explique pas vraiment le changement de paradigme, dans la mesure où les centrales d´achat ont certainement toujours été dans cette situation d´acheter plus de pack normaux que maxi mais ça reste un élément de réponse tout à fait intéressant.)
Le 26/09/2024 à 17h30
C’est un euphémisme Sébastien😄
Le 26/09/2024 à 18h29
Le 27/09/2024 à 09h33
Le 26/09/2024 à 19h20
https://www.gog.com/fr/game/ghostrunner
Prix de base à 30 euros, avec 70% de réduc = tarif final à 9€
Sauf qu'en dessous, il y a la mention : " Prix le plus bas depuis 30 jours avant réduction: 9.00 €"
J'ose espérer que concernant GOG, c'est simplement une erreur de dèv et pas une nouvelle politique commerciale.
Le 27/09/2024 à 09h44
Le 26/09/2024 à 19h41
Le 26/09/2024 à 20h09
Le 27/09/2024 à 09h49
L'article regorge d'exemples d'acteurs qui s'assoient sur la législation, trouvent des astuces plus ou moins bancales pour truander. Est-ce que la décision de CJUE aura un effet sur certains de ces truandages ?
Le 27/09/2024 à 10h06
Le 27/09/2024 à 14h15
Le 27/09/2024 à 16h10